L’agence rend hommage à Michael Pollak, décédé du sida il y a 30 ans, le 7 juin 1992, à 43 ans

Michael Pollak est un sociologue et historien d’origine autrichienne. Installé en France en 1971, il rédige sa thèse sous la direction de Pierre Bourdieu et entre au CNRS en 1982, à l’Institut d’Histoire du Temps Présent, après un séjour à l’Université de Cornell aux USA.

Publié le 07 juin 2022

La production scientifique de Michael Pollak est considérable et diversifiée (1). Il a écrit sur les politiques scientifiques à l’égard des sciences sociales, sur la créativité intellectuelle à Vienne à la fin du XIXe siècle (en relation avec l’antisémitisme) et sur les risques technologiques et nucléaires.

Ses travaux sur l’expérience concentrationnaire font date (2). A partir d’entretiens avec des rescapé.e.s des camps de la mort, il aborde la question de l’identité et de ses moyens de défense dans les situations extrêmes. Ces thèmes seront au cœur de ses travaux sur l’homosexualité et le sida (3).

Michael Pollak est pionnier dans les travaux de recherches en sciences sociales sur le sida.  Il aborde ce sujet dans la phase la plus aigüe de l’épidémie, à une époque où l’absence de traitements efficaces transforme l’annonce de la séropositivité au VIH en annonce de mort, où les homosexuels payent un tribut très lourd à la maladie et où la stigmatisation et la discrimination à l’égard des groupes les plus affectés, les gays, les usagers de drogue, les travailleur.se.s du sexe, constituent des obstacles à la prévention.

En 1985, Michael Pollak est l’initiateur des enquêtes menées dans la presse gay auprès des homosexuels masculins sur les modes de vie, les interactions sociales et les attitudes et comportements face aux risques liés à la maladie. Avec Marie Ange Schiltz, il en conduit la réalisation chaque année jusqu’en 1992. Eclairées par le regard des sciences sociales, ces enquêtes, répétées jusqu’à nos jours, constituent un outil de connaissance essentiel pour saisir les transformations de la vie des gays dans le contexte du sida, pour comprendre les enjeux sociaux et les conséquences politiques de l’épidémie et pour guider les politiques et les acteurs de la prévention.

Michael Pollak est aussi un acteur engagé dans la lutte contre le sida, participant notamment à la création de l’association AIDES, aux côtés de Daniel Defert. Ses recherches sont un outil du dialogue entre la communauté gay, les acteurs médicaux et scientifiques et les pouvoirs publics.

Dès la création de l’ANRS en 1988, il contribue au développement de la recherche en sciences de l’homme et de la société au sein de l’agence. Membre du comité scientifique sectoriel 5 (santé publique SHS), Michael en prend la présidence en avril 1990, fonction qu’il occupe jusqu’à son décès.

Celles et ceux qui l’ont côtoyé au cours de ces années gardent le souvenir d’une personnalité chaleureuse, ouverte, disponible et combative face à la maladie.

Au moment où un virus semble à nouveau affecter particulièrement les homosexuels masculins, l’œuvre de Michael Pollak doit nous inspirer pour comprendre les dimensions sociales et politiques d’une épidémie, mieux en maîtriser les défis de santé publique, engager une riposte ancrée sur le renforcement communautaire et nous tenir en alerte sur les risques de stigmatisation.

 

  1. Cf. l’ouvrage collectif posthume qui retrace l’œuvre de Michael Pollak : Une identité blessée, éditions Métailié, 1993
  2. L’expérience concentrationnaire. Essai sur le maintien de l’identité sociale, éditions Métailié, 1990
  3. L’homosexualité et le sida. Sociologie d’une épidémie, éditions Métailié, 1988