Le décès de Pierre Tiollais, le 5 août 2024 à l'âge de 89 ans, est une triste nouvelle pour la communauté du virus de l’hépatite B (VHB).
Dernière mise à jour le 16 septembre 2024
Interne des hôpitaux de Paris, il a commencé sa carrière à l’Inserm en 1967. Il a travaillé à l’Institut des maladies du sang à l’hôpital Saint-Louis à Paris de 1970 à 1976. Professeur agrégé et biologiste des hôpitaux en 1972, il est nommé professeur de classe exceptionnelle à la Faculté de médecine Lariboisière-Saint Louis en 1991.
Pierre Tiollais a rejoint l’Institut Pasteur en 1973 où il a dirigé l’unité Inserm 163 « recombinaison et expression génétique ». Il a participé au développement précoce en France d’un nouveau domaine appelé génie génétique, en particulier avec la construction du premier vecteur de clonage dérivé du virus bactériophage lambda. Il a ensuite sélectionné pour le clonage moléculaire le virus de l’hépatite B, récemment identifié. Avec Patrick Charnay et Francis Galibert, il a été le premier à cloner et à séquencer l’intégralité du génome du sous-type ayw du VHB. Puis, avec ses collègues du laboratoire de recombinaison et d’expression génétique, il a développé deux thématiques différentes : le lien entre l’infection chronique par le VHB et le cancer du foie, et le développement d’un vaccin recombinant contre l’hépatite B.
L’étude des mécanismes sous-jacents à la carcinogenèse hépatique, avec Anne Dejean, Christian Bréchot et Marie-Annick Buendia, a conduit à la caractérisation de l’intégration de l’hepadnavirus dans le génome des cellules infectées, et à l’identification de différents sites cibles.
« Pierre Tiollais avait une remarquable capacite à immédiatement distinguer dans un résultat de laboratoire ce qui pouvait être important, avec une vision a la fois de scientifique et de médecin. »
Pr Christian Bréchot, directeur général de l’Inserm (2001-2007),
directeur général de l’Institut Pasteur (2013–2017)
Par ailleurs, l’analyse du rôle des protéines virales a permis d’identifier HBx comme cofacteur du processus tumoral. Une autre ligne de recherche sur les antigènes viraux, avec Christine Pourcel et Marie-Louise Michel, a conduit au développement d’un des premiers vaccins recombinants contre l’hépatite B, qui a été produit à grande échelle dans des cellules de mammifères et utilisé efficacement dans le monde entier. D’autres études ont porté sur la vaccination thérapeutique des porteurs chroniques du VHB.
« En clonant le génome du VHB, Pierre Tiollais a ouvert la voie au développement de vaccins contre l’hépatite B qui ont bénéficié à plusieurs centaines de millions de personnes et ont contribué à la prévention du cancer du foie : il s’agit du premier vaccin anti cancer ! Pierre Tiollais a également ouvert la voie pour de nombreuses jeunes chercheuses et jeunes chercheurs talentueux. Son esprit d’innovation et d’animation a valeur d’exemple pour l’ANRS Maladies infectieuses émergentes. »
Pr Yazdan Yazdanpanah, directeur de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes
Les réalisations scientifiques de Pierre Tiollais ont été reconnues au niveau international : il a notamment été docteur honoris causa de l’université d’Upsaala (1989), membre de l’EMBO (1984), des académies françaises des sciences (1991) et de médecine (1996), de l’académie chinoise d’ingénierie (1998). Pierre Tiollais a en effet développé des interactions étroites et constantes avec des chercheurs universitaires chinois.
Pierre Tiollais a été nommé chevalier de la Légion d’honneur et élevé au rang de grand officier de l’ordre national du Mérite.
Outre ses contributions scientifiques fondamentales, son autre grand succès a été de favoriser l’émergence de nouvelles générations de chercheurs. Il a formé de nombreux étudiants et a accueilli de nombreux collaborateurs dans son laboratoire, dont beaucoup sont devenus des leaders dans leurs domaines respectifs.
Pionnier du génie génétique en France, figure emblématique de l’Institut Pasteur, passionné et curieux, Pierre Tiollais était très apprécié de ses collègues.
« Pierre Tiollais avait su créer dans son unité « une grande famille ». Sa bienveillance et son ouverture d’esprit permettait à chacun de suivre sa voie et de conduire sa recherche avec sérénité. »
Dr Marie-Louise Michel, directrice de recherche Inserm
Les équipes de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes et de l’Inserm s’associent à la peine de sa famille et de ses proches.