Nouvelles recommandations pour le traitement des infections sexuellement transmissibles bactériennes

Interview du Pr Charles CAZANAVE, CHU de Bordeaux

Dernière mise à jour le 14 mai 2025

L’essentiel

  • Les nouvelles recommandations sur le « Traitement des infections sexuellement transmissibles bactériennes » ont été mise en ligne le 13 mai 2025. Les travaux sont réalisés sous l’égide de l’ANRS MIE, du Conseil National du Sida et des hépatites virales (CNS), et de la Haute Autorité de santé(HAS).
  • Lors d’un entretien, le Pr Charles CAZANAVE, pilote du groupe de travail, a présenté le rationnel scientifique d’élaboration des recommandations, les grandes lignes de prise en charge des quatre IST traitées (syphilis, gonocoque, Chlamydia trachomatis et Mycoplasma genitalium) et les perspectives de recherche nécessaires.

Quel est le contexte de mise à jour de ces recommandations ?

Comme pour beaucoup de recommandations, celles sur les infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes n’avaient pas été mises à jour depuis celles de la Société Française de Dermatologie en 2016. Pourtant, il y a eu beaucoup d’évolutions, notamment liées à la problématique croissante de la résistance bactérienne, qui concerne aussi les bactéries responsables d’IST.

Il y a également un versant épidémiologique : il existe une augmentation significative des IST bactériennes à tous les niveaux – mondial, européen, français – avec des chiffres parlants pour chlamydia, gonocoque et syphilis, et des données plus récentes concernant Mycoplasma genitalium. Ce dernier est d’ailleurs désormais détecté plus fréquemment depuis que son test de diagnostic est remboursé, ce qui génère de nombreuses questions cliniques, notamment chez les patients asymptomatiques.

Il fallait donc clarifier la prise en charge, car on a vu émerger de nouvelles pratiques diagnostiques, mais aussi parce que la résistance, en particulier pour le gonocoque et M. genitalium, oblige à être précis dans le choix des traitements.

Découvrez les autres recommandations IST

On voulait également inscrire ces recommandations dans une démarche globale de santé sexuelle : il ne s’agit pas uniquement de prescrire un antibiotique. Il faut penser au contexte, à l’accompagnement, aux violences sexuelles éventuelles, à la prévention, à la PrEP VIH, au dépistage du ou des partenaires… Il y a une vraie dimension globale à ne pas négliger.

Vous avez structuré le travail autour de quatre bactéries. Pourquoi ce choix et quelles sont les principales nouveautés pour chacune ?

Ces quatre bactéries – Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoeae (gonocoque), Treponema pallidum (syphilis) et Mycoplasma genitalium – sont les causes principales d’IST bactériennes. Il nous a semblé logique de concentrer les recommandations sur elles.

Pour la syphilis

Le traitement de référence reste la benzathine benzylpénicilline en intra-musculaire (IM), mais ce qui change, c’est que nous avons précisé les modalités d’administration, notamment avec l’ajout de lidocaïne pour le confort. De plus, pour la neurosyphilis, grâce aux récentes données rétrospectives publiées par le Centre National de Référence (CNR) de la syphilis, un traitement ou relais par ceftriaxone en intra-veineux est maintenant possible en alternative, pour une durée minimale de 10 jours. Cette alternative autorisera probablement une sortie d’hospitalisation plus précoce et une prise en soins au domicile facilitée. Autre point important : la doxycycline est désormais envisageable au 1er trimestre de grossesse, en alternative, selon les données du CRAT (Centre de Référence sur les Agents Tératogènes). Enfin, nous avons beaucoup insisté sur la vérification des allergies à la pénicilline, souvent surdiagnostiquées.

Concernant le gonocoque

La résistance est une problématique majeure, surtout en Asie-Pacifique. Le traitement de référence reste la ceftriaxone 1 g IM, mais dans les cas d’infection pharyngée ou de contamination probable dans cette région, nous recommandons une bithérapie avec ajout d’azithromycine 2 g. On précise aussi que les contrôles d’éradication (« test of cure ») ne sont plus systématiques, sauf cas particuliers détaillés dans les recommandations.

Pour Chlamydia

La nouveauté importante est que la doxycycline devient le traitement de première intention dans la majorité des cas, car plus efficace pour les infections anales et moins à risque de générer des résistances aux macrolides, notamment chez M. genitalium. Une exception, l’azithromycine sera utilisée au 2e et 3e trimestres de grossesse. L’idée est d’avoir une prise en charge plus simple, plus claire, plus homogène.

Enfin, pour M. genitalium

C’est la bactérie la plus problématique en termes de résistance. Nous insistons fortement : pas de dépistage ni traitement chez les patients asymptomatiques. Le traitement ne s’envisage que si le patient est symptomatique et qu’il n’y a pas de co-infection. Nous demandons aussi des tests de résistance aux macrolides avant toute mise sous traitement – ce n’est jamais une urgence de traiter une telle infection. Il n’y a que trois classes d’antibiotiques efficaces, il faut donc absolument éviter les mauvais usages.

Quel est le message principal à retenir de ces recommandations ?

Nos recommandations ont été pensées pour clarifier les schémas thérapeutiques, homogénéiser les pratiques et faciliter la tâche des prescripteurs. Nous espérons que cette simplification des protocoles favorisera une meilleure adhésion et, à terme, un meilleur contrôle de l’antibiorésistance.

Le message clé est que les prescripteurs doivent adopter un usage raisonné des antibiotiques pour les IST, comme pour toute autre infection. Il faut utiliser le bon antibiotique, à la bonne dose, pour la bonne durée, selon les principes du bon usage des antibiotiques.

Quelles perspectives de recherche s’ouvrent à la suite de ces recommandations ?

L’enjeu principal, c’est le suivi de l’impact de ces nouvelles recommandations sur l’évolution de l’antibiorésistance. Cela va se faire via des mesures d’impact mises en place par le CNR des IST bactériennes.

Chaque année, ces centres (Bordeaux pour chlamydia et M. genitalium, Saint-Louis (Paris) pour le gonocoque, et Cochin (Paris) pour la syphilis) produisent des rapports incluant un suivi de la résistance sur des prélèvements. Ces données permettront de voir si nos recommandations permettent effectivement de limiter la progression de la résistance.

  • Expertises

    Recommandations de prise en charge des personnes infectées par Neisseria gonorrhoeae

  • Traitement curatif des personnes infectées par Chlamydia trachomatis

  • Expertises

    Traitement curatif des personnes infectées par Mycoplasma genitalium

  • Expertises

    Recommandations de prise en charge des personnes ayant une syphilis

Autres chapitres de recommandations

  • La nouvelle recommandation «Doxycycline en prévention des infections sexuellement transmissibles bactériennes» a été mise en ligne 29 janvier 2025. Découvrez la présentation faite par le Dr Guillaume Conort, Département de Médecine Générale, Université de Bordeaux
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