Dernière mise à jour le 12 novembre 2024
L’Afrique centrale, et la République démocratique du Congo (RDC) en particulier, paie un lourd tribut face aux flambées épidémiques successives de mpox. Jusqu’à présent, la diversité génétique du virus n’avait pas été bien documentée dans cette région du monde. Pour la première fois, dans le cadre du projet AFROSCREEN[1] et du projet PANAFPOX[2], des équipes de l’Institut National de Recherche Biomédicale (INRB) en RDC, de l’IRD et de l’Inserm ont fourni de nouvelles informations importantes concernant la diversité génétique de mpox circulant en RDC et sur le type de transmission prédominant. Le résultat de ces travaux vient de paraître sur le site internet de Cell le 24 octobre 2024.
La maladie mpox est une zoonose transmise à l’humain très probablement par les rongeurs. Le premier cas a été reporté en 1970 en République démocratique du Congo (RDC). Cette maladie, qui était endémique et concernait des zones principalement rurales et forestières en Afrique de l’Ouest et du centre depuis plusieurs décennies, a touché plusieurs pays du monde en 2022, y compris des pays européens. Pour la première fois, cette maladie s’est propagée rapidement entre individus, par contact sexuel, un mode de transmission peu observé jusqu’alors. De par son ampleur, la flambée épidémique a donné lieu à une déclaration d’une urgence de santé publique de portée internationale.
Le virus mpox responsable de la maladie se distingue en deux principaux clades*. Le clade I, la souche « historique » du virus, que l’on retrouve dans le Bassin du Congo et en Afrique centrale, et le clade II, présent en Afrique de l’Ouest, avec le clade IIb, originaire du Nigeria qui est à l’origine de la pandémie de 2022.
Le pays le plus touché au monde est la RDC, avec un nombre de cas qui a doublé ces dernières années, passant d’environ 3 000 cas en 2021 à 5 600 en 2022, de plus de 14 000 en 2023 à plus de 20 000 au 1er septembre 2024. Cette hausse s’accompagne d’une expansion préoccupante de la zone de propagation du virus en Afrique centrale, d’abord dans la partie est de la RDC et dans les zones urbaines comme la capitale Kinshasa, puis dans des pays frontaliers indemnes jusqu’à présent (Rwanda, Burundi, Kenya et Ouganda). La gravité de la situation épidémiologique a conduit pour la deuxième fois l’Organisation mondiale de la santé à déclarer, le 14 août 2024, l’épidémie de mpox comme une urgence de santé publique de portée internationale. Ces nouvelles infections ont été attribuées au clade Ib, un nouveau variant du clade I présentant des mutations de type APOBEC3** qui témoignent d’une adaptation du virus aux hôtes humains.
* groupe d’organismes, vivants ou ayant vécu, comprenant un organisme particulier et la totalité de ses descendants.
** les APOBEC3 (Apolipoprotein B Editing Complex) sont des protéines qui aident à protéger contre les infections virales.
Le but de l’étude menée en RDC, entre février 2018 et mars 2024, était de voir si l’augmentation du nombre de cas dans le pays résultait d’un emballement de la transmission zoonotique ou bien d’une évolution du virus qui favoriserait la transmission interhumaine. Le génome de 337 virus provenant de 14 des 26 régions du pays a été séquencé.
Toutes les nouvelles séquences du virus provenant de la province orientale du Sud-Kivu correspondaient au clade Ib récemment décrit. Ce variant est associé à une transmission par contact sexuel et à une transmission interhumaine soutenue. La diversité génétique limitée est compatible avec son émergence récente en 2023.
Tous les autres génomes, originaires des autres provinces, soit 95 % des cas, appartenaient au clade Ia qui se caractérise par une grande diversité génétique et un faible nombre de mutations APOBEC3 par rapport au clade Ib. Le résultat de l’étude suggère donc une prédominance de la transmission zoonotique du virus dans la population humaine. La co-circulation de lignées virales génétiquement diverses dans de petites zones géographiques sous-entend même des multiples introductions zoonotiques sur une courte période à partir d’une ou de plusieurs espèces réservoirs.
Pour la première fois, un grand nombre de séquences de virus mpox de clade I a été analysé. Cette étude a fourni de nouvelles informations importantes concernant la diversité génétique des virus mpox circulant en RDC et montre qu’on y trouve deux modes de transmission : la transmission zoonotique qui prédomine (clade Ia) et la transmission inter-humaine qui émerge (clade Ib) au Sud-Kivu et se propage rapidement vers d’autres régions de la RDC et dans les pays voisins.
La présence de plusieurs variants du clade I dans les zones urbaines, en particulier Kinshasa, souligne également la nécessité de continuer à surveiller l’évolution de la diversité des souches virales en RDC et les modes de transmission du virus mpox. Il est aussi urgent de mieux documenter les animaux réservoirs impliqués dans les transmissions zoonotiques.
Clade I Monkeypox virus genomic diversity in the Democratic Republic of the Congo, 2018 – 2024: Predominance of Zoonotic Transmission.
Eddy Kinganda-Lusamaki 1,2,3,17, Adrienne Amuri-Aziza 1,17, Nicolas Fernandez-Nuñez 3, Jean-Claude Makangara-Cigolo 1,2,4, Catherine Pratt 5, Emmanuel Hasivirwe Vakaniaki 1, Nicole A. Hoff 6, Gradi Luakanda-Ndelembo 1, Prince Akil-Bandali 1, Sabin Sabiti Nundu 1, Noella Mulopo-Mukanya 7, Michel Ngimba 7, Brigitte Modadra-Madakpa 7, Ruth Diavita 1, Princesse Paku – Tshambu 1, Elisabeth Pukuta-Simbu 1, Sydney Merritt 6, Áine O’Toole 8, Nicola Low 9, Antoine Nkuba-Ndaye 1,2, 3, Hugo Kavunga-Membo 7, Robert Shongo Lushima 10, Laurens Liesenborghs 11, Tony Wawina-Bokalanga 1,2,11, Koen Vercauteren 11, Daniel Mukadi-Bamuleka 1,2,7, Lorenzo Subissi 12, Jean-Jacques Muyembe 1,2, Jason Kindrachuk 13, Ahidjo Ayouba 3, Andrew Rambaut 8, Eric Delaporte 3, Sofonias Tessema 14, Eric D’Ortenzio 15, Anne W. Rimoin 6, Lisa E. Hensley 16, Placide Mbala-Kingebeni 1,2, 18, Martine Peeters 3, 18, Steve Ahuka-Mundeke 1,2,18.
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