« HBV Cure », où en est la recherche ?

« HBV Cure », où en est la recherche ?

Publié le 10 avril 2018

 

Mis en ligne le 10 avril 2018

 

 


Le workshop HBV Cure organisé par l’ANRS a eu lieu ce 10 avril 2018, en ouverture du congrès de l’EASL à Paris. Nous vous proposons pour cette occasion de revenir avec le Pr Fabien Zoulim (Inserm Lyon) sur l’état de la recherche menée dans l’objectif de guérir l’infection par le virus de l’hépatite B.


L’épidémie d’hépatite B


Le virus de l’hépatite B (VHB) se transmet par le sang, le sperme et les sécrétions vaginales. Dans la majeure partie des infections le virus sera éliminé par l’organisme, cependant dans 5 à 10% des cas, le VHB va persister et l’infection va évoluer vers une forme chronique. Une fois installée, l’hépatite chronique peut progresser vers une fibrose, une cirrhose et un hépatocarcinome (cancer du foie).

Dans le monde, on estime que 257 millions (Données OMS de Juillet 2017) de personnes sont porteuses chroniques du virus de l’hépatite B et ce chiffre continue d’augmenter malgré l’existence d’un vaccin prophylactique très efficace. En 2015, 887 000 personnes sont décédées des suites d’une infection par le VHB notamment de cirrhose ou de cancer du foie.

Il n’existe pour l’heure pas de traitement curatif permettant d’éliminer le virus de l’hépatite B mais des traitements permettant de le contrôler sont disponibles.

La prise de traitements antiviraux permet d’obtenir une viro-suppression de façon prolongée. L’élimination virale complète du virus de l’hépatite B, à la différence de l’hépatite C, est très rarement obtenue, c’est pourquoi ces traitements doivent être pris à vie.

En France, la prévalence de l’hépatite B est importante dans certaines populations exposées telles que, les personnes dans la précarité, les usagers de drogues, les personnes détenues, les personnes avec des comportements sexuels à risque, les personnes nées en pays de forte endémicité.

À l’échelle mondiale, les régions les plus touchées par l’hépatite B sont l’Afrique sub-Saharienne et en Asie. La prise en charge de l’hépatite B constitue un sérieux défi pour ces régions aux ressources économiques limitées.


Les défis de la recherche pour guérir l’hépatite B


Pour atteindre l’objectif de la guérison de l’hépatite B « HBV Cure », les scientifiques explorent différentes pistes.

Étude de la biologie de l’ADNccc du VHB

L’originalité du virus de l’hépatite B est la formation d’un ADN circulaire clos de façon covalente (ADNccc). Ce dernier est la forme persistante du virus dans les cellules infectées. Il est indispensable à la réplication du virus et est à l’origine de la chronicité de l’infection dans les hépatocytes humains. L’étude de cet ADN est un pan important de la recherche actuelle. La connaissance de ses mécanismes de formation et de régulation permettrait de mieux le cibler pour l’éliminer ou le rendre inactif.

Quantification de l’ADNccc dans le foie

Des recherches vises à standardiser les méthodes d’analyse du cccDNA (quantification, statut épigénétique et transcriptionnel). L’ANRS et le DZIF (centre allemand de recherche sur les maladies infectieuses), sont à l’origine du groupe international, initié récemment, pour la standardisation des méthodes de quantification de l’ADNccc.

Être capable de localiser, visualiser et quantifier l’ADNccc permettrait de mesurer l’efficacité d’actions lors d’essais cliniques visant à éradiquer le virus de l’organisme des patients.

Les modèles d’études

L’infection par le virus de l’hépatite B est spécifique de l’homme. Afin de mieux comprendre ses conséquences sur notre organisme, les interactions entre les hépatocytes (cellules du foie) infectés, la réponse du système immunitaire, les scientifiques ont besoin d’un modèle animal dont la physiologie se rapproche de celle de l’Homme. Depuis quelques années le modèle utilisé est un modèle murin immunodéprimé, humanisé avec des cellules de foie humaines. Si ce modèle permet d’observer l’infection par le VHB des hépatocytes, la réponse immunitaire est, elle, manquante.

