Les mutations de résistance au nirsévimab apparaissent rarement chez le virus respiratoire syncytial (VRS)

Dernière mise à jour le 24 octobre 2024

L’essentiel

Le nirsévimab est un anticorps ciblant le virus respiratoire syncytial (VRS). Mis à disposition en France depuis septembre 2023, il est indiqué chez les nouveau-nés et nourrissons dans la prévention des bronchiolites causées par le VRS. Sa large diffusion soulève cependant la question de l’apparition de mutations de résistance. La plus grande étude de surveillance prospective de la sensibilité au nirsévimab menée à ce jour, l’étude POLYRES, vient de livrer ses conclusions. Ces travaux coordonnés par les Pr. Slim Fourati et Marie-Anne Rameix-Welti[1] ont bénéficié d’un financement de l’ANRS MIE grâce au soutien du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dans le cadre du Consortium EMERGEN.[2] Les scientifiques de l’AP-HP (dont ceux des Hôpitaux Universitaires Henri Mondor), de l’Inserm, de l’Institut Pasteur et des Université Paris-Est-Créteil et Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, membres des équipes du réseau de virologie de l’ANRS MIE, ont montré que les mutations de résistance au nirsévimab étaient très rares chez le VRS. Les résultats de l’étude viennent de paraître dans la revue Lancet Infectious Diseases du 14 octobre 2024.

[1] Responsable du Centre national de référence des Virus des infections respiratoires à l’Institut Pasteur et responsable de l’unité M3P (Institut Pasteur, Inserm U1173)

[2] Coordonné par Santé publique France et l’ANRS MIE

Le contexte

Le virus respiratoire syncytial (VRS) est le principal virus responsable de la bronchiolite, une infection des voies respiratoires basses affectant le nourrisson. On distingue deux groupes de VRS (le VRS-A et le VRS-B) qui peuvent circuler en alternance ou ensemble. Chaque année, le VRS est responsable de plus de 33 millions de cas de bronchiolites dans le monde, conduisant au décès de 100 000 enfants essentiellement dans les pays à bas revenus. En France, cette pathologie est responsable d’environ 480 000 cas par an. Elle est de loin la première cause d’hospitalisation chez l’enfant, entrainant chaque année plus de 26 000 hospitalisations en pédiatrie.

Le nirsévimab, un nouvel anticorps neutralisant* contre le virus, avait été mis à disposition en France en septembre 2023. Cet anticorps monoclonal** cible un site antigénique spécifique (l’épitope*** Ø) sur une protéine située à la surface du VRS impliquée dans la multiplication virale, la protéine de fusion F, et bloque ainsi le virus. Il existe un risque théorique d’émergence de variants du VRS portant des mutations de résistance à la neutralisation par le nirsévimab, même en absence de pression de sélection par l’anticorps. Le VRS est, en effet, un virus variable. Ce risque pourrait augmenter avec l’utilisation préventive généralisée du nirsévimab.

Lors des essais cliniques de phase IIb/III, seuls 48 VRS ayant infecté des enfants sous traitement par le nirsévimab avaient pu être étudiés, et des mutations d’échappement# avaient été retrouvées chez deux d’entre eux.

L’étude POLYRES

L’étude POLYRES avait pour objectif d’évaluer le risque d’échappement virologique au nirsévimab sur un plus vaste échantillon grâce à une étude observationnelle, multicentrique, de grande envergure se déroulant en vie réelle au cours de la saison hivernale 2023-2024.

Les résultats

Dans cette étude ont été inclus 695 nourrissons ayant une infection par le VRS, parmi lesquels 349 avaient reçu une prophylaxie par nirsévimab. Le VRS-A était majoritaire cette saison et a été retrouvé chez 86,6 % des enfants infectés. Les équipes ont analysé les caractéristiques des VRS-A et VRS-B présents dans les prélèvements nasopharyngés réalisés dans le cadre de la prise en charge habituelle des enfants. La séquence complète du génome viral a été déterminée pour rechercher en particulier des mutations dans le site de liaison (le site Ø) du nirsévimab (analyse génotypique§). La capacité du nirsévimab à inhiber la multiplication des virus en culture cellulaire a également été étudiée (analyse phénotypique¥). L’analyse de 472 VRS-A (dont la moitié provenant d’enfants traités) n’a révélé aucune mutation de résistance au nirsévimab dans le site Ø de la protéine F. Parmi les 73 enfants infectés par le VRS-B, 24 avaient reçus du nirsévimab en prophylaxie. Chez ces 24 enfants, deux isolats de VRS-B présentaient des mutations de résistance à l’anticorps, une déjà connue, l’autre inconnue et décrite ici pour la première fois.

