Inhibition du peroxysome par le virus de l’hépatite C – les prémices de la carcinogenèse.

Dernière mise à jour le 27 février 2023

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Si le virus de l’hépatite C (VHC) est bien connu comme étant une cause majeure de carcinome hépatocellulaire (CHC), la pathogenèse reste quant-à-elle mystérieuse. Pour élucider les mécanismes mis en œuvre, le Dr Joachim Lupberger, travaillant dans l’équipe du Professeur Thomas Baumert (Inserm et Institut de Recherche sur les Maladies Virales et Hépatiques, Université de Strasbourg) a étudié la transformation des cellules hépatiques en cellules cancéreuses lors de l’infection par le VHC in vitro puis in vivo à l’aide un modèle de souris au foie « humanisé ». Ce travail a mis en évidence qu’en plus d’augmenter l’activation de STAT3, un facteur de transcription régulant le cycle cellulaire, et la consommation cellulaire en sucre, le VHC inhibe le peroxysome, un élément clé impliqué dans la détoxification des dérivés réactifs de l’oxygène capables de causer des dommages à l’ADN et dans le métabolisme lipidique de la cellule. La combinaison de ces deux évènements favorise la transformation des cellules hépatiques en cellules cancéreuses et conduit à l’augmentation de la quantité d’acides gras à très longue chaîne dans la cellule. Ces conditions favorisent la maladie métabolique du foie associée à un mauvais pronostic chez les patients. Ces résultats, vérifiés chez plus de 330 patients atteints de CHC, ont été publiés dans le dernier volume de Gastroenterology.


Capable d’échapper au contrôle du système immunitaire, le virus de l’hépatite C (VHC) peut établir une infection persistante responsable d’une hépatite chronique, des maladies métaboliques incluant la stéatose hépatique (aussi nommée maladie du foie gras) et l’insulino-résistance ainsi que le développement de la fibrose hépatique. Cet état progresse à long terme jusqu’au cancer, faisant du VHC l’une des causes majeures de carcinome hépatocellulaire (CHC). Cependant, les mécanismes qui gouvernent cette progression de la maladie chronique vers le cancer ne sont pas encore élucidés. De plus, le risque de cancer ne peut pas être totalement éliminé, même après éradication totale du virus, en raison d’une empreinte épigénétique persistante laissée par l’infection virale, comme l’a récemment montré la même équipe  (1).

C’est à ces mécanismes pathogéniques que se sont intéressés le Dr Joachim Lupberger et l’équipe du professeur Thomas Baumert (Inserm et Institut de Recherche sur les Maladies Virales et Hépatiques, Université de Strasbourg) et qui ont font l’objet d’une publication dans la revue Gastroenterology datée d’août 2019. Pour cela, ils ont étudié les variations des quantités d’ARN messager et de protéines cellulaires à différents états d’avancement du CHC, tout d’abord en culture cellulaire dans un modèle d’hépatocytes humains, puis in vivo dans un modèle de souris au foie « humanisé ». Les résultats de cette étude ont ensuite été validés chez des patients infectés par le VHC mais également grâce à plus de 330 patients présentant un CHC à différents degrés d’avancement.

Le premier changement mis en lumière est une augmentation de la consommation du glucose par les cellules infectées. Le second changement, le plus important, est l’augmentation de l’activation d’un facteur de transcription, STAT3, qui conduit à la réduction de l’expression des gènes du peroxysome.

Le peroxysome est un élément clé de la cellule impliqué dans la détoxification cellulaire, notamment pour l’élimination de composés à l’origine de stress oxydatifs (qui sont une source importante de dommages à l’ADN cellulaire) et d’acides gras à très longue chaîne. La surabondance d’acides gras à très longue chaîne, conséquence de l’altération de l’activité du peroxysome, est l’une des causes les plus importantes de la progression vers le CHC. Or, cette quantité élevée d’acides gras est retrouvée dans d’autres pathologies hépatiques chroniques comme la stéatohépatite non-alcoolique ou maladie du soda (NASH). Elle apparaît donc comme un mécanisme clé de la pathogénèse hépatique et de la carcinogenèse.

