VIH-1 : des réservoirs découverts pour la première fois dans les macrophages tissulaires

Dernière mise à jour le 27 février 2023

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L’existence de réservoirs cellulaires où se cachent des virus VIH « dormants » chez les patients infectés sous traitement est un obstacle majeur à l’éradication du virus. Dans une étude parue aujourd’hui dans la revue Nature Microbiology, une équipe de recherche de l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université Paris Descartes) soutenue par l’ANRS et le Sidaction, et coordonnée par Morgane Bomsel, directrice de recherche CNRS, montre que, chez ces patients, des cellules de l’immunité particulières (macrophages) résidant dans les tissus du pénis, constituent de tels réservoirs cellulaires. La découverte de ce nouveau type de réservoirs dans les macrophages tissulaires pourrait ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques.


Le VIH-1 forme des réservoirs viraux dans les macrophages de la muqueuse de l’urètre masculin. Une coupe épaisse de tissus de l’urètre de patients infectés sous traitement et avirémiques a été immuno-marquée pour le virus (en vert, marquage de p24), les macrophages (en rouge, marquage de CD68) et les lymphocytes (en cyan, marquage de CD3). Les noyaux des autres cellules du tissus sont marqués en bleu. Le virus n’est détecté que dans les macrophages où il forme un réservoir, et pas dans les lymphocytes T.

 

© Morgane Bomsel, Yonatan Ganor & Fernando Real

 


Les réservoirs cellulaires sont des cellules infectées par le virus de l’immunodéficience humaine de type 1 (VIH-1) qui ne produisent plus de virus à cause des traitement anti-rétroviraux qui rendent l’infection latente, mais dans lesquelles, dès l’absence de traitement, le virus recommence à se multiplier. L’essentiel des travaux menés sur les cellules réservoirs s’est concentré sur les lymphocytes T circulants. Des essais d’éradication du virus logés dans ces réservoirs lymphocytaires ont consisté à réactiver les cellules réservoirs par une approche « shock and kill ». Cette approche consiste à rendre visible au système immunitaire les cellules infectées dormantes en les réactivant puis de les éliminer par les cellules cytotoxiques du patients mais aussi par des agents antirétroviraux ou des anticorps. Ces essais restent néanmoins pour l’instant infructueux.

De plus, la comparaison des séquences des génomes des virus issus des cellules T « réservoirs » et des virus qui réapparaissent lors de l’arrêt des traitements a montré qu’une partie de ces virus viennent d’un autre type de réservoir cellulaire. Ceci suggère donc qu’il existe d’autres réservoirs viraux parmi les différents types cellulaires que le VIH-1 infecte. Les macrophages sont les meilleurs candidats car ils sont rapidement ciblés par le VIH-1 lors de la transmission sexuelle mais résistent à l’effet de destruction cellulaire du virus.

Les chercheurs se sont particulièrement intéressés aux réservoirs présents dans les tissus du pénis de patients infectés, sous thérapie et sans virus détectables dans le sang. Ils ont comparé la capacité des macrophages à produire des virus avec celle des lymphocytes T des mêmes tissus, une fois les traitements arrêtés. Sur des échantillons muqueux issus d’une vingtaine de patients. À partir d’échantillons muqueux, les chercheurs ont isolé les cellules immunes triées pour leurs marqueurs de surface : CD68 pour les macrophages et CD3 pour les cellules T. Ils ont ainsi pu montrer par PCR (polymerase chain reaction) que l’intégration du génome viral n’était détectable que dans l’ADN des macrophages et pas dans celui des lymphocytes T. De plus, la production de virus infectieux à partir des cellules des tissus n’est réactivée qu’en stimulant spécifiquement les macrophages  alors que la stimulation des lymphocytes T  reste sans effet. Enfin, les macrophages contenant ces réservoirs infectieux ont été caractérisés : ils forment un nouveau sous-type de macrophages, porteurs marqueurs spécifiqueset leur proportion augmente considérablement chez les patients infectés.

Les chercheurs ont pu ainsi montrer que contrairement au dogme actuel, qui ne voyait de réservoirs de VIH-1 que dans les lymphocytes T, les macrophages contenus dans les muqueuses urétrales constituent un réservoir principal du virus. « Comme les macrophages de l’urètre sont les premières cellules ciblées par le virus lors de relations sexuelles, ces réservoirs viraux dans les macrophages pourraient s’établir très tôt, dès le début de l’infection », estiment les chercheurs.

Cette étude est la première à mettre en évidence l’existence de réservoirs réactivables du VIH-1 dans les macrophages tissulaires chez l’homme. La recherche systématique de la présence de réservoirs dans les macrophages d’autres tissus muqueux ou lymphoïdes apparaît maintenant essentielle pour cibler ce nouveau type de réservoirs cellulaires par des stratégies de type “shock and kill” dans les tentatives d’éradication des virus latents, restées jusqu’à maintenant sans succès.

 


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Voir la video réalisée par l’Université Paris Descartes sur les travaux de l’équipe de Morgane Bomsel :

https://youtu.be/UhS3a8yzrU8

 

Source

“HIV-1 reservoirs in urethral macrophages of patients under suppressive antiretroviral therapy”

Yonatan Ganor, Fernando Real, Alexis Sennepin, Charles-Antoine Dutertre, Lisa Prevedel, Lin Xu, Daniela Tudor, Bénédicte Charmeteau, Anne Couedel-Courteille, Sabrina Marion, Ali-Redha Zenak, Jean-Pierre Jourdain, Zhicheng Zhou, Alain Schmitt, Claude Capron, Eliseo A Eugenin, Rémi Cheynier, Marc Revol, Sarra Cristofari, Anne Hosmalin, Morgane Bomsel.

Nature Microbiology, 2019

http://dx.doi.org/10.1038/s41564-018-0335-z


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