* Les anticorps neutralisants sont des anticorps particuliers empêchant l’infection en bloquant l’entrée du virus dans les cellules cibles. Ils le font en formant un complexe antigène-anticorps qui inhibe l’activité biologique de l’antigène (substance étrangère à l’organisme capable de déclencher une réponse immunitaire visant à l’éliminer).

** Les anticorps monoclonaux regroupent un seul type d’anticorps (les polyclonaux, plusieurs). Ils sont utilisés en médecine.

*** Partie d’une molécule reconnue par un anticorps.

# Les mutations d’échappement permettent au virus de déjouer l’action des anticorps du système immunitaire humain

§ Les tests génotypiques sont basés sur l’identification de mutations conférant au virus un caractère de résistance.

¥ Le phénotypage, effectué par des tests phénotypiques, permet de définir le caractère sensible ou résistant du virus. Ceci se fait par culture du virus en présence de l’antiviral étudié.

.

Cette étude est la plus vaste concernant des analyses virologiques d’échecs au nirsévimab à ce jour. Elle a pu être réalisée grâce à un travail synergique et collaboratif avec le consortium des virologues de l’ANRS MIE, et constitue un projet d’ampleur nationale qui permet d’identifier les phénomènes de résistance liés à la diffusion du médicament. Ce type d’études est essentiel pour analyser la dynamique d’évolution des virus, à la lumière de solutions médicales existantes.

La faible prévalence des mutations de résistance au nirsévimab chez des patients traités est rassurante. Toutefois quelques VRS-B issus de patients traités analysés à ce jour présentaient des mutations d’échappement, ce qui invite à la prudence et souligne l’importance d’une surveillance moléculaire active dans le contexte d’une future utilisation du nirsévimab à l’échelle mondiale. Ces résultats sont essentiels dans la lutte contre cette maladie et pour anticiper toute forme de résistance .

Conclusion

Les résultats de l’étude POLYRES sont en faveur de la poursuite de l’utilisation du nirsévimab en prophylaxie pour tous les nouveau-nés dans le monde.

Référence

Genotypic and Phenotypic Characterisation of RSV after Nirsevimab Breakthrough Infections in a Large Multicentre Observational Real-world Study.

Fourati S1,2,3, Reslan A4,5, Bourret J5, Casalegno J6 , Rahou Y4,5, Chollet L7, Pillet S8, Tremeaux P9, Dossou NC10, Gault E4,11, Salmona M12, Imbert-Marcille B13, Mirand A14, Larrat S15, Moisan A16, Marot S17, Schnuriger A18, Veyrenche N19, Engelmann I20, Handala L21, Henry A22, Stephan V23, Brichler S24, Avettand-Fenoel V25, Zemali N26, Lefeuvre C27, Pronier C28, Deroche L29, Jaffar-Bandjee M30, Mouna L31, Francois C32, Regueme A33, Hartard C34, Rogez S35, Gallais F36, Boschi C37, Ly A1, Rodriguez C1,2,3, Dos Santos G38, Simon-Loriere E39, Schwartz O40, Buchrieser J40, Pawlotsky J-M1,2,3, Lemoine F5,41, Audureau E2,42, Rameix Welti MA4,5,11 on behalf of the POLYRES investigators.

