Entre le renforcement de la vigilance, l’amélioration de la prévention et la mise à disposition de nouveaux outils thérapeutiques, le Pr Jean-Michel Molina, chef du service de maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Louis et de l’hôpital Lariboisière à l’AP-HP et professeur à l’Université de Paris Cité, résume en trois point l’essentiel à retenir de l’édition 2022 de la CROI en matière de prévention et de traitements long-acting.
Dernière mise à jour le 13 mars 2023
De nouvelles données ont été apportées sur les traitements long acting, notamment sur les traitements associant les molécules de cabotégravir et de rilpivirine, commercialisés depuis quelques semaines en France pour le traitement de l’infection par le VIH chez les patients bien contrôlés sous trithérapie depuis plus d’un an. A trois ans, avec une administration tous les deux mois, le taux cumulé d’échec virologique était de 2,7 % : « ce n’est pas négligeable, rapporte Jean-Michel Molina, ces échecs sont associés à des mutations de résistance, c’est pourquoi il faut être vigilant sur l’utilisation de ces traitements long acting, bien qu’ils soient très appréciés des patients et bien tolérés ».
Il rappelle qu’un certain nombre de critères sont à prendre en compte avant de recourir à ces produits :
Nicholas Paton a présenté l’étude NADIA qui évalue en Afrique les traitements de deuxième ligne en comparant le dolutegravir aux inhibiteurs de protéase (darunavir). Cette étude rapporte quelques rares échecs avec le dolutégravir, mais avec sélection de mutations de résistance, ce qui n’était pas le cas avec le darunavir. « Ce dernier semble avoir la barrière génétique la plus élevée parmi les molécules à notre disposition », indique le Pr Molina.
Toutefois des études évaluant le choix des molécules en deuxième ou en troisième ligne dans les pays à revenu faible ou intermédiaire ont montré que les nouvelles anti-intégrases, comme le dolutégravir ou le bictégravir, garantissent sur le long terme une très bonne efficacité, même en cas de résistance aux analogues nucléosidiques.
De nombreuses présentations ont porté sur la PrEP, notamment sur la PrEP injectable puisque la FDA a approuvé aux Etats-Unis l’usage du cabotégravir en PrEP il y a quelques mois. « Il s’agit en fait d’une molécule déjà utilisée en traitement qui est, dans ce cas précis, utilisée en monothérapie avec une injection tous les deux mois », précise le Pr Molina. Cette année, des essais cliniques en ouvert ont été présentées à la CROI. « On remarque que l’incidence du VIH reste inférieure chez les personnes traitées avec le cabotégravir par rapport à celles qui prenaient la PrEP par voie orale, rapporte le clinicien, cependant, y compris chez les patients qui recevaient correctement l’injection, il a été décelé des échecs associés à l’apparition de mutations, dont le diagnostic était retardé, c’est pourquoi il a été nécessaire de revoir les recommandations de suivi des patients prenant la PrEP avec le cabotégravir et de passer des tests sérologiques à des tests ARN, ce qui va être compliqué à mettre place dans les pays à revenu faible et intermédiaire. » En France, une étude visant à évaluer l’utilisation du cabotégravir en PrEP va bientôt démarrer, avec l’aide de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, qui pourrait montrer l’intérêt de ce mode d’administration pour les personnes lassées de prendre des comprimés.
Plusieurs innovations concernant la PrEP ont été présentées, notamment avec le développement de produits pouvant combiner des molécules pour la prévention du VIH et des contraceptifs, ou des produits de longues durée d’action comme les anneaux vaginaux, validés par l’OMS récemment.
Certains posters ont également présenté des molécules à longue durée d’action évaluées en implant comme le lénacapavir, qui a aussi montré, dans le modèle macaque, qu’il protégeait de l’inoculation du virus par voie intraveineuse, ce qui pourrait être très intéressant pour la prévention du VIH chez les toxicomanes.
Il y a eu également beaucoup d’études présentées sur l’utilisation des génériques dans la PrEP et l’utilisation de la PrEP à la demande aux Etats-Unis, recommandée il y a quelques semaines par le CDC.
CROI – Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections : https://www.croiconference.org/
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