Interview du Pr André Cabié, CHU de Martinique, France
Dernière mise à jour le 18 octobre 2024
Trois nouveaux chapitres de recommandations ont été mises en ligne en octobre 2024. Les travaux sont réalisés sous l’égide de l’ANRS MIE, du Conseil National du Sida et des hépatites virales (CNS), et de la Haute Autorité de santé (HAS). Lors d’un entretien, le Pr André Cabié, pilote du groupe de travail, a présenté les aspects essentiels de ces chapitres portant sur l’initiation d’un premier traitement antirétroviral, et l’adaptation du traitement en situation de succès ou d’échec virologique.
Les nouvelles recommandations apportent davantage de précisions sur le délai d’initiation du traitement antirétroviral chez les personnes asymptomatiques. Dans les précédentes recommandations ou dans les recommandations actuelles des autres pays et organismes internationaux, ce délai n’est pas défini. Il est à présent recommandé de commencer le traitement dans les deux semaines suivant l’annonce du diagnostic, lors d’une consultation spécialisée. Il y a toutefois des situations spécifiques où le traitement peut être retardé, comme chez les personnes atteintes de VIH-2, les contrôleurs spontanés, ou encore celles qui ne sont pas prêtes à débuter immédiatement. À l’inverse, certaines situations exigent un traitement immédiat, comme en cas de primo-infection ou de grossesse au troisième trimestre. Par ailleurs, si un patient bien informé le demande, ou qu’il existe un risque élevé de transmission du VIH, le traitement peut être commencé dès la première consultation.
Un autre changement concerne le bilan initial : les recommandations précisent désormais quels éléments sont indispensables pour débuter le traitement et ceux qui peuvent être complétés dans les jours ou semaines qui suivent. Par exemple, l’obtention du résultat du test de résistance génotypique ne doit pas retarder l’initiation du traitement. Le traitement initial recommandé est une combinaison de deux ou trois traitements antirétroviraux (bithérapie ou trithérapie) pour VIH-1, trois antirétroviraux pour VIH-2. Le choix d’une association fixe à comprimé unique quotidien est privilégié. Quatre options principales sont proposées : trithérapie ou bithérapie avec un inhibiteur de l’intégrase ou trithérapie avec un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse.
Enfin, il y a une simplification des recommandations concernant l’initiation du traitement en cas d’infection opportuniste. Le traitement est généralement débuté dans les 14 jours suivant le diagnostic de l’infection, sauf dans deux cas spécifiques : la tuberculose neuro-méningée et l’infection neuro-méningée à cryptococcus, où un délai est nécessaire.
Le principe est simple : plus nous traitons rapidement, plus nous interrompons efficacement la transmission. En France, les données issues de la cohorte Dat’AIDS[1] montrent la réduction du délai entre la prise en charge et le premier traitement antirétroviral, passant de 67 jours en 2009-2011 à 13 jours en 2018-2019. Le dernier rapport des Indicateurs de prise en charge des PVVIH dans les COREVIH en France en 2022[2] montre également que, selon les régions, 50 à 75 % des nouveaux patients pris en charge sont traités en moins de 15 jours. Traiter toutes les personnes vivant avec le VIH et le faire rapidement est la meilleure stratégie pour atteindre l’objectif d’élimination de la transmission d’ici 2030.
[1] Cuzin L, et al. Drastic Reduction in Time to Controlled Viral Load in People With Human Immunodeficiency Virus in France, 2009-2019: A Longitudinal Cohort Study. Clin Infect Dis. 2024;78(1):111-117.
[2] Rapport des indicateurs de prise en charge des PVVIH dans les COREVIH en France en 2022. https://anrs-co4.fhdh.fr/rapports-des-indicateurs-de-prise-en-charge-des-pvvih-dans-les-corevih-en-france/
Avec plus de données disponibles, nous avons désormais plusieurs options d’allégement et de simplification du traitement validés. Il existe trois stratégies principales recommandées :
Ces bithérapies permettent de réduire le nombre de molécules utilisées, allégeant ainsi la charge médicamenteuse tout en simplifiant la prise quotidienne.
Ces ajustements offrent plusieurs bénéfices : ils simplifient la prise des médicaments, favorisant ainsi l’observance, et réduisent l’exposition aux molécules, limitant ainsi la toxicité à long terme. Il est indispensable de respecter les contre-indications et les précautions particulières avant de modifier le traitement (antécédent d’échec ou de résistance, co-infection par le VHB…)
[1] Landman R, et al. A 4-days-on and 3-days-off maintenance treatment strategy for adults with HIV-1 (ANRS 170 QUATUOR): a randomised, open-label, multicentre, parallel, non-inferiority trial. Lancet HIV. 2022;9(2):e79-e90.
Les échecs virologiques avec résistance sont aujourd’hui rares et sont le plus souvent liés à des problèmes d’observance. Contrairement au passé, où il était difficile de contrôler la situation, nous disposons aujourd’hui de traitements efficaces. En cas d’échec, on reconstruit une stratégie avec deux ou trois molécules actives. Pour les patients souffrant de multirésistance, trois nouvelles molécules sont disponibles : fostemsavir, lenacapavir et ibalizumab, réservées aux situations de multi-échec.
Les recommandations actuelles s’appuient sur des essais cliniques contrôlés, garantissant un niveau de preuve suffisant avant d’être adoptées. Plusieurs nouvelles molécules sont en développement, notamment des traitements injectables qui pourraient espacer encore davantage les administrations. Actuellement, nous avons des traitements injectables tous les deux mois, mais le lénacapavir, par exemple, pourrait permettre des injections tous les six mois.
Il est également très clair que les personnes vivant avec le VIH apprécient ces nouvelles options, car elles les libèrent des contraintes de la prise quotidienne de médicaments.
Le point commun aux trois chapitres des recommandations est que, quel que soit le contexte, le traitement antirétroviral doit permettre d’obtenir un contrôle efficace de la réplication virale. Ce principe fondamental se traduit par plusieurs bénéfices : l’absence de morbidité liée au VIH, la prévention de la transmission, et une meilleure qualité de vie liée à la santé pour les personnes vivant avec le VIH.
Que ce soit lors de l’initiation du traitement, lors de son maintien en adaptant la prise pour simplifier ou alléger les protocoles, ou encore en cas d’échec virologique, l’objectif reste le même : contrôler la réplication virale. Grâce aux traitements disponibles, y compris les nouvelles molécules, cet objectif est réalisable dans quasiment toutes les situations. Ce contrôle virologique permanent est également au cœur de la stratégie visant l’élimination de la transmission du VIH d’ici 2030.
Interview du Dr Cédric Arvieux, service des Maladies infectieuses, CHU de Rennes, France
Un webinaire dédié à la présentation des nouvelles recommandations est organisé le 5 juillet
Interview du Pr Laurent Mandelbrot, Chef du Service de Gynécologie-Obstétrique, gynécologue-obstétricien, AP-HP Hôpital Louis-Mourier, Colombes, France