3 questions à … Jérôme Estaquier

3 questions à … Jérôme Estaquier

Publié le 27 mars 2018

 

Mis en ligne le 27 mars 2018


3 questions à Jérôme Estaquier dans le cadre de la publication des travaux de son équipe, financés par l’ANRS, portant sur les effets d’un inhibiteur de caspase dans le cadre de l’infection par le VIS dans la revue Journal of Clinical Investigation.

Jérôme Estaquier est Directeur de Recherche INSERM détaché au Centre de Recherche du CHU de Québec à Québec.


Sur quel sujet portent vos recherches ?


L’une des caractéristiques de l’infection par le VIH est la déplétion progressive des lymphocytes T CD4+. Un nombre important de LT CD4+ infectés, ou non, meurent par un mécanisme d’apoptose. À l’origine de ces travaux, nos études antérieures ont montré que l’apoptose des lymphocytes T CD4+ dans le cadre de l’infection par le SIV va de pair avec la pathogénicité du virus. En effet, ce mécanisme de mort cellulaire est retrouvé chez les macaques pour lesquels le SIV est pathogène mais pas chez des singes comme le singe vert d’Afrique chez qui le SIV ne provoque pas de maladie. Il y a donc un corrélat évident entre la déplétion des LT CD4+ par apoptose et la pathogénicité du virus, et ce très tôt après infection.

Nous avons donc, au vu de ces éléments, étudié les voies de signalisation et l’impact que pourraient avoir les inhibiteurs de caspases (les caspases interviennent dans la signalisation cellulaire menant à l’apoptose) sur la déplétion des cellules CD4. Notre idée était que si l’on pouvait inhiber l’apoptose des lymphocytes T nous pourrions, en quelque sorte, « transformer des macaques en singe vert »!

Avec Mireille Laforge (Chargée de Recherche CNRS, CNRS FR3636, Université Paris Descartes, Paris), nous avons ainsi testé in vitro différents inhibiteurs de protéases pour finalement nous arrêter sur la molécule Q-VD-OPH avec laquelle nous sommes passés à la recherche in vivo.


Que mettent en avant vos résultats ?


Nous avons administré cette molécule de Q-VD-OPH, en l’absence de toute autre thérapie antirétrovirale, en phase de primo-infection, à des macaques infectés par le SIV. Nous avons très rapidement pu observer que l’apoptose des LT CD4+ était fortement diminuée par rapport à celle observée chez des animaux non traités. Nous avons également noté une diminution de la déplétion d’une sous population de cellules CD4 exprimant les molécules de cytolyse (perforine et granzyme B), ainsi qu’une diminution de la réplication virale. Et, fait important, ce contrôle viral s’est maintenu après l’arrêt du traitement, et une survie des animaux !


Quels sont les perspectives de vos recherches ?


Pour l’heure, nous avons mis en avant dans cette publication qu’en traitant précocement des macaques infectés par SIV à l’aide de cet inhibiteur de caspases, Q-VD-OPH, nous parvenions à sauver les LT CD4+ et contrôler l’infection. Ces cellules CD4, ont, après arrêt du traitement, très certainement joué un rôle important dans le contrôle de l’infection sur le long terme du fait de l’expression de molécules cytotoxiques capables d’éliminer les cellules infectées.

Nous prévoyons dans de prochaines étapes évaluer l’efficacité de ce traitement en cas d’une injection plus tardive. En effet, nous pouvons nous demander si l’inhibiteur de caspases pourrait avoir un effet positif sur un système immunitaire déjà très affaiblie par l’infection ? En outre, nous pourrions évaluer les effets de cette molécule couplés à l’action d’un traitement antirétroviral. À plus long terme, si nos résultats sont confirmés, l’efficacité de cette molécule pourrait être évaluée dans des essais cliniques chez des patients infectés par le VIH.

Sources :

The anti-caspase inhibitor Q-VD-OPH prevents AIDS disease progression in SIV-infected rhesus macaques

Mireille Laforge, Ricardo Silvestre, Vasco Rodrigues,Julie Garibal, Laure Campillo-Gimenez, Shahul Mouhamad, Valérie Monceaux, Marie-Christine Cumont, Henintsoa Rabezanahary, Alain Pruvost, Anabela Cordeiro-da-Silva, Bruno Hurtrel, Guido Silvestri, Anna Senik, and Jérôme Estaquier