Lancet Infectious Diseases

  1. Department of Virology, Hôpitaux Universitaires Henri Mondor, AP-HP, Créteil, France
  2. Université Paris-Est-Créteil (UPEC), Créteil, France
  3. INSERM U955, Team « Viruses, Hepatology, Cancer », Créteil, France
  4. M3P, UMR 1173 (2I), INSERM, université de Versailles St. Quentin, Université Paris Saclay, Paris, France
  5. M3P Centre National de Référence Virus des Infections Respiratoire (CNR VIR) Institut Pasteur Université Paris Cité, 75015 Paris, France
  6. Laboratoire de virologie, Institut des Agents Infectieux, Centre de Biologie et Pathologie Nord, Hôpital de la Croix-Rousse, Hospices Civils de Lyon, Lyon France, France
  7. Laboratoire de Biologie Médicale Centre Hospitalier Intercommunal de Toulon La Seyne sur Mer, rue Henri Sainte Claire Deville – CS 31412 – 83056 TOULON Cedex
  8. Service des agents infectieux et d’hygiène-Plateau de biologie Hôpital Nord-CHU de Saint-Etienne, France, Saint-Etienne, France
  9. Laboratoire de Virologie, CHU Toulouse, France, Toulouse France, France
  10. Normandie, INSERM, Normandie Univ, DYNAMICURE UMR1311, CHU Caen, Department of Virology, F-14000 Caen, France, Caen Normandie, France
  11. Virology Department, Hôpital Ambroise Paré (AP-HP), Paris, France
  12. Virology Department, Hôpital Saint Louis (AP-HP), INSIGHT U976, INSERM, Université Paris-Cité Paris, France
  13. Virology department, CHU de Nantes, Nantes, France
  14. Virology department, CHU de Clermont-Ferrand, Clermond-Ferrand, France
  15. Grenoble Alpes, Laboratoire de Virologie, Institut de Biologie-Pathologie, Centre Hospitalier Universitaire Grenoble Alpes, 38000, Grenoble France, France
  16. Univ Rouen Normandie, Université de Caen Normandie, INSERM, Normandie Univ, DYNAMICURE UMR 1311, CHU Rouen, Department of Virology, F-76000 Rouen, France
  17. Sorbonne Université; APHP Virologie Pitié-Salpêtrière, Paris Ile de France, France
  18. Sorbonne Université, APHP Virologie St Antoine – Tenon – Trousseau, Paris Ile de France, France
  19. Virology department, Hôpital Necker – Enfants Malades, Paris, France
  20. Pathogenesis and Control of Chronic and Emerging Infections, Univ Montpellier, INSERM, Établissement Français du Sang, CHU Montpellier, Montpellier, France
  21. Virology Unit, Department of Bacteriology, Virology and Hospital Hygiene, University Hospital of Tours, Tours, France
  22. Laboratoire de Biologie Médicale, microbiologie, CH Victor Dupouy, Argenteuil, France
  23. Virology department, CHRU de Brest, Brest, France
  24. Service de Microbiologie Clinique, CHU Avicenne, AP-HP, Bobigny, Bobigny, France
  25. CHU Orléans, Virologie, Orléans, France ; Université d’Orléans, LI2RSO, Orléans, France
  26. CHU de Bordeaux, Service de Virologie, Bordeaux, France
  27. Laboratoire de virologie, CHU Angers, F-49000, Angers, France
  28. Virology department, CHU de Rennes, Rennes, France
  29. Virology department, CHU de Poitiers, Poitiers, France
  30. CNR associé des Virus Respiratoires, laboratoire Microbiologie, Hôpital Félix Guyon CHU Réunion, La Réunion, France
  31. Virology Department, Hôpital Paul Brousse, INSERM U1193, AP-HP, Université Paris Saclay, France, Paris, France
  32. AGIR, UR4294, Université Picardie Jules Verne, Amiens, France; Laboratoire de Virologie, Centre de Biologie Humaine-CHU Amiens, 80054, Amiens, France
  33. Univ Lille, CHU de Lille, Laboratoire de Virologie ULR3610, Lille, France
  34. Laboratoire de Virologie, CHRU de Nancy Brabois, Vandoeuvre-lès-Nancy, France ; Université de Lorraine, CNRS, LCPME, F-54000 Nancy, France
  35. Virology department, CHU de Limoges, Limoges, France
  36. Virology department, CHU de Strasbourg, Strasbourg, France
  37. IHU Méditerranée Infection, Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), Aix-Marseille Université, Microbes Evolution Phylogeny and Infections (MEPHI), Marseille, France
  38. Microbiology department CHU de Martinique, La Martinique, France
  39. Evolutionary genomics of RNA viruses, Institut Pasteur, Université Paris Cité, Paris, France
  40. Virus and Immunity Unit, Institut Pasteur, Université Paris Cité, CNRS UMR3569, Paris, France
  41. Institut Pasteur, Université Paris Cité, Bioinformatics and Biostatistics Hub, Paris, France 75
  42. IMRB INSERM U955, Team CEpiA, Créteil, France

À propos de l’ANRS MIE

L’ANRS Maladies infectieuses émergentes est une agence autonome de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Ses missions sont de faciliter, évaluer, coordonner et financer la recherche sur le VIH/sida, les hépatites virales, les infections sexuellement transmissibles, la tuberculose, et les maladies infectieuses émergentes et ré-émergentes.

