Disparition de Fabrice Simon, médecin et militaire spécialiste des maladies infectieuses et tropicales

Le Pr Fabrice Simon est décédé le 29 avril 2022. Plusieurs de ses amis et collègues ont souhaité lui rendre hommage.

Dernière mise à jour le 13 mars 2023

Professeur agrégé du Val-de-Grâce en maladies infectieuses et tropicales, Fabrice Simon a exercé son activité clinique sur le terrain en France et en Afrique. Il a dirigé le service d’infectiologie de l’hôpital d’Instruction des armées Laveran à Marseille entre 2005 et 2015 et en a également piloté le pôle « formation, enseignement et recherche ». De 2010 à 2019, il a été le consultant national en infectiologie des armées. Il était membre de l’unité des virus émergents à Marseille. Son expertise sur le chikungunya était reconnue par l’OMS, pour laquelle il était consultant senior depuis 2010. Il a également fondé Risk&Vir, un cabinet de conseil et d’audit sur le risque sanitaire et en était le directeur scientifique.

Hommages au Pr Fabrice Simon

J’ai rencontré Fabrice dans des réunions d’études de cas cliniques hospitaliers en maladies infectieuses. Il était invariablement discret et modeste, mais il ne fallait pas longtemps pour réaliser qu’il sortait du lot et apportait avec simplicité une expertise et une rigueur de pensée qui le rendaient un peu impressionnant. Il a rejoint plus tard notre unité de recherche et j’ai eu la chance de beaucoup travailler avec lui et de découvrir une intelligence remarquable et d’une profonde originalité, portée sur la synthèse et l’anticipation.

Puis je suis devenu son ami. J’ai appris à connaître un homme délicieux, tout à la fois timide, bourru, sûr de ses valeurs, taquin et extrêmement drôle. C’était un savant, mais un de ceux qui ont conservé de l’humilité, de la sincérité, une bienveillance infinie, la capacité de se moquer d’eux-mêmes. Surtout Fabrice était une personne merveilleusement attentionnée – avec discrétion, mais sans que cette attention ne puisse jamais être prise en défaut. C’était un homme de bien, incapable de méchanceté et fidèle à un idéal mettant l’intérêt collectif devant l’intérêt personnel.

Son départ nous laisse abasourdis.

« Fabrice était un grand médecin au sens le plus noble. Médecin et militaire, il savait porter haut les valeurs et les contraintes de ces deux métiers avec une véritable vision de la menace que les maladies infectieuses représentent et continueront de représenter pour les armées et plus largement pour la société. Il avait une facilité et une simplicité de contact avec les plus faibles, signe de son immense humanité masquée derrière une timidité et une pudeur qui le rendait parfois énigmatique. Professeur agrégé du Val-de-Grâce il avait été formé à ce qui était à l’époque la rude « École du Pharo » et à la difficile épreuve de la pratique de la médecine tropicale de terrain à Bambari en Centrafrique, à Faya-Largeau au Tchad, puis au CHA Bouffard à Djibouti. Il avait gardé de ces expériences difficiles cette conception de la primauté de l’analyse clinique apprise par l’exercice de la médecine en milieu démuni. Il gardait cet esprit des pionniers de la médecine tropicale de ce qui s’était longtemps appelé « l’épopée des médecins des colonies ».

Chef de service de maladies infectieuses et tropicales à l’HIA Laveran, il était doté d’une curiosité immense et d’une rigueur scientifique impressionnante. Au-delà de son regard d’analyste clinique prolixe, il avait soutenu une thèse de sciences qui portait sur les séquelles à long terme de l’infection par le virus chikungunya. Il avait perçu bien avant les autres, à travers le chikungunya qui avait touché nos départements d’outre-mer, les effets délétères à long terme des infections virales aiguës sur la santé globale.

De manière visionnaire, il avait compris ce danger, bien avant que nous ne l’expérimentions au travers du Covid long. C’était ce qu’il avait coutume d’appeler, avec un goût pour la formule sans pareil, dans ses enseignements « la queue de la comète épidémique ». Car, Fabrice Simon était aussi un chef d’école, et un passeur de savoir doué d’une faconde et d’un esprit de persuasion aigu. Il avait une vision originale dans de nombreux domaines depuis la médecine clinique jusqu’à la santé publique.

