Innovation et réactivité : les priorités de l'action coordonnée « Cibles virales diagnostiques, thérapeutiques et vaccinales » face aux émergences virales

Entretien avec les co-présidents de l'action coordonnée

Dernière mise à jour le 17 juin 2025

L’essentiel

  • Portée par l’ANRS MIE et co-présidée par Bruno Canard et Delphine Planas, l’Action Coordonnée (AC) « Cibles virales diagnostiques, thérapeutiques et vaccinales » vise à structurer et dynamiser la recherche scientifique pour une réponse plus rapide et efficace face aux aux futures émergences virales.
  • À travers une approche intégrée, combinant recherche fondamentale et applications concrètes, l’AC ambitionne de renforcer les besoins essentiels pour le développement d’outils de réponse rapide.
  • Dans cette interview, les co-présidents partagent leur vision, les priorités et les innovations clés de ce groupe d’animation scientifique.

1. Quelles sont les raisons qui ont motivé la création de l’action coordonnée « Cibles virales diagnostiques, thérapeutiques et vaccinales » ?

Delphine Planas. La création de l’Action Coordonnée (AC) « Cibles virales diagnostiques, thérapeutiques et vaccinales » par l’ANRS MIE répond à un besoin stratégique exprimé par la communauté scientifique : Développer, en amont de toute crise, les connaissances scientifiques pour mieux préparer la France à faire face aux prochaines émergences virales. Depuis l’émergence du VIH dans les années 80, la recherche nationale reproduit un schéma de travail assez performant en recherche fondamentale en infectiologie, mais qui s’est avéré peu fonctionnel dans la mise au point de traitements ou de vaccins. Ce constat s’est malheureusement confirmé avec la pandémie de Covid-19 : la réponse scientifique française, trop peu structurée autour du développement d’outils diagnostiques, thérapeutiques et vaccinaux, n’a pas été en mesure de proposer des solutions concrètes à temps pour faire face à l’urgence.

Pour être pleinement efficace, la recherche doit désormais s’organiser autour de deux temporalités complémentaires :

  • Une recherche fondamentale de long terme, indispensable pour approfondir la connaissance des pathogènes existants et émergents ;
  • Une réponse rapide et coordonnée, capable de mobiliser en moins de 100 jours des diagnostics, des traitements prophylactiques et thérapeutiques, ainsi que des vaccins en cas d’émergence d’un nouveau virus.

La pandémie COVID-19 a mis en évidence qu’il ne suffit pas de disposer de connaissances scientifiques, il faut aussi pouvoir les transformer rapidement en applications concrètes. Cela suppose de structurer de manière plus opérationnelle la recherche appliquée, pour gagner en efficacité, préserver notre leadership scientifique et protéger la société lors des crises futures.

Bruno Canard. C’est précisément l’ambition portée par cette AC. Elle vise à anticiper, dès maintenant, les besoins essentiels pour le développement d’outils de réponse rapide :

  • La chimie médicinale, pour concevoir et optimiser des molécules à fort potentiel thérapeutique ;
  • Le criblage de molécules et d’anticorps monoclonaux sur des plateformes mieux connectées et rationalisées, afin d’éviter les doublons et d’accélérer l’identification de candidats prometteurs ;
  • La biologie structurale, qui permet de décrypter très en amont les cibles virales majeures, permettant le développement de vaccins, d’outils de diagnostics, et de médicaments;
  • L’intelligence artificielle et l’intégration des données, pour exploiter plus efficacement l’ensemble des connaissances existantes et accélérer la mise au point de solutions innovantes.

À travers cette AC, l’ANRS MIE entend créer un environnement propice à une recherche plus intégrée, plus réactive et tournée vers l’impact opérationnel, au service de la santé publique.

La création de l’Action Coordonnée « Cibles virales diagnostiques, thérapeutiques et vaccinales » par l’ANRS MIE répond à un besoin stratégique exprimé par la communauté scientifique : Développer, en amont de toute crise, les connaissances scientifiques pour mieux préparer la France à faire face aux prochaines émergences virales. »

2. Quelles sont les priorités de l’action coordonnée ?

Delphine Planas. L’AC a pour ambition de mieux structurer et animer la recherche autour de plusieurs pathogènes identifiés comme présentant un risque d’émergence sur le territoire français, afin de renforcer la cohérence et l’efficacité collective. Elle vise également à répondre aux besoins soulevés par la communauté scientifique sur des enjeux jugés prioritaires. Parmi ses objectifs, l’AC prévoit de cartographier la communauté scientifique française active sur chacun des quatre axes thématiques de l’AC, afin de favoriser les échanges et stimuler les collaborations. Cette dynamique s’inscrit dans une volonté plus large : faciliter le passage rapide de la recherche fondamentale à des applications concrètes, notamment en matière de diagnostics, de traitements et de vaccins.

