Journée mondiale de lutte contre la tuberculose : en 2023, l’agence poursuit son engagement dans la lutte contre la maladie

Le 24 mars 1882 marque la découverte de la bactérie responsable de la tuberculose par Robert Koch. Depuis, la journée mondiale de lutte contre la tuberculose est célébrée chaque année le 24 mars pour sensibiliser le grand public vis-à-vis de cette maladie infectieuse toujours bien présente. A l’occasion de cette journée importante, nous avons demandé à François-Xavier Blanc (Nantes Université, CHU Nantes, service de pneumologie, l’institut du thorax & GREPI SPLF) et Olivier Neyrolles (IPBS, CNRS, Toulouse) coordinateurs de l’action coordonnée dédiée à la tuberculose au sein de l’agence, de dresser un bilan sur cette maladie en France et à l’international.

Dernière mise à jour le 27 mars 2023

« Oui ! Nous pouvons mettre fin à la tuberculose ! », voilà le slogan retenu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) cette année. Pour l’OMS, ce slogan vise à susciter l’espoir et à favoriser une mobilisation de tous les acteurs, notamment des hauts dirigeants, afin de favoriser une collaboration multisectorielle pour lutter contre l’épidémie de tuberculose. L’ANRS | Maladies infectieuses émergentes s’inscrit dans cette volonté de coopération internationale et soutient des travaux sur la tuberculose depuis 2003. Le 30 janvier 2023, elle a créé une nouvelle action coordonnée (AC) d’animation de la recherche dédiée à cette maladie afin de permettre aux chercheurs de travailler en interdisciplinarité. Cette AC est constituée de trois groupes de travail thématiques et interconnectés, couvrant la physiopathologie de la tuberculose (biologie du pathogène, réponse immunitaire de l’hôte, interactions hôte-pathogène), la prévention, le diagnostic, le traitement et enfin la santé publique. Ils s’intéressent spécifiquement à la tuberculose dans la relation mère-enfant, à la tuberculose chez les personnes immunodéprimées et aux nouvelles stratégies thérapeutiques et vaccinales.

Bonjour François-Xavier Blanc. Pouvez-vous nous indiquer quelle sont les formes les plus courantes de tuberculose ? Les plus graves ? Où rencontre-t-on plutôt les cas de tuberculose multi-résistante ?

La tuberculose touche les poumons dans ¾ des cas. Elle peut aussi affecter n’importe quel autre organe. Si elle n’est pas diagnostiquée et soignée à temps, elle peut conduire au décès. Certaines formes sont particulièrement graves : les tuberculoses généralisées survenant chez les patients immunodéprimés et les méningites tuberculeuses pouvant occasionner d’importantes séquelles. De manière générale, le diagnostic repose sur la mise en évidence du bacille de Koch, agent de la tuberculose, mais ce n’est pas toujours facile. Le traitement associe plusieurs médicaments à prendre quotidiennement pendant plusieurs mois, le plus souvent six mois. Une surveillance médicale régulière est nécessaire pendant toute la durée du traitement.

Il arrive que le bacille de la tuberculose soit résistant au traitement habituel, qui doit alors être modifié. Cette situation est heureusement assez rare en France (43 cas de multi résistance en 2021, 67 cas en 2020). Pourtant, dans le monde, on estime qu’elle touche environ 450 000 personnes. Les traitements sont alors plus difficiles à conduire et la guérison plus incertaine, même si des progrès considérables ont été réalisés lors des 20 dernières années, notamment pour raccourcir la durée du traitement.

Quel bilan sur la tuberculose pouvons-nous dresser en France ?

Selon Santé publique France, qui publie chaque année les données de surveillance de la tuberculose, le nombre de cas déclarés était de 4306 en 2021, soit un taux de déclaration de 6,4/100 000 habitants, contre 4606 cas et 6,8 cas/100 000 en 2020. Cela représente une baisse de 7% par rapport à 2020 et s’explique notamment par la pandémie de Covid-19, comme partout ailleurs dans le monde (cette baisse était de 10% en 2020).

Trois catégories de la population sont particulièrement affectées par cette maladie :
–    les personnes sans domicile (68 cas pour 100 000 habitants) ;
–    les personnes détenues (44 cas pour 100 000 habitants) ;
–    les personnes nées hors de France (32 cas pour 100 000 habitants).

Toutefois, tout le monde peut être touché par cette maladie contagieuse à transmission essentiellement respiratoire. L’Ile-de-France cumule 38% des cas. La Seine-Saint Denis est le département de France métropolitaine le plus affecté par la tuberculose (24,3 cas pour 100 000 habitants). La Dordogne, la Creuse, la Meuse et les Landes sont les moins touchés (moins de 2 cas pour 100 000 habitants).

Quelles sont les stratégies mises en place en France pour lutter contre la tuberculose ?

Outre les services hospitaliers qui prennent généralement en charge les patients au moment du diagnostic et des premiers jours du traitement, des centres de lutte contre la tuberculose (CLAT) existent dans chaque département et contribuent à la prévention, au dépistage et à la prise en charge de la tuberculose en exerçant des activités d’information, de prévention, de dépistage, de diagnostic et de traitement. Ils contribuent également à la coordination du parcours de soins, au suivi et à l’orientation des personnes prises en charge.

