Par le Pr Yazdan Yazdanpanah, directeur de l'ANRS MIE, et le Pr Jean-Michel Molina, Université de Paris Cité et AP-HP.
Dernière mise à jour le 30 juin 2025
L’Agence américaine des produits alimentaires et des médicaments (FDA) vient d’approuver le lenacapavir, un traitement administré par voie injectable sous-cutanée deux fois par an, dans la prophylaxie pré-exposition (PrEP) contre le VIH. Ce médicament, produit par le laboratoire américain Gilead Sciences, représente une avancée majeure dans la lutte contre le VIH et promet de réduire significativement le risque d’acquisition du VIH chez les adultes et les adolescents. Le lénacapavir représente une innovation médicale en prévention du fait de son mode d’administration, ce qui représente un espoir pour des millions de personnes qui ont des difficultés à prendre un traitement oral quotidien en prévention.
L’approbation du lenacapavir par la FDA est une étape cruciale dans notre combat contre le VIH. Ce traitement pourrait révolutionner la prévention et offrir une nouvelle protection à des populations vulnérables
Cette approbation intervient un an seulement après la présentation des résultats préliminaires de l’essai PURPOSE 1, mené en Afrique du Sud et en Ouganda, qui ont montré une efficacité très importante sur la prévention du VIH chez les femmes cisgenres adolescentes et adultes participant à l’étude (1).
Cette efficacité a été confirmée six mois plus tard par les résultats de l’essai PURPOSE 2, conduit auprès d’hommes homosexuels et bisexuels, et de personnes trans et non binaires dans plusieurs pays, dont les États-Unis, l’Afrique du Sud, le Pérou, le Brésil, le Mexique, l’Argentine et la Thaïlande (2).
Des essais supplémentaires sont en cours (essais PURPOSE 3, 4 et 5) dans différentes populations et pays, y compris la France pour l’essai PURPOSE 5, qui est la première étude en Europe avec ce traitement préventif du VIH.
Les résultats des essais PURPOSE 1 et PURPOSE 2 sont extrêmement prometteurs. Ils montrent qu’un traitement préventif administré seulement une fois tous les six mois est capable de prévenir très efficacement l’infection par le VIH au sein de populations exposées n’utilisant pas le préservatif
Le lenacapavir vient compléter les traitements en PrEP existants, déjà disponibles sous forme orale (tenofovir/emtricitabline) en prise quotidienne ou à la demande (au moment des rapports sexuels). Cette nouvelle PrEP injectable, en seulement 2 injections par an, pourrait constituer un tournant majeur dans l’épidémie de VIH, tout comme l’ont été les traitements antirétroviraux en 1996. Sa longue durée d’action, actuellement de six mois, mais bientôt d’un an, pourrait faciliter l’adhésion, l’observance et la rétention des usagers. Une autre PrEP injectable, le cabotegravir a été déjà approuvée aux Etats-Unis et en Europe, et devrait bientôt être disponible en France. Le cabotegravir s’administre par voie intramusculaire tous les deux mois.
Cependant, malgré les espoirs suscités par le lenacapavir et cette approbation par la FDA, des questions de recherche restent à documenter. Il est crucial d’étudier les enjeux de déploiement auprès des différentes populations et selon les pays, ainsi que les questions de pharmacologie, d’accessibilité et d’équité, particulièrement dans les pays à ressources faibles et intermédiaires. Ces études sont d’autant plus importantes dans le contexte actuel de réduction drastique du financement de l’aide et de la coopération internationale.
Pr Yazdan Yazdanpanah, directeur de l’ANRS MIE. »
Pour anticiper la mise sur le marché du lenacapavir en France, l’ANRS MIE a constitué un groupe de travail il y a quelques mois, dont la coordination a été confiée au Professeur Jean-Michel Molina, investigateur principal des deux essais de référence en France conduits sur la PrEP (ANRS Ipergay initié en 2012 et ANRS Prévenir initié en 2017)(3,4). Ce groupe de travail, qui réunit des représentants communautaires et des chercheurs multidisciplinaires travaillant dans différents pays, a pour mission de définir les questions de recherche suscitées par l’arrivée de ce traitement préventif à longue durée d’action, et d’élaborer des projets d’implémentation dans différentes populations, territoires et pays.
Pr Jean-Michel Molina, Université de Paris Cité et APHP. »
Les résultats de ces travaux permettront de guider les pouvoirs publics lors de l’élaboration des recommandations sur le déploiement de cette nouvelle PrEP. Il est donc urgent d’initier au plus tôt ces travaux, en facilitant la mise à disposition du lenacapavir pour conduire ces recherches en « vie réelle ». L’ANRS MIE est pleinement engagée dans cette démarche en collaboration avec les autorités politiques et sanitaires pour faire de cette innovation une réalité accessible à tous.
Références