Bruno Canard. Enfin, l’AC accorde une attention particulière à la formation et à l’implication de la nouvelle génération de chercheurs, pour préparer à cette double exigence de qualité scientifique et de réactivité opérationnelle. À travers cette approche, l’ANRS MIE entend mieux anticiper les futures émergences virales, renforcer l’excellence scientifique française, et limiter l’impact sanitaire et sociétal des prochaines pandémies.

3. Quelles sont les activités prévues de l’AC et comment vont-elles aider à structurer la recherche et le développement d’outils nécessaires à la réponse aux épidémies?

Bruno Canard. L’Action Coordonnée (AC) a prévu plusieurs activités visant à structurer la recherche et accélérer le développement d’outils essentiels face aux épidémies. La journée de lancement, organisée en décembre 2024, a réuni plus de 120 scientifiques pour discuter des enjeux et amorcer un travail de structuration, notamment en identifiant les expertises de chacun. À la suite de cet événement, une cartographie de la communauté scientifique est en cours d’élaboration. Elle permettra de repérer les forces existantes, de détecter les manques dans chaque domaine, et de favoriser les interactions entre chercheurs des différents axes thématiques.

Delphine Planas. L’AC prévoit l’organisation d’événements et de colloques autour de sujets stratégiques pour encourager une réflexion commune, et rapprocher les différents acteurs. Par exemple, l’irruption de l’intelligence artificielle (IA) dans de multiples domaines questionne le mode opératoire de son intégration et son interopérabilité pour accélérer les découvertes dans le domaine des maladies émergentes virales. L’AC lance des webinaires thématiques, comme celui sur les défis liés aux virus Influenza (voir ci-dessous), pour maintenir une dynamique active au sein de la communauté mais aussi pour faire l’état des lieux sur un sujet, et dégager les meilleures opportunités de recherche pour de jeunes talents. Enfin, un autre volet important est de renforcer les liens avec l’industrie. Une cartographie spécifique des acteurs privés sera réalisée et visera à créer un véritable écosystème public-privé. Ceci vise à soutenir le montage de projets ambitieux, connectés aux dispositifs de financement existants.

À travers cette action coordonnée, l’ANRS MIE entend créer un environnement propice à une recherche plus intégrée, plus réactive et tournée vers l’impact opérationnel, au service de la santé publique.

4. Quelles innovations dans le domaine de l’AC pourraient être bénéfiques à une meilleure réponse aux épidémies ?

Bruno Canard. Avant toute chose, il est nécessaire de s’organiser. L’AC propose une structuration de la communauté scientifique, basée sur le constat tiré principalement de la pandémie. La réalisation d’une cartographie fine des expertises et des ressources existantes permet de mieux connecter les acteurs, de combler les manques identifiés, et d’éviter les doublons. Cette approche favorise une coordination plus efficace entre les chercheurs et facilite également l’intégration des industriels pour accélérer le développement d’outils diagnostiques, thérapeutiques et vaccinaux.

Sur le plan scientifique, on ne peut pas éviter le sujet déjà rebattu de l’IA. Son intégration pour exploiter les données et orienter plus rapidement la recherche est un levier majeur. Aussi, l’anticipation sur des disciplines clés comme la biologie structurale est encouragée, afin de disposer immédiatement des informations nécessaires pour le développement de contre-mesures, comme cela a été déterminant pour les vaccins anti-Covid-19 à partir de la structure de la protéine Spike. Enfin, un effort est porté sur la mutualisation et la meilleure connexion des plateformes de criblage de molécules et d’anticorps monoclonaux, afin de rationaliser et d’accélérer le processus de sélection de candidats thérapeutiques.

Delphine Planas. Au-delà des aspects technologiques, l’AC impulse également un changement de culture. Elle inscrit la recherche dans une double dynamique : maintenir un haut niveau de science fondamentale tout en se préparant concrètement à une réponse rapide, dans des délais courts. L’implication des jeunes chercheur(e)s à cette double exigence est également au cœur de la démarche, pour renforcer la capacité d’anticipation, d’organisation et de réactivité de la recherche française.

5. Comment des chercheurs peuvent-ils contribuer ou participer à l’action coordonnée ?

Bruno Canard et Delphine Planas. Tous les chercheurs, incluant les jeunes chercheurs post-doc sont invités à participer aux évènements de l’AC. Il est possible de s’inscrire à la liste de diffusion (voir formulaire ci-dessous). Également, n’hésitez pas à nous demander à tout moment des contacts ou toute information susceptible de vous faire avancer dans vos projets.