Variole du singe / Monkeypox : un « portrait-robot » de la maladie

Des médecins et chercheurs de l’Institut Pasteur, du Pasteur Network et de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes ont réalisé une revue de la littérature médicale et scientifique à propos de la variole du singe - MonkeyPox. Cette revue, qui brosse un portrait complet de la maladie, est parue dans le New England Journal of Medicine du 26 octobre 2022. Quels sont les signes de cette maladie ? D’où vient-elle ? Comment se transmet-elle ? Quelles sont les populations touchées ? Comment contenir ce type d’émergences ?

Dernière mise à jour le 07 mars 2023

La variole du singe est causée par le virus monkeypox, un virus de la même famille que celui de la variole. Initialement présent chez l’animal en Afrique (notamment chez des écureuils et des rats), le virus circule maintenant chez l’être humain. Les maladies qui suivent ce mode de transmission inter-espèces de l’animal à l’homme sont appelées zoonoses émergentes. La variole du singe se transmet par contact avec des lésions cutanées ou des fluides biologiques infectés. Cette maladie est avant tout caractérisée par une éruption cutanée durant une à deux semaines. Dans la grande majorité des cas, elle est spontanément résolutive et les formes graves sont rares survenant surtout chez les enfants et les patients immunodéprimés. Le nom de la maladie peut porter à confusion : en effet, le virus  de  variole du singe a été initialement isolé dans une colonie de singes, mais il se transmet à l’être humain probablement surtout à partir de rongeurs des forêts tropicales africaines (voir la fiche maladie Variole du singe – Monkeypox de l’Institut Pasteur). Toutefois, le ou les réservoirs animaux précis n’ont pas encore été formellement identifiés.

Une revue de la littérature scientifique pour comprendre le Monkeypox

Trois chercheurs ont réalisé une revue de la littérature médicale et scientifique, brossant un portrait complet de la variole du singe – Monkeypox :

  • Antoine Gessain, responsable de l’unité d’épidémiologie et physiopathologie des virus oncogènes à l’Institut Pasteur, et membre du collectif de scientifiques du projet AFRIPOX ;
  • Emmanuel Nakoune, responsable du département fièvres hémorragiques virales de l’Institut Pasteur de Bangui, et membre du collectif de scientifiques du projet AFRIPOX ;
  • Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Bichat AP-HP (ayant notamment accueilli et suivi de nombreux malades souffrant de variole du singe et diagnostiqués en France à partir de mai 2022, début de l’épidémie actuelle) et directeur de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes.

Les principales informations de leur travail, paru dans le New England Journal of Medicine, le 26 octobre 2022, se trouvent résumées sur la fiche maladie du site pasteur.fr (cause, transmission, symptômes, diagnostic, épidémiologie, prévention-vaccination, traitement-prise en charge).

Les chercheurs rappellent notamment le contexte d’apparition de la variole du singe. Il s’agit d’une maladie infectieuse humaine émergente d’origine sylvicole (forêts), identifiée pour la première fois chez l’être humain en 1970 en République démocratique du Congo. La plupart des cas ont été signalés dans les régions surtout rurales dans les zones de forêts tropicales humides d’Afrique Centrale et d’Afrique de l’Ouest. Quelques cas sporadiques ont été identifiés aux Etats-Unis à partir de 2003 importés par des animaux infectés ou, à partir de 2017-2018 par des voyageurs revenant de zones endémiques d’Afrique de l’Ouest.

L’accroissement important du nombre de cas depuis quelques décennies s’explique en partie par le déclin mondial de l’immunité post-vaccination antivariolique, à la suite de l’arrêt de cette vaccination, dans les années 1980 (voir l’analyse rétrospective de l’Institut Pasteur en juillet 2020). Cependant, d’autres facteurs, comme la déforestation, l’urbanisation croissante, etc. sont impliqués, et ont été sujets à une évolution ces 30 dernières années. Ces pressions sur les écosystèmes dues à l’activité humaine entraînent une majoration des interfaces humains/faune sauvage, ainsi que la modification des structures et dynamiques des communautés animales. Enfin, point important, les instabilités socio-économiques et les guerres civiles augmentent les risques de passages de virus de l’animal à l’humain.

Depuis mai 2022, une flambée épidémique de vaste ampleur est observée dans le monde (près de 80 000 cas en octobre 2022 – voir les données sur le site du CDC, l’agence américaine pour le contrôle et la prévention des maladies), déclarée « urgence de santé publique de portée internationale » par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis juillet 2022. Sa particularité est liée à son mode de transmission lors des contacts sexuels, peu observé jusqu’alors dans les précédentes épidémies. Elle touche une majorité d’hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, mais pas exclusivement. L’apparition de la maladie, dans certains cas, prend une forme clinique et épidémiologique assez différente de la forme survenant originellement dans les populations des régions rurales d’Afrique centrale, mais le taux de létalité reste très faible.

Les auteurs concluent que :

  • les maladies émergentes sont des phénomènes difficilement prévisibles dans leurs potentiels épidémiques et l’ampleur et la diversité de leurs symptômes ;
  • la sensibilisation des populations, le développement d’outils de diagnostics plus performants et l’évaluation de l’efficacité des traitements existants, sont autant de pistes pour faire face à ces maladies ;
  • le soutien au long cours des programmes de recherche sur les émergences dans les pays à revenu faible et intermédiaire est essentiel pour se préparer collectivement aux futures crises.

Ce dernier point – l’étude des maladies émergentes dans les pays à faible revenu – est primordial. Ces pays y sont particulièrement exposés, car leurs populations croissent rapidement et se retrouvent au contact de la faune sauvage, dans des forêts proches. « C’est pourquoi il faut mettre des moyens importants auprès et avec les équipes locales afin de lutter contre ces maladies émergentes et d’éviter qu’elles n’essaiment et deviennent des pandémies », soulignent les auteurs de l’étude.

C’est ce qui a été mis en place il y a près de dix ans avec un programme de recherche dédié au Monkeypox en République centrafricaine (RCA) avec le soutien de l’Institut Pasteur, membre du Pasteur Network présent au cœur de nombreuses zones endémiques et, dans le cas présent, en RCA via l’Institut Pasteur de Bangui. Ce travail collaboratif a déjà abouti à une dizaine de publications sur le sujet décrivant ce qui se passe en RCA avant l’épidémie de 2022, montrant l’intérêt du soutien à ce type de projet dans les zones d’endémie.

C’est aussi l’une des missions de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, créée en janvier 2021 (retrouvez la veille scientifique qui rassemble les principales informations sur l’épidémie de Monkeypox régulièrement mises à jour et issues de sources fiables).

Source

Monkeypox

Antoine Gessain (1), Emmanuel Nakoune (2), Yazdan Yazdanpanah (3)

  1. Institut Pasteur, Université Paris Cité, Centre National de la Recherche Scientifique, UMR3569, unité d’Épidémiologie et Physiopathologie des Virus Oncogènes, Département de Virologie, Paris (France).
  2. Institut Pasteur de Bangui, Bangui (République Centrafricaine).
  3. Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Department of Infectious and Tropical Diseases, Bichat-Claude Bernard University Hospital, INSERM, ANRS | Maladies infectieuses émergentes, Paris (France).

New England Journal of Medicine, 26 octobre 2022

DOI: 10.1056/NEJMra2208860