3 questions à… Didier Ekouevi et Bruno Spire
Dernière mise à jour le 27 février 2023
3 questions à,
Didier EKOUEVI, Médecin épidémiologiste et professeur en Santé publique à la faculté des Sciences et de la Santé de Lomé, Togo
Bruno SPIRE, Chercheur à l’Inserm au SESSTIM (Sciences Economiques & Sociales de la Santé & Traitement de l’Information Médicale), Marseille, France
Co-président de l’AC 46, « Sciences sociales et santé publique »
Didier Ekouevi : L’AC 46 a pour objectif de coordonner les activités et axes de recherche dans un domaine pluridisciplinaire qui regroupe la santé publique et les sciences de l’homme sur les thématiques du VIH et des hépatites virales.
Bruno Spire : Cette nouvelle AC a une dimension internationale, en effet, elle regroupe des scientifiques du Nord et du Sud. Son champ thématique est également plus grand qu’auparavant car elle est le regroupement des anciennes AC 18 et 25 qui portaient respectivement sur les « Recherches en prévention du VIH/Sida » et les « Recherches en santé publique sur les hépatites virales ».
L’AC 46 fonctionne avec deux groupes de travail : « VIH » et « hépatites addiction ». Ils se réunissent de façon indépendante et nous organisons une fois par an un séminaire où l’ensemble de l’AC se regroupe sur des thématiques communes afin de favoriser la transversalité.
DE : Concernant les hépatites, il y a le défi de l’élimination des hépatites virales d’ici 2030. Il convient de surmonter des obstacles importants comme le manque de données pertinentes pour la prise de décision. Il est également nécessaire de faciliter l’accès aux antiviraux et d’intensifier les stratégies de prévention contre les hépatites B et C et le dépistage de ces deux virus.
Pour le cas du VIH, parvenir à l’élimination en 2030 reste un défi majeur, tout comme l’atteinte des objectifs 90x90x90 proposés par l’ONUSIDA. Il y a en particulier un retard à combler pour faciliter l’accès au traitement aux populations marginalisées. Le défi sera d’identifier les interventions innovantes qui permettent de lever les barrières structurelles qui aggravent la vulnérabilité et empêchent l’accès équitable aux services surtout en ce qui concerne les populations marginalisées.
BS : Concernant les défis au sein de l’AC, il me semble important que tous ses membres puissent travailler ensemble et ce, malgré les contextes différents dans lesquels chacun d’eux exerce. Je suis persuadé que cela va fonctionner car les thématiques que l’on rencontre aujourd’hui au Nord comme au Sud autour des infections VIH et Hépatites sont très souvent similaires, ce qui était peut-être moins le cas dans le passé.
Le deuxième défi que je mettrais en avant est celui de ne pas perdre de vue les spécificités des infections VIH et hépatites. En effet, les enjeux relatifs aux hépatites et aux addictions ne sont pas toujours liés à ceux que l’on peut rencontrer dans le cas de l’infection par le VIH. Il en va de même concernant les populations touchées, qui ne sont pas systématiquement les mêmes.
Enfin, un troisième défi sera de voir émerger un rôle plus collectif de la communauté de chercheurs dans la mise en place des projets. L’accompagnement dans la maturation des projets est un des rôles des AC et il est important que les chercheurs se saisissent de ce rôle pour améliorer leurs projets afin qu’ils puissent être plus en mesure d’être acceptés par les CSS qui jugeront les appels d’offre semestriels.
DE : Beaucoup d’efforts ont été faits dans le domaine du VIH avec un accès facilité au traitement antirétroviral mais les défis restent nombreux. Ainsi dans le domaine du VIH, il s’agit de mettre l’accent sur la prévention du VIH dans les populations marginalisées incluant les populations clés, les migrants et les adolescents. Pour les hépatites B et C, la connaissance de l’épidémiologie fine incluant la prévalence et les modes de transmission dans les pays du sud reste prioritaire. Enfin, dans le cadre d’une approche globale, la prévention de toutes les infections sexuellement transmissibles constitue un axe de recherche prioritaire.
BS : Il me semble important de développer la recherche interventionnelle et notamment avec les associations qui ont souvent développé des savoir-faire totalement empiriques sur les façons d’atteindre la population dans le domaine de la prévention ou dans le domaine de l’accompagnement des personnes infectées. Il serait donc intéressant de faire ces recherches en partenariat avec des associations et que cela puisse se faire dans tous les contextes : au Nord comme au Sud.
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– Michaela Müller-Trutwin, présidente de l’Action coordonnée 41 « Interactions Hôte/virus »