Une équipe de chercheurs du consortium ANRS « modèles murins humanisés pour l’étude des virus hépatites », a mis au point l’an dernier, un modèle de souris « doublement humanisée ». Cette avancée a fait l’objet d’une publication dans la revue Gastroenterology.

Communiqué de presse : Un modèle murin « humanisé » pour mieux comprendre l’infection par le virus de l’hépatite B.

Les approches thérapeutiques

Aujourd’hui, plusieurs molécules sont en cours de développement dans le traitement de l’hépatite B et de l’hépatite Delta, et les premiers résultats cliniques commencent à être disponibles. Plusieurs stratégies sont en cours d’évaluation clinique ou pré-clinique incluant des antiviraux directs (inhibiteurs d’entrée, inhibiteurs de capside, siRNA, inhibiteurs de sécrétion virale, stratégies ciblant le cccDNA) et des approches d’immunothérapie (inhibiteurs de check-point, vaccins thérapeutiques, stratégies de redirection des cellules T vers les hépatocytes infectés, stimulation des réponses immunitaires innées). Ceci pourrait laisser entrevoir des possibilités de combinaisons thérapeutiques pour augmenter le taux de guérison fonctionnelle.

L’ANRS soutient la recherche clinique sur l’hépatite B, notamment au travers d’essais thérapeutiques. De plus un essai sur l’hépatite Delta est en cours de construction (le virus Delta a besoin du virus B pour se multiplier).

Recherche de biomarqueurs de l’infection

Actuellement la surveillance des patients traités pour une hépatite B repose sur le contrôle des paramètres suivants : AgHBs, ADN viral, fibrose, bilan hépatique. Dans le cadre des essais cliniques visant à éliminer le virus de l’hépatite B de l’organisme, il est important d’évaluer l’efficacité de différentes approches. Dans cette optique, la mise en évidence de biomarqueurs spécifiques est nécessaire.

En effet, la perte de l’antigène HBs (antigène de surface du virus de l’hépatite B utilisé pour le diagnostic de la maladie) prenant plusieurs années, les scientifiques sont à la recherche d’autres biomarqueurs rapidement identifiables et non invasifs. Ces derniers pourraient être associés à la réponse immunitaire ou à l’ADNccc viral présent dans le foie.

Un des champs actuels de la recherche dans ce domaine porte également sur les ARN viraux circulants. En effet, la présence d’ARN du virus de l’hépatite B dans la circulation sanguine a récemment été mise en évidence. Il est maintenant important d’en savoir plus sur ces ARN, et notamment à quoi ils correspondent exactement, comment ils circulent et s’ils peuvent-ils être un marqueur de l’activité de l’ADNccc. Si tel est le cas, ils pourraient être détectés sur une simple prise de sang et donc se révéler des marqueurs intéressants pour aider le développement d’essais cliniques.

La cohorte ANRS HEPATHER de l’ANRS permet de mener des recherches translationnelles sur les corrélats de guérison, virologiques ou immunitaires. Elle se révèle donc pertinente en termes de recherches de nouveaux biomarqueurs et pour l’identification de profils de patients pertinents pour l’évaluation de nouvelles approches thérapeutiques.


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La cohorte ANRS HEPATHER compte à ce jour plus de 21 000 patients (environ 6 300 patients infectés par le VHB, 14 600 par le VHC et 100 co-infectés par ces deux virus). L’objectif principal de cette cohorte initiée en août 2012 est de mesurer les bénéfices et risques associés aux différentes modalités de prise en charge thérapeutique des hépatites B et C et en identifier les déterminants individuels, virologiques, environnementaux et sociaux.

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