Il avait, dans une de ses dernières facettes majeures, un talent sans pareil pour prendre le large et réfléchir comme acteur de santé publique aux problèmes que posent les maladies infectieuses pour les sociétés. Rigoureux et intraitable pour lui-même, mais empathique avec les autres, il savait organiser en dessinant sur un bout de feuille, imaginer une manière nouvelle d’aborder un problème, suggérer avec une remarquable acuité une nouvelle manière de le résoudre.

Esprit totalement libre, soumis à ses seules valeurs, il refusait les honneurs, les postes et les récompenses qu’ils ne jugeaient pas mérités. Il avait préféré se retirer et quitter discrètement le service de santé des armées il y a deux ans pour mettre ses compétences différemment au service de la santé publique. Fidèle en amitié et fidèle à l’idéal qu’il s’était construit du service de santé des armées, il est nous a quitté au terme d’une lutte désespérée et au-delà de toutes les ressources humaines contre une maladie cruelle et injuste. Il a porté jusqu’à ses derniers jours ce souffle, ce combat pour la vie, pour ses idéaux et pour le bienfait général.

Il laisse derrière lui un vide immense. »

Fabrice était un infectiologue et tropicaliste hors pair, avec une expérience et un sens clinique hors du commun. La fidélité des patients qui ont eu la chance de bénéficier de ses soins témoigne de son investissement, de sa rigueur, et son immense empathie. Il était de ceux, rares, dont les patients – qu’il n’avait pas vus depuis plus de 20 ans – pouvaient tomber dans ses bras en guise de reconnaissance.

C’était également un grand scientifique, ayant toujours « un coup d’avance » et une vision prospective de sa spécialité, s’intégrant dans une démarche bien plus transversale, touchant l’ensemble des champs de la médecine clinique, de la recherche fondamentale, de la santé publique mais également des sciences humaines et sociales. Son engagement et son expertise dans le domaine des maladies infectieuses, et plus particulièrement des arboviroses, étaient mondialement reconnus.

Enseignant investi et créatif, il a encadré un nombre incalculable d’élèves, qu’ils soient futurs médecins ou paramédicaux, que cela soit au sein du service de santé des armées ou d’organismes civils. Il savait, avec patience et bienveillance, faire passer des concepts parfois très complexes à l’aide de schémas d’une simplicité déconcertante. Sa volonté de transmettre son savoir ne l’a jamais quitté, de même que sa volonté d’être utile au plus grand nombre.

Mais Fabrice était bien plus que tout cela. C’était un homme exceptionnel, d’une intelligence rare, lui permettant de saisir avec finesse et sensibilité la personnalité de l’ensemble de ses interlocuteurs, quelle que soit sa proximité avec eux. Son côté passionné le rendait parfois tempétueux, mais il était d’une grande justesse.

Malgré toutes ses qualités et son talent, il était d’une humilité exemplaire. L’une des phrases qu’il prononçait souvent « Il faut connaître ses limites, mais chercher à les atteindre » en témoigne.

Toujours en quête de nouveaux défis, il avait quitté le service de santé des armées en 2019 pour créer une société de conseils sur le risque infectieux et était également très investi dans un programme de développement professionnel continu auprès de médecins généralistes. Il avait cependant gardé des liens forts avec l’institution dans le cadre d’un contrat de réserve opérationnelle.

Nous avons été très nombreux à pouvoir bénéficier de ses conseils avisés et d’une extrême bienveillance. Car Fabrice, c’est celui qu’on appelait quand on se retrouvait face à ce que l’on pensait être un mur, et qui trouvait toujours la clé, ou le « pas de côté », qui permettait d’avancer.

Il laisse un grand vide dans le cœur de sa famille, de ses proches, de l’hôpital Laveran, du service de santé des armées, du monde de l’infectiologie, et de toutes celles et ceux qui, comme moi, ont eu la chance de le connaître.

Pour ma part, j’ai perdu un mentor, mais j’ai surtout perdu un ami.

Fabrice, après t’être tant battu, puisse-tu reposer en paix, et continuer à nous éclairer de ton génie et de ton humanité.

Puissions-nous être dignes de l’héritage que tu nous laisses, comme nous te l’avons promis.