Prix de thèse « hépatites virales » 2023 ANRS/SFV remis à Cyrine Bentaleb et à Mathilde Briday

Deux prix de thèse "ANRS | Maladies infectieuses émergentes / Société française de virologie" pour la recherche fondamentale sur les hépatites virales ont été remis lors de la 23e réunion AC42 – Réseau national hépatites virales de l’agence, les 23 et 24 mai 2023 à Paris.

Publié le 24 mai 2023

Ce prix récompense cette année deux jeunes scientifiques dont les travaux de recherche dans le domaine des sciences fondamentales des hépatites virales ont marqué le domaine par leur innovation, leur originalité et leur grande qualité.

Le prix leur a été remis lors de la 23e réunion AC42 – Réseau national hépatites de l’agence. Les deux lauréates ont présenté leurs travaux devant les chercheurs présents lors de l’événement et ont reçu un chèque de 1 000 euros.

Les lauréates 2023 sont :

Elles répondent à nos questions :

Quel est votre parcours ?

Cyrine Bentaleb : J’ai réalisé une licence en biologie expérimentale et analytique durant laquelle j’ai pu me familiariser avec les domaines de la microbiologie, la biotechnologie, la virologie et la vaccinologie. J’ai enchainé ensuite avec un master en virologie et épidémiologie moléculaire à la faculté des sciences de Tunis. J’ai effectué mon stage de master 2 au sein de l’institut Pasteur Tunis, durant lequel j’ai travaillé sur l’amélioration d’un candidat vaccin dirigé contre une infection par le virus de l’hépatite E (VHE). C’est ainsi qu’en 2018, j’ai initié ma thèse au sein de laboratoire de virologie moléculaire et cellulaire au centre de l’infection et de l’immunité de Lille. J’ai soutenu ma thèse en janvier 2022. Depuis j’ai enchainé un stage post-doctoral dans le même laboratoire et j’ai été impliquée dans de multiples projets portants sur le VHE. Depuis le 8 mars 2023, j’ai rejoint une équipe émergente : chronicité des infections virales pour un stage post-doctoral de 3 ans. Mon projet post-doctoral actuel a pour objectif de cibler les mégacaryocytes et les plaquettes hébergeant le VIH comme une cible immunologique efficace.

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être chercheuse et apporter ma contribution à l’amélioration de la santé humaine. La première chose qu’il faut faire pour devenir chercheur, c’est de trouver sa passion. Un sujet de recherche qui nous passionne tellement qu’on est prêt à passer sa vie à l’étudier. Et pour trouver sa passion, ça prend trois choses : du temps, de la chance et de belles rencontres. Pour moi, ma passion pour la recherche et la virologie est née dans l’enfance, par mon envie de comprendre tout ce qui se passe autour de nous, et s’est confirmée au cours de ma formation universitaire et mes stages pré-doctoraux. C’est ce que j’aime dans le métier de chercheur : la curiosité, l’esprit critique, la créativité, la capacité à résoudre des problèmes complexes et le dynamisme.

Mathilde Briday : J’ai commencé mes études post-bac à l’école d’ingénieurs en chimie et sciences du numérique de Lyon (CPE Lyon) en 2013, et après 5 ans d’études et une année de césure en Allemagne, j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieure chimiste en 2019. Étant passionnée de biologie structurale et voulant découvrir le monde de la recherche publique, j’ai décidé d’entamer ma thèse à Lyon, au sein de l’IBCP. J’ai obtenu mon doctorat il y a seulement quelques mois, le 13 décembre 2022. Aujourd’hui, j’occupe le poste d’ingénieure de recherche en protéomique structurale, au sein de la plate-forme de RMN biologique et HDX-MS à l’Institut Pasteur, à Paris, et je souhaite pouvoir m’épanouir dans ce nouveau travail pour les prochaines années à venir.

Quels sont les résultats que vous avez obtenus pendant votre travail de thèse dont vous êtes la plus fière ?

Cyrine Bentaleb : La première partie de mon travail de thèse a consisté à caractériser les usines virales du VHE en utilisant des anticorps monoclonaux dirigés contre la protéine de capside ORF2, générés par notre laboratoire. La caractérisation de ces anticorps a montré leur fonctionnalité dans différentes approches expérimentales. De manière importante, ces anticorps anti-ORF2 ont permis de visualiser pour la première fois en microscopie électronique et confocale des structures induites spécifiquement par le VHE. C’est ainsi que nous avons pu identifier un site cellulaire enrichi en membranes cellulaires et en protéines virales, qui est probablement impliqué dans l’acquisition de l’enveloppe autour des particules virales du VHE néosynthétisées. Ces résultats ont été validés par des études fonctionnelles en utilisant l’interférence par l’ARN. Nos analyses ont ainsi montré qu’une infection par le VHE s’accompagne d’un détournement du compartiment endosomal de recyclage de la cellule hôte, qui servirait d’usine virale pour le VHE.

