Disparition de Daniel Defert, fondateur de AIDES

Sociologue et militant, le fondateur de l’association AIDES, Daniel Defert, est décédé le 7 février 2023, à l’âge de 85 ans. L’ANRS | Maladies infectieuses émergentes rend hommage à cette figure de la lutte contre le VIH et de la santé communautaire.

Dernière mise à jour le 07 mars 2023

En 1984, après le décès de son compagnon, le philosophe Michel Foucault, Daniel Defert s’est engagé dans la lutte contre le sida en créant l’association AIDES, qu’il a présidée jusqu’en 1991. Daniel Defert et AIDES ont œuvré pour le respect des minorités sexuelles et pour que les personnes vivant avec le VIH/sida ne soient pas perçues comme des personnes vulnérables, mais comme les acteurs incontournables de la réponse au sida, y compris dans sa dimension politique. Il a conceptualisé le rôle du malade du sida comme réformateur social : il s’est consacré à affirmer et construire le rôle actif des personnes atteintes dans leur relation avec les médecins, les chercheurs et les pouvoirs publics dans toutes les composantes de la riposte, la prévention, la prise en charge et la recherche.

Dès les premières années de l’ANRS, AIDES, aux côtés d’autres associations telles que Arcat et Act Up, a apporté l’expérience des malades à la recherche, a pris part aux travaux de l’agence et a intégré ses instances, ce qui a abouti à la création du TRT-5 en 1991. Son regard critique et exigeant sur le rôle des sciences de l’homme et de la société ont influencé leur organisation en contribuant au développement de la recherche communautaire par l’agence.

Par la création de nouvelles façons de soigner ou de prévenir, fondées sur l’expérience et les aspirations des personnes concernées, AIDES a participé à construire de nouvelles pratiques, en réunissant les personnes atteintes, leurs proches et leurs alliés pour construire un large mouvement social. Daniel Defert a inspiré la philosophie de AIDES qu’ont prolongé ses successeurs à la tête de l’association.

Bruno Spire, chercheur à l’Inserm au SESSTIM, co-coordinateur du site partenaire de l’ANRS au Cambodge et président de AIDES de 2007 à 2015, ajoute « en créant l’association Aides, Daniel a allumé le big bang de la mobilisation associative et de la santé communautaire en France. Daniel a conçu le concept du malade réformateur social : c’est en mobilisant différents groupes relégués dans des marges sociales qui étaient touchés par la maladie que la société a pu avancer sur les droits des malades, des personnes homosexuelles, sur la réduction des risques auprès des usagers de drogues, etc. La recherche communautaire aujourd’hui menée à l’agence est un des héritages du combat de Daniel ».

Le Pr Michel Kazatchkine, directeur de l’ANRS de 1998 à 2005, rend également hommage à Daniel Defert : « je suis très attristé par sa disparition. Tant de beaux souvenirs me reviennent à l’esprit. L’un d’entre eux est un dîner à Montparnasse au cours duquel, grâce à Daniel, l’idée avait surgi de la consultation du soir. Il s’agissait d’adapter l’hôpital aux besoins du patient plutôt que le contraire, en offrant la possibilité de venir en consultation le soir, en dehors des heures de travail des malades pour assurer au mieux la confidentialité et ne pas interrompre la vie professionnelle, alors que la stigmatisation était forte dans la société et le monde du travail. A l’ANRS, il a fait naître les premiers débats sur la démocratie sanitaire. Daniel a été un ami et un référent attentif et généreux tout au long de ces quarante années d’épidémie en France ».

Françoise Barré-Sinoussi, Prix nobel 2008 de physiologie ou médecine, se rappelle : « dès 1984, Daniel, attentif, attentionné envers les autres avec modestie, discrétion, nous a montré le chemin du combat tous ensemble pour lutter contre le VIH et, au-delà, contre les inégalités. Le plus bel hommage que nous pouvons lui rendre est de poursuivre le combat engagé par cet humaniste, d’une intelligence hors pair, qui vient de nous quitter ».