AFRAVIH 2022 : retour sur le symposium ANRS | Maladies infectieuses émergentes : «Vers un vaccin équitable contre la Covid-19»

En avril dernier s’est tenue à Marseille la 11e édition de la conférence internationale de l’AFRAVIH. A cette occasion l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes a présenté un symposium portant sur l’accès équitable de la vaccination contre la Covid-19. Nous vous proposons aujourd’hui de revenir sur les éléments à retenir suite à cette rencontre.

Publié le 01 juin 2022

En 15 mois, plus de 11,5 milliards de doses de vaccins contre la Covid-19 ont été administrées dans le monde (dont 1.65 milliard de doses de rappel) et 40 milliards de doses de vaccins sont prévues pour l’année 2022. Si l’objectif de production est atteint, il permettra de protéger la quasi-totalité de la population mondiale adulte avec un schéma complet.

Pourtant, la situation actuelle est de manière paradoxale, très inéquitable. Trois personnes sur quatre sont complètement vaccinées dans les pays à revenu élevé tandis que la couverture vaccinale demeure inférieure à 17% sur le continent africain et s’élève à moins de 13% dans les pays à faible revenu.

Introduit par le Dr John Nkengasong, directeur de l’Africa CDC, le symposium de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes a permis d’analyser la situation d’iniquité en matière d’accès à la vaccination contre la Covid-19, et d’en identifier les facteurs afin de formuler des solutions envisageables pour pallier cette problématique.

La première table ronde, intitulée : « Une couverture vaccinale inéquitable : pourquoi ? » a abordé les facteurs à l’origine du retard pris dans la vaccination :

  • Le Dr Edinam Agbenu (OMS Afro) a expliqué que la fragilité des systèmes de santé – confrontés à la vaccination de masse des populations adultes et à la logistique souvent complexe de distribution des vaccins – constituent des obstacles majeurs à une augmentation substantielle de la vaccination.
  • Le Dr Khoudia Sow (CRCF Dakar) a quant à elle présenté les différents freins à la vaccination (méfiance des populations vis-à-vis des vaccins ; peur des risques ; faible préoccupation vis-à-vis du Covid-19 dans des contextes où les problèmes de santé sont multiples, et les systèmes de santé sont fragiles ; influence des réseaux sociaux et des fake news).
  • Le Dr Yap Boum (Epicentre Yaoundé) a évoqué différentes stratégies de vaccination à adopter. En fonction de chaque contexte épidémique local, les autorités sanitaires peuvent opter pour une stratégie de couverture universelle – visant à protéger 70% de la population afin de limiter les risques d’émergence de variants – ou pour une stratégie ciblant prioritairement les populations les plus à risque.

Afin de pallier les problématiques liées à l’iniquité vaccinale, le Dr Nkengasong a insisté sur la nécessité d’un engagement politique fort au niveau national dans chaque pays et sur l’importance de renforcer urgemment les institutions sanitaires ainsi que les ressources humaines en santé. Il a également souligné l’importance des initiatives menées actuellement sur le continent pour développer les capacités de production vaccinale, l’adapter aux besoins locaux en vue d’autonomiser le continent.

 

Lors de la deuxième table ronde : « Faire face à l’iniquité : le défi de la production en Afrique », les panélistes ont évoqué la forte volonté des pays africains d’assurer à terme, l’autonomie du continent en matière de vaccination. Amadou Sall (Institut Pasteur de Dakar) a ainsi présenté le projet régional Madiba – piloté par l’Institut Pasteur de Dakar en collaboration avec l’Union africaine, l’Union européenne, les Etats-Unis, la Banque mondiale et l’OMS – dont l’objectif est de produire des vaccins contre la Covid-19 et d’autres maladies. Jusqu’à 300 millions de doses de vaccins contre la Covid-19 devraient être produites dans la phase initiale du projet.

Nicaise Ndembi (Union africaine) a quant à lui parlé du Partnership for African Vaccine Manufacturing, établi par l’Union africaine en 2021 et dont l’objectif consiste à renforcer l’industrie africaine afin que la production des vaccins sur le continent puisse atteindre un taux de 60% en 2040 (contre 1% aujourd’hui).

En ouvrant le débat sur les défis technologiques et économiques, Fabienne Orsi (IRD, Marseille) a abordé les enjeux liés aux brevets, au transfert de technologie et à la propriété intellectuelle, vers la constitution de biens communs mondiaux.

 

Pour conclure ce symposium, Sana de Courcelles (université de Genève, Sciences Po), experte en santé mondiale, a rappelé le caractère historique du contexte dans lequel a été développé les vaccins contre la Covid-19. Elle a également insisté sur la nécessité de privilégier la qualité dans le domaine de la vaccination et le besoin de vacciner en priorité les populations les plus exposées et vulnérables.

Répondre aux défis en matière de technologie, de ressources humaines, de système de régulation et d’accès à la propriété intellectuelle sont des impératifs pour progresser vers une production de vaccins sur toute la planète et donner à chacun la maîtrise de son destin.