L’infection par le virus de l’hépatite E (HEV) est un problème majeur de santé publique touchant plus de 20 millions de personnes et causant 70000 décès par an. Longtemps considéré comme un virus circonscrit aux pays en voie de développement, il s’est avéré qu’il est également présent dans les pays industrialisés, avec toutefois des différences à la fois au niveau de l’épidémiologie, du mode de transmission et de la prévention. Bien que l’infection par le HEV soit généralement spontanément résolutive, elle est particulièrement grave pour les femmes enceintes chez qui la mortalité peut atteindre 30%, ou pour les personnes immunodéprimées chez qui elle évolue vers la chronicité.
Le HEV a la particularité de circuler sous deux formes infectieuses, une forme nue retrouvée principalement dans les matières fécales et l’environnement, et une forme quasi-enveloppée (eHEV) présente dans le sérum des patients infectés ou dans le surnageant de cultures cellulaires. C’est un petit virus dont le génome ne code que trois protéines nommées ORF1, ORF2 et ORF3. La protéine ORF1 est la polyprotéine non stucturale présentant plusieurs domaines essentiels à la réplication. La protéine ORF2 est la protéine de capside pour laquelle plusieurs isoformes sont produites, la forme infectieuse ORF2i associée aux particules virales et les formes glycosylées ORF2g/c non infectieuses. La protéine ORF3 est impliquée dans la sécrétion des particules virales.
A l’heure actuelle, peu de données sont disponibles sur les mécanismes précis des différentes étapes du cycle infectieux du HEV, notamment les mécanismes moléculaires et cellulaires de l’entrée des eHEV et de réplication du génome viral restent à définir. Au laboratoire, nous avons développé un certain nombre d’outils permettant d’étudier les différentes étapes du cycle infectieux. Nous disposons notamment d’un système de culture cellulaire produisant des particules infectieuses ayant une morphologie similaire à celle des particules trouvées dans le sérum des patients infectés.
Sur base de résultats préliminaires et de la littérature portant sur le HEV ainsi que sur d’autres virus, nous avons émis l’hypothèse que la tétraspanine CD81 pourrait jouer un rôle central dans le cycle infectieux du HEV. En effet, nous avons montré que CD81 est exposée à la surface des eHEV. Des expériences d’infection de cellules exprimant ou non CD81 ont montré que cette tétraspanine joue un rôle dans l’infection par le HEV. De manière importante, des tests de neutralisation ont montré que CD81 présente à la surface virale et/ou cellulaire est impliquée dans l’étape d’entrée des eHEV. Des cinétiques de réplication dans des cellules exprimant ou non CD81 ont montré qu’elle est également impliquée dans la réplication du génome viral. Enfin, nous avons montré que CD81 est enrichie dans les usines virales du HEV.
C’est pourquoi, dans notre projet de recherche, nous proposons d’étudier en détails l’implication de la tétraspanine CD81 dans le cycle infectieux du HEV. Plus précisément, notre projet a pour objectifs : (i) d’étudier le rôle de CD81 dans l’étape d’entrée des eHEV dans les hépatocytes, (ii) d’étudier son rôle dans l’étape de réplication, (iii) définir son rôle dans les usines virales, (iv) d’identifier précisément les domaines/résidus impliqués dans les différentes étapes du cycle infectieux et (v) d’analyser la transmission cellule à cellule du HEV, étape non explorée à ce jour.
Le développement de notre projet de recherche devrait donc conduire à une meilleure compréhension du cycle infectieux du HEV. Au-delà d’avancées majeures dans le domaine de la recherche fondamentale, nos travaux pourraient également apporter un nouvel axe thérapeutique de lutte contre l’infection par le HEV pour laquelle il n’existe toujours pas de traitements spécifiques.