Dernière mise à jour le 30 avril 2025
La lutte contre le VIH reste un défi majeur de santé publique, principalement en raison de la persistance de réservoirs viraux qui nécessitent un traitement antirétroviral à vie. Cependant, certaines personnes, appelées « contrôleurs post-traitement », parviennent à maintenir une charge virale indétectable même après l’arrêt du traitement. Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et de l’AP-HP, dans une étude financée par l’ANRS Maladies infectieuses émergentes (ANRS MIE), sont parvenus à identifier des caractéristiques génétiques immunitaires particulières d’un groupe de ces personnes. Ces travaux offrent des renseignements inédits sur les mécanismes immunitaires associés au contrôle du VIH sans traitement antirétroviral et ouvrent de nouvelles perspectives pour le développement d’immunothérapies visant la rémission ou la guérison de l’infection par le VIH. Ces travaux sont publiés dans Med, le 28 avril 2025.
Malgré le traitement antirétroviral, des cellules infectées par le VIH persistent dans l’organisme, formant ce qu’on appelle les réservoirs viraux. Ceux-ci sont à l’origine d’un rebond viral rapide en cas d’interruption du traitement. Cependant, certains individus contrôlent durablement le virus après l’arrêt du traitement. Il s’agit des « contrôleurs post-traitement » qui ont été décrits dans le cadre de l’étude VISCONTI en 2013. Ces personnes sont considérées en rémission virologique durable de l’infection par le VIH. Dans certains cas, la durée du contrôle dépasse déjà les 25 ans sans traitement. L’initiation d’un traitement précoce, dans les premiers jours suivant l’infection, pendant l’infection aigüe, semble favoriser un tel contrôle post-traitement du VIH1, mais les mécanismes immunitaires restaient encore mal compris jusqu’à présent.
Cette étude, coordonnée par Asier Sáez-Cirión, responsable de l’unité Réservoirs viraux et contrôle immunitaire à l’Institut Pasteur, a identifié que certaines caractéristiques génétiques associées à des cellules de l’immunité innée (les cellules Natural Killer ou NK) sont très fréquemment retrouvées chez les contrôleurs post-traitement de la cohorte VISCONTI. Dans une analyse rétrospective de la cohorte ANRS CO6 PRIMO (où les caractéristiques génétiques de plus de 1 600 participants suivis depuis le début de leur infection ont été analysées), les scientifiques ont confirmé que la présence de ces marqueurs génétiques semble favoriser la rémission durable du VIH chez des personnes qui ont initié un traitement précocement et qui l’ont interrompu par la suite pour des raisons diverses. Les scientifiques montrent que la présence de ces marqueurs génétiques est accompagnée par l’existence de populations particulières de cellules NK qui ont une capacité accrue à contrôler l’infection.
Les résultats obtenus dans cette étude soutiennent le rôle des cellules NK dans la rémission prolongée du VIH et pourraient orienter le développement de nouvelles immunothérapies
Un essai clinique en cours
Pour valider ces découvertes, un essai clinique intitulé ANRS 175 RHIVIERA01 promu par l’Inserm / ANRS MIE, a été lancé en mars 2023. Cet essai vise à étudier l’association entre les marqueurs génétiques des cellules NK et le contrôle post-interruption du traitement. Dans le cadre de l’essai, il a été proposé une interruption du traitement étroitement surveillée à 16 personnes portant ces caractéristiques génétiques et qui étaient traitées depuis leur primo-infection. Les analyses sont en cours. En parallèle, les scientifiques sont en train de caractériser l’influence précise de ces caractéristiques génétiques associées à la rémission sur le programme et la fonction des cellules NK. Cette approche permettrait de développer des immunothérapies pour mobiliser ces cellules particulières chez d’autres personnes vivant avec le VIH.
Cette étude est associée à l’étude VISCONTI et à la cohorte PRIMO, soutenues et financées par l’ANRS MIE. Les chercheurs ont également reçu des financements du NIH, en particulier dans le cadre du projet ERASE HIV pour la guérison du VIH.
Cette découverte représente une étape cruciale dans la poursuite de la rémission durable de l’infection par le VIH. Dans un contexte où les programmes d’accès aux antirétroviraux sont fortement menacés, des nouvelles thérapies qui permettront aux personnes vivant avec le VIH de mener une vie normale sans devoir prendre de traitement deviennent encore plus nécessaires et urgentes.
A genetic fingerprint associated with durable HIV remission after interruption of antiretroviral treatment. ANRS VISCONTI/PRIMO, Med, le 28 avril 2025
Asma Essat1,#, Anaïs Chapel2,3,#, Kahina Amocrane4, Valérie Monceaux2,3, Céline Didier5, Adeline Melard6,7, Elise Gardiennet6,7, Véronique Avettand-Fenoel6,7,8, Sylvie Orr1, Faroudy Boufassa1, Olivier Lambotte9, Michaela Müller-Trutwin3, Camille Lécuroux9, Antoine Chéret7,10, Cécile Goujard10, Christine Rouzioux6, Sophie Caillat-Zucman4, Laurent Hocqueloux11, Daniel Scott-Algara12, Laurence Meyer1 and Asier Sáez-Cirión2,3,*; ANRS PRIMO cohort and VISCONTI study.
#Equal contributors
L’ANRS Maladies infectieuses émergentes est une agence autonome de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Ses missions sont de faciliter, évaluer, coordonner et financer la recherche sur le VIH/sida, les hépatites virales, les infections sexuellement transmissibles, la tuberculose, et les maladies infectieuses émergentes et ré-émergentes.
Fondation reconnue d’utilité publique, créée par décret en 1887 à l’initiative de Louis Pasteur, l’Institut Pasteur est aujourd’hui un centre de recherche biomédicale de renommée internationale. Pour mener sa mission dédiée à la lutte contre les maladies, en France et dans le monde, l’Institut Pasteur développe ses activités dans quatre domaines : recherche, santé publique, formation et développement des applications de la recherche. Plus de 2 800 collaborateurs travaillent au sein de son campus, à Paris.
Pour plus d’informations : https://www.pasteur.fr/fr
Créé en 1964, l’Inserm est un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la double tutelle du ministère de la Santé et du ministère de la Recherche. Dédié à la recherche biologique, médicale et à la santé humaine, il se positionne sur l’ensemble du parcours allant du laboratoire de recherche au lit du patient. Sur la scène internationale, il est le partenaire des plus grandes institutions engagées dans les défis et progrès scientifiques de ces domaines.
Pour plus d’informations : https://www.inserm.fr/