Dans la deuxième partie de mon travail de thèse, nous avons caractérisé la réplicase ORF1 du VHE par différentes approches, et cherché à définir si celle-ci subissait une maturation dans la cellule hôte. Pour cela, du fait de l’absence d’anticorps permettant de détecter la réplicase dans les systèmes réplicatifs, nous avons inséré différents épitopes dans l’ORF1. L’impact de l’insertion d’épitopes sur l’efficacité de réplication a été mesuré et les constructions pour lesquelles la réplication n’était pas affectée ont été sélectionnées. C’est ainsi que nous avons pu détecter l’ORF1, suivre son expression au cours du temps, sa maturation et ceci dans trois systèmes d’expression différents : un système infectieux, un système de réplicon (unité autonome de réplication) et un système d’expression hétérologue. De même, la localisation subcellulaire de l’ORF1 a été caractérisée en détails en utilisant différentes approches expérimentales. Au cours de ce projet, une nouvelle technologie appelée RNAscope permettant d’étudier la distribution des ARN génomiques et sous-génomiques du VHE a été mise en place. En utilisant des approches de microscopie électronique, nous avons également cherché à définir si, comme d’autres virus à ARN, le VHE induisait des remaniements membranaires dans la cellule infectée.

En conclusion, mes travaux de thèse ont apporté de nombreuses connaissances nouvelles sur la réplicase virale et les interactions du HEV avec la cellule hôte.

Mathilde Briday : Pendant mes trois années de thèse, j’ai essentiellement travaillé sur la protéine core formant la capside du VHB. Le résultat dont je suis la plus fière est la mise en évidence de l’interaction entre la protéine de la capside et les protéines d’enveloppe, que j’ai plus particulièrement étudiée en RMN, par ITC et en système acellulaire. J’ai eu la possibilité de travailler sur la totalité des tests qui ont été réalisés, ce qui m’a permis de pouvoir analyser et confronter tous les résultats.

Que proposeriez-vous pour poursuivre vos travaux ?

Cyrine Bentaleb : L’ensemble de mes travaux de thèse a permis de décrypter certaines étapes du cycle viral du virus de l’hépatite E, telles que la réplication, l’assemblage et l’acquisition de la bicouche lipidique, et a mis en évidence l’implication du compartiment endosomal de recyclage lors de ces différentes étapes du cycle infectieux. Il reste à évaluer l’implication de ce compartiment cellulaire comme cible thérapeutique. De surcroît, de nombreuses questions restent ouvertes concernant les mécanismes d’interaction entre les différentes protéines virales du VHE et les différents acteurs et effecteurs de ce compartiment cellulaire.

Mathilde Briday : La poursuite de mes travaux concerne justement l’interaction entre la capside et l’enveloppe du VHB. Je pense que beaucoup de possibilités sont envisageables, notamment les études sur les mutations impactantes, mais aussi sur la localisation de

Pourquoi avoir choisi de travailler sur ces virus ?

Cyrine Bentaleb : Une infection par le virus de l’hépatite E a été diagnostiquée chez mon petit frère. J’avais alors cinq ans, mais je me souviens que j’ai voulu être chercheuse et comprendre ce qui s’est arrivé à mon petit frère. J’ai réalisé tous mes stages pré-doctoraux dans des laboratoires de virologie étudiant le VHE et cela n’a fait qu’augmenter ma curiosité. J’ai donc choisi de me focaliser sur l’étude et la caractérisation de l’infection de la cellule hôte par le virus de VHE.

Mathilde Briday : J’ai décidé de travailler sur l’hépatite B, car je pense que les recherches que nous mettons en place aujourd’hui pour mieux comprendre ce virus pourront servir pour d’autres problématiques virales. Certaines étapes du cycle viral du VHB ne sont pas encore totalement comprises, et en particulier l’enveloppement du virus. Il représente une étape clé car le virion ne peut pas être infectieux s’il n’est pas enveloppé, donc la finalité de mes travaux serait de comprendre le mécanisme d’enveloppement pour envisager un moyen de le bloquer.

Quelles sont les grands défis à relever dans le domaine de la recherche sur l’hépatite E ?

Cyrine Bentaleb : A ce jour, aucun traitement spécifique n’a été approuvé dans le traitement des infections par le VHE. Un seul vaccin a été homologué sous le nom commercial d’Hecolin® en Chine depuis 2011, mais il n’a pas été pré-qualifié par l’OMS. Les plus grands défis à relever dans le domaine de la recherche sur l’hépatite E seraient donc la découverte d’un traitement spécifique et la mise au point d’un vaccin contre l’infection par ce virus.

Pourquoi est-il encore important de travailler sur le VHB alors qu’il existe un vaccin efficace ?

Mathilde Briday : Il s’agit souvent de la première question que l’on me pose, et parfois nous oublions que dans les pays où nous vivons nous avons accès au vaccin, mais d’autres n’ont pas la même chance. Ainsi, la recherche pour mieux comprendre le VHB est d’une grande importance pour envisager d’atteindre l’objectif de l’Assemblée mondiale de la santé, qui souhaite éliminer l’hépatite B d’ici à 2030.

Remise des deux prix de thèse