À propos de l’AP-HP

Premier centre hospitalier et universitaire (CHU) d’Europe, l’AP-HP et ses 38 hôpitaux sont organisés en six groupements hospitalo-universitaires (AP-HP. Centre – Université Paris Cité ; AP-HP. Sorbonne Université ; AP-HP. Nord – Université Paris Cité ; AP-HP. Université Paris-Saclay ; AP-HP. Hôpitaux Universitaires Henri-Mondor et AP-HP. Hôpitaux Universitaires Paris Seine-Saint-Denis) et s’articulent autour de cinq universités franciliennes. Étroitement liée aux grands organismes de recherche, l’AP-HP compte huit instituts hospitalo-universitaires d’envergure mondiale (ICM, ICAN, IMAGINE, FOReSIGHT, PROMETHEUS, lnovAND, reConnect, THEMA) et le plus grand entrepôt de données de santé (EDS) français. Acteur majeur de la recherche appliquée et de l’innovation en santé, l’AP-HP détient un portefeuille de 810 brevets actifs, ses cliniciens chercheurs signent chaque année plus de 11 000 publications scientifiques et près de 4 400 projets de recherche sont aujourd’hui en cours de développement, tous promoteurs confondus. L’AP-HP a obtenu en 2020 le label Institut Carnot, qui récompense la qualité de la recherche partenariale : le Carnot@AP-HP propose aux acteurs industriels des solutions en recherche appliquée et clinique dans le domaine de la santé. L’AP-HP a également créé en 2015 la Fondation de l’AP-HP qui agit en lien direct avec les soignants afin de soutenir l’organisation des soins, le personnel hospitalier et la recherche au sein de l’AP–HP.

Pour plus d’information : http://www.aphp.fr

À propos de l’Institut Pasteur

Fondation reconnue d’utilité publique, créée par décret en 1887 à l’initiative de Louis Pasteur, l’Institut Pasteur est aujourd’hui un centre de recherche biomédicale de renommée internationale. Pour mener sa mission dédiée à la lutte contre les maladies, en France et dans le monde, l’Institut Pasteur développe ses activités dans quatre domaines : recherche, santé publique, formation et développement des applications de la recherche. Leader mondial reconnu dans le domaine des maladies infectieuses, de la microbiologie et de l’immunologie, l’Institut Pasteur se consacre à l’étude de la biologie du vivant. Ses travaux portent ainsi sur les maladies infectieuses émergentes, la résistance aux antimicrobiens, certains cancers, les maladies neurodégénératives et les pathologies de la connectivité cérébrale.

L’Institut Pasteur est un des membres du Pasteur Network, un réseau mondial de plus de 30 membres sur les cinq continents, unis par des valeurs pasteuriennes communes, qui contribuent à l’amélioration de la santé humaine. Depuis le 1er juillet 2021, l’Institut Pasteur est un organisme de recherche partenaire d’Université Paris Cité.

Pour plus d’informations : www.pasteur.fr

À propos de l’Inserm

Créé en 1964, l’Inserm est un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la double tutelle du ministère de la Santé et du ministère de la Recherche. Dédié à la recherche biologique, médicale et à la santé humaine, il se positionne sur l’ensemble du parcours allant du laboratoire de recherche au lit du patient. Sur la scène internationale, il est le partenaire des plus grandes institutions engagées dans les défis et progrès scientifiques de ces domaines.

Pour plus d’informations : https://www.inserm.fr/

À propos de L’Université Paris-Est Créteil

Avec 14 facultés, écoles et instituts, 1 observatoire et 32 laboratoires de recherche, l’Université Paris-Est Créteil est présente dans tous les domaines de la connaissance depuis 1970, et forme chaque année plus de 42000 étudiants et actifs de tous les âges.

Acteur majeur de la diffusion de la culture académique, scientifique et technologique, l’établissement dispense plus de 500 parcours de formations dans toutes les disciplines, du BUT au doctorat. L’UPEC offre ainsi un accompagnement personnalisé de toutes les réussites, grâce à des parcours de formation initiale, des validations d’acquis et la formation continue, ou encore par le biais de l’apprentissage et des actions en faveur de l’entrepreneuriat.

L’UPEC a construit son projet stratégique d’établissement autour de trois orientations stratégiques majeures qui guident les actions de l’établissement : c’est une université engagée au service des excellences et de tous les parcours de réussite, une université actrice qui maîtrise de sa trajectoire et son impact social et une université ouverte sur le monde et sa diversité.

Pour plus d’information : https://www.u-pec.fr/

À propos de l’UVSQ

Répartie sur cinq campus dans les Yvelines, l’UVSQ (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines) compte 20 000 étudiants et étudiantes en formation initiale et continue, 480 doctorants, 1 000 enseignants-chercheurs et chercheurs et 37 structures de recherche. Membre de l’Université Paris-Saclay, l’UVSQ offre plus de 200 formations diplômantes dans cinq grands domaines d’enseignement, allant du BUT au Doctorat, dont 90 Masters à 80 % accrédités par l’Université Paris-Saclay.

Pour plus d’information : www.uvsq.fr

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