Rencontre avec Alpha Kabinet Keita autour de la stigmatisation des personnes atteintes du virus Ebola

Rencontre avec Alpha Kabinet Keita autour de la stigmatisation des personnes atteintes du virus Ebola

Publié le 20 octobre 2021

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Médecin, microbiologiste, chercheur à l’Université de Montpellier – affecté au sein de l’unité TransVIHMI de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et de l’Inserm – le Dr Alpha Kabinet Keita est également chargé de recherche au CAMES (Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur) et directeur adjoint du Centre de Recherche et de Formation en Infectiologie de Guinée (CERFIG), qui collabore avec l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes. Dans cette interview, il aborde le sujet de la stigmatisation des personnes atteintes du virus Ebola.


A cause du risque de contagion, les personnes atteintes d’Ebola sont perçues comme un danger. Comme des personnes qui portent une maladie mortelle et qui peuvent la transmettre autour d’elles.


Bonjour Alpha Kabinet Keita, Pouvez-vous vous présenter ?


Je suis médecin, microbiologiste, chercheur à l’Université de Montpellier, affecté au sein de l’unité TransVIHMI de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et de l’Inserm. Je suis également chargé de recherche au CAMES (Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur), et directeur adjoint du Centre de Recherche et de Formation en Infectiologie de Guinée (CERFIG). Dans ce centre, je travaille sur les réservoirs de virus responsables des zoonoses – Ebola, Marburg, Lassa, Fièvre jaune, Dengue, Chickungunya, Coronavirus – et sur l’étude du comportement des virus en population humaine. En plus du soutien au projets de recherche que je développe, notre centre de recherche, le CERFIG, est un site collaborateur l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes. 


De quel constat êtes-vous partis pour monter ce projet ?


L’épidémie de la maladie à virus Ebola de 2013-2016, a touché plus 28 000 personnes et causé plus de 11 000 décès. Dans cette situation catastrophique mais inédite, le plus important pour nous était le nombre de personnes déclarées guéries de la maladie – les survivants ou les vainqueurs en fonction du contexte. – A la suite de cette vague ouest africaine, il y en a eu au moins 17 000. A cette période, la communauté disposait de très peu de données sur le devenir de ces personnes et quelques publications rapportaient une persistance du virus Ebola dans les fluides des anciens malades avec une durée maximale de trois mois. L’engagement de notre unité de recherche (TransVIHMI) en Guinée s’est fait dans ce contexte dans le but de mieux comprendre les conséquences cliniques, immuno-virologiques, psycho-sociales et anthropologiques de la maladie à virus Ebola. 


Vous parlez des conséquences psycho-sociales et anthropologiques de la maladie à virus Ebola, Pouvez-vous nous en dire plus sur comment sont perçues les personnes atteintes d’Ebola ?


A cause du risque de contagion, les personnes atteintes d’Ebola sont perçues comme un danger. Comme des personnes qui portent une maladie mortelle et qui peuvent la transmettre autour d’elles. 


Quelles sont les difficultés rencontrées par les personnes en rémission d’Ebola ?


Ces difficultés peuvent se manifester sous plusieurs formes. La peur de la contagion peut entrainer des réactions chez les proches des personnes en rémission d’une maladie à virus Ebola (MVE) qui peut aller de l’évitement au rejet et dans certains cas être à la base de violence. Dans ce contexte, je pense que la pire des difficultés pourrait être l’autostigmatisation qui entraine une réduction ou une suspension de leur vie sociale. Cette réduction de la vie sociale peut engendrer une précarité́ des conditions de vie induite par la stigmatisation. 


Comment peut-on mieux accompagner les survivants, victimes d’autostigmatisation ?


A mon avis, il faut sensibiliser sur la maladie, vulgariser les nouvelles informations sur l’évolution de la pathologie ainsi que sur sa prise en charge. Organiser un suivi intégré dans le système de santé existant des anciens malades peut éviter de stigmatiser et de marginaliser les personnes suivies.


En quoi les idées préconçues sur la santé mentale en Afrique ont-elles impacté le diagnostic et la prise en charge en santé mentale des personnes atteintes d’Ebola ?


Je pense que c’est une situation qui est liée au mode de fonctionnement et à la perception collective des problèmes mentaux, il y a une absence de communication sur la santé mentale et son caractère hétérogène. De ce fait, se retrouver à une consultation chez un psychiatre et/ou un psychologue est souvent associé à la folie. Cette perception réductrice de la santé mentale a entrainé de la méfiance chez les malades et un frein à la mise en place d’un programme de suivi mental chez les personnes atteintes d’Ebola. 


Est-ce que l’épidémie a contribué à faire avancer les mentalités sur la santé mentale dans certains pays d’Afrique ?


L’épidémie a contribué à faire prendre conscience de la réalité du problème et à rendre possible la prise en charge de ces personnes. Même si des efforts sont encore nécessaire, OUI on peut dire que l’épidémie a contribué à faire avancer les mentalités sur la santé mentale dans certains pays d’Afrique.