Les CLAT s’organisent autour d’une équipe pluridisciplinaire qui coordonne, en lien avec les professionnels compétents du même territoire et les responsables de l’agence régionale de santé (ARS), la lutte antituberculeuse sur leur territoire d’intervention. Les CLAT ont pour mission de contribuer à réduire la morbidité, la mortalité, la transmission de l’infection et le risque de résistance aux antituberculeux, ainsi que le poids économique et social de la tuberculose. Les principaux médecins spécialistes prenant en charge les patients atteints de tuberculose sont les pneumologues et les infectiologues, mais bien d’autres acteurs sont concernés par cette maladie, y compris les pédiatres et les gériatres. Le diagnostic est assuré par des microbiologistes et les radiologues ont un rôle important dans la détection des anomalies pulmonaires.

D’après l’OMS, 95 % des cas et des décès dus à la tuberculose ont lieu dans les pays en développement. Le VIH, la dénutrition sont des facteurs qui augmentent le risque de développer une tuberculose

Quel rôle peut jouer la recherche sur la tuberculose auprès des personnes en situation de vulnérabilité afin de permettre plus d’équité dans la prise en charge de cette maladie ?

La tuberculose constitue toujours un fléau mondial. En 2021, près de 10,6 millions de personnes sont tombées malades de la tuberculose et 1,6 million de personnes en sont mortes en 2022. Cela représente 4400 morts tous les jours ! L’Asie du Sud-Est et l’Afrique représentent plus des 2/3 des cas. Les trois pays qui comptent le plus grand nombre de cas de tuberculose sont l’Inde, l’Indonésie et la Chine. Les pays de l’ex-Union soviétique sont particulièrement concernés par le problème de la multi-résistance au traitement. Depuis 2000, grâce aux efforts mondiaux pour mettre fin à la tuberculose, 74 millions de vies ont été sauvées, notamment chez les personnes vivant avec le VIH. Mais il reste encore beaucoup d’efforts à mener si l’on veut éradiquer à terme ce fléau, ce qui est l’objectif de l’OMS. Grâce aux traitements, habituellement gratuits pour tous dans le monde, certains patients ont certes pu guérir de la maladie, mais, ils présentent d’importantes séquelles qui risquent de leur causer un handicap pour le reste de leur vie.

Depuis quelques années, une attention toute particulière est portée sur la prévention et la prise en charge de ces séquelles, mais cela reste difficile compte tenu des ressources limitées de la plupart des pays touchés. Les chercheurs doivent contribuer à l’amélioration du pronostic global de cette maladie en développant des techniques de diagnostic plus simples, réalisables un peu partout, et doivent travailler sur un traitement mieux toléré et à prendre beaucoup moins longtemps qu’actuellement. L’objectif ultime est certainement de réduire la mortalité globale associée à la tuberculose, encore beaucoup trop élevée dans le monde pour une maladie dite « du passé » qui reste pourtant bien présente en France et dans le monde, comme nous l’avons vu.

Olivier Neyrolles, d’après vous, quels sont les enjeux actuels de la recherche sur la tuberculose en France comme à l’international ?
Concernant le traitement, il est effectivement trop long (six mois dans le meilleur des cas et jusqu’à deux ans dans le cas de tuberculoses très résistantes aux antibiotiques) avec une combinaison de plusieurs médicaments et des conséquences sur l’organisme qui peuvent être sérieuses du fait de la toxicité de certaines de ces molécules. De plus, la durée très longue du traitement peut mener à des interruptions de suivi et à l’émergence de souches de bacilles résistantes.

Bien que l’OMS indique depuis récemment la possibilité de recourir à des protocoles plus courts (quatre mois), et bien que de nouvelles molécules aient été récemment mises sur le marché, il est nécessaire de poursuivre l’évaluation de combinaisons nouvelles de médicaments déjà existants, et le développement de nouveaux antituberculeux s’attaquant à de nouvelles cibles. Pour cela, il est impératif d’identifier, par des approches de biologie fonctionnelle et structurale, les voies métaboliques du bacille qui sont particulièrement vulnérables et qui pourraient donc être ciblées par de nouvelles molécules.

Concernant la vaccination, le seul vaccin actuellement utilisé pour prévenir la tuberculose est le bacille de Calmette et Guérin (BCG). Il présente une efficacité remarquable pour prévenir les formes graves de tuberculose, en particulier les tuberculoses disséminées chez l’enfant. En revanche il est peu ou pas assez efficace pour prévenir les formes pulmonaires de tuberculose, en particulier chez l’adulte, qui sont les formes contagieuses de la maladie qui contribuent forcément à la dissémination de celle-ci.

Mieux comprendre les mécanismes de l’immunité qui protègent contre l’infection ou le développement de la maladie est un enjeu majeur de la recherche actuelle. Une trentaine de candidats vaccins sont actuellement à l’essai, dont plusieurs vaccins vivants atténués en essai de phase III, dans des protocoles de prévention (vaccins prophylactiques) ou de traitement post-exposition (vaccins thérapeutiques).

« Depuis plus de 20 ans, l’ANRS contribue de manière très significative à l’amélioration des connaissances et de la prise en charge de la tuberculose, notamment par le biais de plusieurs essais cliniques menés dans les pays les concernés par cette maladie. Les efforts ont porté sur les patients coinfectés par la tuberculose et le VIH. Grâce à ces travaux, certaines recommandations de l’OMS ont pu être modifiées. Mais il reste encore beaucoup à faire : sans une réelle volonté politique associée à des moyens financiers renforcés, l’éradication de la tuberculose restera un vœu pieux.
Les priorités de recherche sont nombreuses et concernent le diagnostic, la simplification du traitement, l’amélioration du dépistage de l’entourage et le développement d’un vaccin efficace et bien toléré. »