Cette étude a permis pour la première fois la réalisation d’un atlas de l’évolution temporelle des ARN messagers et des protéines cellulaires impliquées dans la survenue de l’hépatite C chronique. L’étude et la quantification des protéines du VHC durant les premières phases de l’infection, en particulier, constituent une base très utile sur laquelle d’autres études pourront s’appuyer à l’avenir.

Les auteurs concluent que « La compréhension de la pathogénèse du VHC permettra non seulement d’éviter les cancers qui y sont liés, mais elle pourrait contribuer aussi à identifier de nouvelles stratégies thérapeutiques dans d’autres maladies hépatiques ».

Source :

Combined Analysis of Metabolome, Proteomes, and Transcriptomes of HCV-infected Cells and Liver to Identify Pathways Associated With Disease Development

Joachim Lupberger,1,2,* Tom Croonenborghs,3,4,5,* Armando Andres Roca Suarez,1,2 Nicolaas Van Renne,1,2 Frank Jühling,1,2 Marine A. Oudot,1,2 Alessia Virzì,1,2 Simonetta Bandiera,1,2 Carole Jamey,2,6 Gergö Meszaros,2,7,8,9 Daniel Brumaru,2,6 Atish Mukherji,1,2 Sarah C. Durand,1,2 Laura Heydmann,1,2 Eloi R. Verrier,1,2 Hussein El Saghire,1,2 Nourdine Hamdane,1,2 Ralf Bartenschlager,10,11 Shaunt Fereshetian,12 Evelyn Ramberger,13,14 Rileen Sinha,3,4,5 Mohsen Nabian,3,4,5 Celine Everaert,3,4,5 Marko Jovanovic,12,15 Philipp Mertins,12,13,14 Steven A. Carr,12 Kazuaki Chayama,16,17 Nassim Dali-Youcef,2,6,7,8,9 Romeo Ricci,2,7,8,9 Nabeel M. Bardeesy,18 Naoto Fujiwara,19 Olivier Gevaert,4,20 Mirjam B. Zeisel,1,2 Yujin Hoshida,19 Nathalie Pochet 3,4,5,§ and Thomas F. Baumert 1,2,21,

1Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, Institut de Recherche sur les Maladies Virales et Hépatiques,

Université de Strasbourg (IVH), Strasbourg, France 2Université de Strasbourg, Strasbourg, France 3Department of Neurology, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts 4Cell Circuits Program, Broad Institute of MIT and Harvard, Cambridge, Massachusetts 5Ann Romney Center for Neurologic Diseases, Brigham and Women’s Hospital, Boston, Massachusetts 6Laboratoire de Biochimie et de Biologie Moléculaire, Pôle de biologie, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Strasbourg, France 7Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire, Illkirch, France

8Centre National de la Recherche Scientifique, Illkirch, France 9Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, Illkirch, France

10Department of Infectious Diseases, Molecular Virology, Heidelberg University, Heidelberg, Germany 11Division of Virus-Associated Carcinogenesis, German Cancer Research Center (DKFZ), Heidelberg, Germany 12The Broad Institute of Massachusetts Institute of Technology and Harvard, Cambridge, Massachusetts 13Proteomics Platform, Max Delbrück Center for Molecular Medicine in the Helmholtz Society, Berlin, Germany 14Berlin Institute of Health, Berlin, Germany 15Department of Biological Sciences, Columbia University, New York, New York

16Department of Gastroenterology and Metabolism, Applied Life Sciences, Institute of Biomedical and Health Sciences, Hiroshima University, Hiroshima, Japan 17Liver Research Project Center, Hiroshima University, Hiroshima, Japan 18Massachusetts General Hospital, Boston, Massachusetts 19Liver Tumor Translational Research Program, Simmons Comprehensive Cancer Center, Division of Digestive and Liver Diseases, Department of Internal Medicine, University of Texas Southwestern Medical Center, Dallas, Texas 20Stanford Center for Biomedical Informatics Research, Department of Medicine and Biomedical Data Science, Stanford University, Stanford, California 21Pôle Hépato-digestif, Institut Hopitalo-Universitaire, Strasbourg, France

DOI : https://doi.org/10.1053/j.gastro.2019.04.003

(1) http://anrs.fr/fr/presse/communiques-de-presse/589/meme-eradique-le-virus-de-lhepatite-c-laisse-des-traces

Contact scientifique

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03 68 85 37 15 – joachim.lupberger@unistra.fr

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Marc Fournet

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