VIH : des facteurs socioéconomiques limitent l’efficacité de la PrEP chez les HSH en Afrique de l’Ouest

Connaître des difficultés financières, cacher son orientation sexuelle ou avoir une forte consommation d’alcool… Ces facteurs pourraient limiter l’efficacité de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) en Afrique de l’Ouest, d’après les derniers résultats de l’étude ANRS CohMSM-PrEP, parus dans AIDS and Behavior le 11 avril 2022.

Publié le 23 mai 2022

La cohorte prospective CohMSM-PrEP est coordonnée par la Dr Bintou Dembélé Keita, directrice de l’association ARCAD Santé PLUS au Mali et par le Dr Christian Laurent, directeur de recherche à l’IRD au sein de l’unité de recherche mixte internationale TransVIHMI (IRD, Inserm, Université de Montpellier). Le volet sciences sociales de la cohorte est piloté par l’équipe SanteRCom au sein du laboratoire de recherche SESSTIM (Aix-Marseille Université, Inserm, IRD), dirigée par Bruno Spire (Inserm). Elle est menée dans quatre cliniques communautaires au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Mali et au Togo. Une offre de prévention gratuite y est proposée à des HSH, comprenant la PrEP, mais aussi des préservatifs, des lubrifiants, un dépistage trimestriel du VIH et des infections sexuellement transmissibles, ainsi qu’un accompagnement par des pairs-éducateurs.

Dans une précédente étude, l’équipe de recherche a confirmé l’efficacité de la PrEP pour prévenir les nouvelles infections par le VIH en Afrique de l’Ouest. Cependant, dans les pays d’Afrique de l’Ouest ayant inclus ce mode de prévention, l’adhésion à la PrEP n’est pas optimale.

Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont eu pour objectif d’évaluer le taux de rapports sexuels inefficacement protégés et d’identifier les facteurs pouvant limiter l’efficacité de la PrEP.

Entre novembre 2017 et novembre 2020, 520 HSH majeurs, présentant un risque élevé d’infection par le VIH, ont été inclus dans l’étude. Ils ont bénéficié de l’offre de prévention gratuite proposée par l’étude et ont été suivis tous les trimestres jusqu’en juin 2021. Parmi eux, 25,2 % prenaient la PrEP en régime continu, contre 74,8 % à la demande. Grâce à des questionnaires standardisés, les équipes de recherche ont pu recueillir les caractéristiques individuelles des participants, leurs comportements sexuels, leurs caractéristiques psychosociales et leurs usages de substances psychoactives, ainsi que des données sur l’utilisation de la PrEP et du préservatif. Les analyses statistiques ont été faites par le CIRSAC de Bamako (Centre intégré de recherche, de soins et d’action communautaire placé sous l’égide d’ARCAD Santé PLUS) en partenariat avec l’équipe SanteRCom.

D’après les résultats obtenus, la protection de 17 % des derniers rapports sexuels rapportés (soit 500/2 839) étaient classée comme inefficace, c’est-à-dire sans utilisation de préservatif et avec un usage incorrect ou inexistant de la PrEP.

Les facteurs prédicteurs d’une protection inefficace du VIH sont :

  • utiliser la PrEP à la demande tout en ayant des difficultés financières ;
  • trouver difficile l’utilisation de la PrEP ;
  • cacher son orientation sexuelle à sa famille ;
  • avoir une consommation d’alcool élevée ;
  • ne pas être membre d’une association communautaire ;
  • avoir un partenaire masculin stable.

Ces résultats sont à prendre en considération pour intégrer la PrEP de façon efficace aux programmes nationaux de prévention du VIH en Afrique de l’Ouest. La lutte contre la stigmatisation des HSH, qui diminuerait leur isolement, pourrait permettre de lutter plus efficacement contre le VIH. « Nous recommandons d’intégrer le dépistage systématique de la consommation abusive d’alcool dans les programmes de PrEP, de fournir des conseils en matière de réduction des risques en cas d’addiction, mais également d’intégrer des conseils particuliers pour les couples dans les programmes de prévention. De nouvelles études sont nécessaire pour bien comprendre le contexte ouest africain. », rapportent l’équipe SanteRcom, qui a piloté cette étude.

En savoir plus

Rate and Predictors of Ineffective HIV Protection in African Men Who Have Sex with Men Taking Pre Exposure Prophylaxis

August Eubanks (1), Bakary Coulibaly (2), Bintou Dembélé Keita (2), Camille Anoma (3), Ter Tiero Elias Dah (4,5), Ephrem Mensah (6), Gwenaëlle Maradan (1,7), Michel Bourrelly (1), Marion Mora (1), Lucas Riegel (8), Daniela Rojas Castro (1,8), Issifou Yaya (9), Bruno Spire (1), Christian Lauren (9), Luis Sagaon-Teyssier (1,2), and the CohMSM-PrEP Study Group

  1. Aix Marseille Univ, Inserm, IRD, SESSTIM, Sciences économiques & sociales de la santé & traitement de l’information médicale, ISSPAM, Marseille, France
  2. ARCAD Santé PLUS, Bamako, Mali
  3. Espace Confiance, Abidjan, Côte d’Ivoire
  4. Association African Solidarité, Ouagadougou, Burkina Faso
  5. Institut National de Santé Publique, Centre Muraz, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso
  6. Espoir Vie Togo, Lomé, Togo
  7. ORS PACA, Observatoire Régional de la santé Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marseille, France
  8. Coalition Plus, Community-Based Research Laboratory, Pantin, France
  9. TransVIHMI, Univ Montpellier, Inserm, Montpellier, IRD, France