Une reconstitution immunitaire incomplète est observée chez certaines personnes vivant avec le VIH (PVVIH) malgré un traitement antirétroviral (ARV) efficace sur le plan virologique. La persistance d'un ratio CD4/CD8 bas a notamment été associée à une morbidité et mortalité accrues, en particulier à des complications non-SIDA (cardiovasculaires, métaboliques, etc) et à certains cancers. Il n'existe à ce jour aucune solution thérapeutique pour améliorer cet état immunologique imparfait chez les PVVIH concernés.
Un défaut de restauration du ratio CD4/CD8 malgré un traitement ARV efficace peut être lié à la persistance d’une hyperactivation immunitaire chronique et d’une inflammation systémique, en particulier dans des tissus tels que la muqueuse intestinale et les tissus lymphoïdes. Ces conditions pro-inflammatoires délétères pourraient limiter le renouvellement des lymphocytes T CD4 et également favoriser leur mort. Nous émettons l'hypothèse que la réduction de cet état inflammatoire par des médicaments immunomodulateurs pourrait améliorer la reconstitution des cellules T CD4 et le rapport CD4/CD8.
L'acétate de glatiramère est un immunomodulateur utilisé depuis près de 3 décennies dans la sclérose en plaques avec un bon profil de sécurité. Comme ce médicament pourrait contrecarrer certains des mécanismes pro-inflammatoires impliqués dans la perte des lymphocytes T CD4 chez les PVVIH, il a récemment été évalué chez des macaques infectés par le SIV permettant une réduction de l'activation des lymphocytes T CD8 et une augmentation du nombre de lymphocytes T CD4 et du rapport CD4/CD8. Une diminution de l’ADN SIV a également été observée dans les ganglions lymphatiques.
Nous proposons donc d'évaluer l'efficacité et l'innocuité d'une immunothérapie par acétate de glatiramère pour améliorer le rapport CD4/CD8 chez les PVVIH ayant un défaut de reconstitution immunitaire sous traitement ARV au cours d’un essai clinique pilote de phase II, multicentrique, randomisé et ouvert. Les PVVIH dont le rapport CD4/CD8 reste <0.4 malgré un succès virologique sous traitement ARV depuis au moins 3 ans seront randomisées selon un ratio 2:1 entre le bras A (ARV + acétate de glatiramère) et le bras B (bras contrôle sous ARV seuls) pour une période de 24 semaines. Une formulation d'acétate de glatiramère à longue durée d'action sera administrée par voie intramusculaire toutes les 4 semaines. Si la phase contrôlée démontre un bénéfice, une phase d'extension optionnelle sera proposée, comprenant un second cycle d'acétate de glatiramère pour les participants du bras A, et un premier cycle pour ceux du bras B.
Le critère de jugement principal sera l'augmentation du rapport CD4/CD8 dans le sang entre le début du traitement et la 24e semaine. Au total, 32 sujets seront recrutés dans cette étude pilote, dont 21 dans le groupe acétate de glatiramère et 11 dans le groupe témoin. Les critères de jugement secondaires incluront les événements indésirables liés à l'acétate de glatiramère, le taux d'interruption du traitement, ainsi que des paramètres physiopathologiques. Une évaluation immunologique détaillée de la réponse à l’acétate de glatiramer sera réalisée (phénotypage et analyses fonctionnelles lymphocytaires T et NK, marqueurs plasmatiques d’inflammation et d’intégrité intestinale), ainsi que des analyses virologiques (réservoir ADN VIH-1 total et intact, charge virale plasmatique résiduelle, transcription d'ARN VIH-1 intra-cellulaire).
Cet essai pilote innovant devrait fournir des informations importantes sur la tolérance et la capacité de l'acétate de glatiramère à améliorer le rapport CD4/CD8 chez les patients ayant un défaut de reconstitution immunitaire sous traitement ARV. La nouvelle formulation d’acétate de glatiramère d’action prolongée, permettant une administration intra-musculaire mensuelle, devrait améliorer l'acceptabilité de ce traitement chez les PVVIH.