Prix de thèse pour la recherche fondamentale sur les hépatites virales

A l’occasion de la réunion annuelle AC42 - Réseau national hépatites (RRNH), les deux prix de thèse ANRS | Maladies infectieuses émergentes / Société française de virologie pour la recherche fondamentale sur les hépatites virales ont été décernés à Marion Delphin et Virgile Rat, le 7 juin 2022, à l'Espace Saint-Martin, à Paris.

Publié le 07 juin 2022

Ces prix récompensent deux jeunes scientifiques dont les travaux de recherche dans le domaine des sciences fondamentales sur les hépatites virales ont marqué le domaine par leur innovation, leur originalité et leur grande qualité.

Les lauréats 2022 sont :

Ils présentent en vidéo leurs travaux en deux minutes :

Pourquoi vous êtes-vous orientés vers la recherche ?

Marion Delphin : Ma « vocation » a mis du temps à venir. Même si j’ai toujours été douée en science, la biologie n’était pas ma matière préférée et j’ai longtemps voulu être reporter-photographe avant de m’orienter vers la médecine. J’ai finalement fini par tomber amoureuse de la complexité et de la perfection des mécanismes moléculaires du corps humain durant ma première année de médecine. J’ai donc très rapidement continué vers un cursus universitaire plus spécifique, en licence de chimie-biologie. Même si j’ai pris beaucoup de plaisir dans mon cursus, je n’ai vraiment compris ma vocation qu’en master, grâce aux cours d’immunologie et de virologie de Mathias Faure et Renaud Mahieux à l’université Lyon I. J’ai été rapidement fascinée par cette chasse entre le système immunitaire et les virus et je continue encore de l’être chaque jour.

Virgile Rat : D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été attiré par l’acquisition de nouvelles connaissances et la résolution de problèmes. C’est de cette manière que, naturellement, je me suis passionné pour les virus et je me suis dirigé vers un master, puis une thèse en recherche.

 

Pourquoi avoir choisi de travailler sur les virus des hépatites ?

Marion Delphin : Je crois que dès le début, j’ai eu un attrait tout particulier pour les virus négligés. Malgré sa découverte en 1965 et l’existence d’un vaccin efficace et sans danger, le virus de l’hépatite B (VHB) tue encore 1 million de personne (non-vaccinées) chaque année. Il y a encore trop peu de personnes diagnostiquées, surtout dans les régions endémiques, et la compréhension du virus est clairement incomplète. Lorsque Julie Lucifora, David Durantel et Suzanne Faure-Dupuy m’ont proposé de travailler sur l’interaction du VHB avec les macrophages du foie, gardiens de l’immunité hépatique, j’ai tout de suite dit oui.

Virgile Rat : Le VHB est un virus passionnant et une merveille d’ingénierie naturelle. C’est un enjeu d’ordre mondial, puisque des personnes sont encore infectées de nos jours, malgré l’existence d’un vaccin efficace, ce qui en fait un défi stimulant. Le développement actuel de nouveaux antiviraux dits « à action directe » dirigés contre la capside est également un champ de recherche tout à fait passionnant, par son aspect prometteur pour la guérison de patients infectés chroniquement.


Quels sont les grands défis à relever selon vous dans ce domaine ?

Marion Delphin : Il y a actuellement énormément d’études cliniques préliminaires réalisées sur les hépatocytes in vitro qui ne sont pas reproductibles au sein de modèles animaux ou même chez l’homme, car l’environnement hépatique dans son ensemble, et notamment le système immunitaire, n’est pas pris en compte de façon appropriée. Je pense qu’un des plus grands défis à relever serait l’obtention de modèles 3D, pratiques à utiliser, qui permettraient d’étudier l’effet de nouveaux traitements de façon plus efficace, mais aussi d’avoir une plateforme pour mieux comprendre les interactions entres les cellules et comment tout cela peut mener à la pathologie. De façon plus personnelle, je pense que l’étude des différents génotypes du virus et de leurs spécificités est aussi une des grandes questions oubliées par le domaine du VHB.

Virgile Rat : La découverte d’une thérapie permettant de soigner les patients infectés est un défi de taille et serait sans aucun doute une grande avancée scientifique. Une alternative très efficace reste la vaccination, très inégale autour du globe, et il est sans aucun doute nécessaire de garder cette notion en tête.

 

Quels choix feriez-vous pour améliorer le monde de la recherche ?

Marion Delphin : Je pense que nous sommes tous très conscient de l’état de la recherche académique en France et de la précarité des jeunes chercheurs. Je n’ai pas l’impression que cela s’arrangera dans les années à venir. Il le faudrait pourtant cruellement afin d’éviter une forte fuite des cerveaux, que cela soit vers les entreprises privées ou à l’étranger. Aussi, un partage global ainsi que plus de collaborations internationales et inter-domaines doivent être mises en place afin de mieux aborder les grandes questions scientifiques de notre siècle, comme nous avons pu le constater avec la pandémie de Covid-19.

Virgile Rat : Sur l’aspect scientifique, j’inciterais sans aucun doute la recherche transdisciplinaire, la coopération des différents champs de recherche, ce qui n’est pas toujours simple mais qui résulte en des avancées uniques.