Le VIH responsable de la pandémie de SIDA trouve son origine dans des transmissions inter-espèces de lentivirus simiens (SIV). L’identification des interfaces VIH-cellules qui sont importantes in vivo est un objectif majeur pour la lutte contre le VIH/SIDA. Deux gènes, SAMD9 et SAMD9L, étaient des candidats intéressants parce qu’ils (i) appartiennent à la même famille de gènes, qui a évolué dans une “course aux armements” moléculaire chez les mammifères, (ii) sont des facteurs de restriction des poxvirus et ont été trouvés dans un screen CRISPR-VIH, et (iii) sont impliqués dans des maladies génétiques inflammatoires (SAAD/ATXPC). Dans des travaux récents et en cours, nous avons découvert que SAMD9L restreint la réplication du VIH et des lentivirus, tandis que SAMD9 a un effet proviral sur le VIH-1 (Legrand et al bioRxiv 2023). Nous avons identifié que l’inhibition par SAMD9L se situe au niveau de l’étape de traduction des protéines virales, avec une forte restriction des souches Transmitted/Founders de personnes VIH-1+. Nous avons également montré que SAMD9L inhibe les lentivirus, mais pas le rétrovirus MLV, ni deux virus à ARN (MOPV, VSV). En outre, nous avons identifié un site actif de type Schlafen (SLFN) nécessaire à l’activité anti-VIH de SAMD9L. En testant un variant SAMD9L de patients SAAD/ATXPC, nous avons déterminé que les fonctions cellulaires et délétères dépendent également de ce site actif. Enfin, nous avons proposé un modèle dans lequel la répression traductionnelle de SAMD9L dépendrait du biais d’usage des codons, reliant sa fonction cellulaire et l’immunité spécifique au virus.
Dans d’autres analyses préliminaires, nous avons réalisé des analyses génomiques et évolutives, aux niveaux inter- et intra-espèces, mettant en évidence des adaptations exceptionnelles et des pertes de gènes dans les populations d’hominidés proches de l’homme et qui sont dépourvues d’infections naturelles par le SIV. Nos premiers tests fonctionnels de ces variants naturels suggèrent que ces polymorphismes pourraient potentialiser l’effet antiviral de SAMD9L, constituant des “super-restricteurs” du VIH-1.
Pendant ce financement, nous caractériserons la fonction, ainsi que l’évolution génomique et fonctionnelle, de SAMD9/9L chez les primates en ce qui concerne le VIH. Tout d’abord, nous identifierons et caractériserons les déterminants et mécanismes responsables des effets opposés de SAMD9/9L vis-à-vis du VIH-1, en (i) identifiant les domaines de l’hôte qui sous-tendent ces différences, (ii) déterminant si, et comment, le VIH-1 a évolué en adaptation à SAMD9/9L, et (iii) identifiant les différences dans les fonctions intrinsèques de SAMD9/9L. Par ailleurs, nous caractériserons les “courses aux armements” moléculaires anciennes et modernes et déterminerons comment la composition génétique actuelle de SAMD9/9L chez les primates constituerait une barrière naturelle aux lentivirus, et comment cela résulte d’anciennes épidémies. Pour ce faire, nous combinerons des tests génomiques, phylogénétiques et fonctionnels afin de caractériser l’évolution fonctionnelle du locus au niveau inter- et intra-espèce, en nous concentrant sur les hominidés.
En parallèle et en combinant des techniques de biologie moléculaire, biochimie et biophysique, nous allons déterminer la fonction moléculaire exacte de SAMD9L en mesurant sa liaison avec l’ATP et autres nucléotides triphosphates. Nous déterminerons aussi sa capacité de liaison, ou processing, de substrats d’acides nucléiques (tRNA, rRNA, viral RNAs). Aujourd’hui, seule la structure d’une portion N-ter de SAMD9 (AlbA) a été résolue. Nous utiliserons ici différentes techniques de biologie structurale intégrative (cristallographie aux rayons X et Cryo-EM) pour résoudre la structure de SAMD9/9L et des domaines isolés, apportant une compréhension nécessaire de sa fonction et son organisation architecturale en tant que “hub” moléculaire.
Ces découvertes ouvriront des voies importantes pour la compréhension de la fonction et de l’évolution de ces protéines modulant la réplication du VIH, ainsi que leur importance contre les infections lentivirales et dans les maladies génétiques.