ICE-HBV lance sa Stratégie scientifique globale pour guérir l’hépatite B (VHB)

Publié le 10 avril 2019

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L’hépatite B représente un défi mondial pour la santé publique, d’échelle comparable à la tuberculose, au VIH et au paludisme. Plus de 257 millions de personnes à travers le monde présentent une infection chronique par le VHB, et près de 900 000 personnes sont décédées de cette maladie en 2017. La stratégie scientifique globale de la coalition ICE-HBV, dont l’ANRS est partenaire, est publiée ce jour dans The Lancet Gastroenterology & Hepatology et présentée en ouverture du Congrès international d’hépatologie (The International Liver Congress), qui se déroule à Vienne, organisé par l’Association européenne pour l’étude du foie (European Association for the Study of the Liver, EASL).  Elle propose deux approches principales de recherche en vue d’un traitement curatif pour l’hépatite B et émet plusieurs recommandations en matière de mise en œuvre.


Les efforts déployés dans le monde pour éliminer l’hépatite B ont été encouragés aujourd’hui par le lancement de la stratégie scientifique globale pour guérir l’hépatite B (Global Scientific Strategy to Cure Hepatitis B, ICE-HBV) par la Coalition internationale pour l’élimination du VHB (International Coalition to Eliminate HBV, ICE-HBV), un groupe rassemblant des chercheurs, des représentants de patients et des organisations sanitaires, dont l’ANRS.

 

L’hépatite B est une infection virale qui s’attaque au foie, et se manifeste par des formes aiguës et chroniques. Le virus est transmis par contact avec le sang ou d’autres liquides corporels d’une personne infectée. Aujourd’hui, un plus grand nombre de personnes meurent d’infection chronique par le virus de l’hépatite B (HBC) que du paludisme. Le virus de l’hépatite B (VHB) est une menace majeure pour la santé publique mondiale, avec plus de 257 millions de personnes à travers le monde présentant une infection chronique et plus de 887 000 décès par an. L’hépatite B chronique (HBC) provoque plus de 40 pour cent des cas de carcinome hépatocellulaire, la deuxième cause de mortalité liée au cancer à travers le monde.

 

« Quelque 900 000 personnes décèdent chaque année de l’hépatite B, ce qui est simplement inacceptable », a déclaré le Professeur Peter Revill, directeur de l’ICE-HBV et responsable scientifique principal du Laboratoire de référence de Victoria pour les maladies infectieuses (Victorian Diseases Reference Laboratory) à l’Institut Peter Doherty pour les infections et l’immunité à l’Université de Melbourne, Australie. « De manière inexplicable, malgré le bilan humain et économique catastrophique de l’hépatite B chronique, les recherches sur le VHB restent largement sous-financées, au point que cette infection peut être comparée à une maladie tropicale négligée. Les recherches sur la guérison de l’infection par le VHB pourraient faire une grande différence et prévenir les conséquences négatives que subissent toutes les personnes infectées par le VHB, en leur permettant de mener une vie productive sans traitement et en réduisant les stigmates associés à cette infection chronique ».

 

« Nous avons la ferme conviction que la santé publique et les agences de recherche doivent aller au-delà des objectifs existants, et collaborer pour découvrir des traitements curatifs pour les personnes vivant avec le VHB et en assurer l’accès », a plaidé Fabien Zoulim, directeur adjoint de l’ICE-HBV, vice-président du conseil scientifique et directeur du programme « HBV Cure » de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS). Retrouvez le Pr. Fabien Zoulim à l’occasion d’une interview concernant les problèmes actuels de santé publique causés par l’hépatite B, ainsi que des pistes potentielles pour son éradication.

Dans la mesure où nous disposons d’un vaccin et de médicaments pour traiter l’hépatite B, pourquoi avons-nous besoin d’effectuer des recherches sur un traitement curatif ?

 

Un vaccin sûr et efficace pour prévenir l’infection par le VHB existe, et sa disponibilité universelle est essentielle pour l’élimination du VHB en tant que menace pour la santé publique. Des traitements permanents sont également nécessaires pour les personnes déjà infectées de manière chronique, mais ils ne sont actuellement accessibles qu’à huit pour cent des millions de personnes qui en ont besoin, en particulier à cause de la complexité de la surveillance de la maladie. La Stratégie scientifique globale ICE-HBV plaide énergiquement pour la nécessité de recherches et de mesures préparatoires appropriées pour un traitement curatif, afin de compléter la stratégie d’élimination mondiale de l’Organisation mondiale de la santé, le vaccin contre le VHB et les traitements certes bien tolérés, mais d’accès limité.

 

Le schéma thérapeutique actuel contribue à garder le VHB sous contrôle, mais il n’est actuellement pas curatif, car il ne peut pas éliminer totalement le VHB des cellules infectées. L’ADN circulaire fermé de manière covalente (ADNccc) est une structure d’ADN spécifique qui apparaît pendant la propagation du virus de l’hépatite B dans le noyau cellulaire, et peut rester à cet endroit de manière permanente. Après une infection par le virus de l’hépatite B, l’ADNccc peut rester dans les cellules hépatiques après un traitement clinique et peut même se réactiver.

 

Même avec un traitement permanent, les personnes sont toujours exposées à un risque supérieur de développer un cancer du foie, notamment en présence d’une cirrhose sous-jacente due à une infection chronique par le VHB. Cet aspect soulève également le problème de l’observance du traitement et nécessite un investissement considérable pour une surveillance permanente, ce qui ajoute des difficultés au défi que représente l’élimination du virus.

 

Une approche à deux volets

 

Pour atteindre l’objectif d’une guérison de l’infection par le VHB, la Stratégie ICE-HBV propose et décrit en détail deux approches principales : (i) guérir l’infection par le VHB sans tuer les cellules infectées et (ii) induire un contrôle immunitaire pour éliminer en toute sécurité les cellules infectées. La stratégie ICE-HBV indique que chacune de ces approches devra être sous-tendue par des études cliniques coordonnées pour faire progresser le traitement curatif de l’infection par le VHB.

La stratégie ICE-HBV cite également des preuves récentes indiquant que l’« horloge » de l’infection par le VHB commence à se déclencher plus tôt que prévu, et que des intégrations de l’ADN du VHB sont associées au cancer du foie – nécessitant un traitement à un stade beaucoup plus précoce que celui actuellement recommandé.

 

De nouvelles collaborations sont essentielles

 

« Guérir l’hépatite B n’est pas une chimère », a indiqué Su Wang, Président élu de l’Alliance mondiale contre l’hépatite (World Hepatitis Alliance) qui vit actuellement avec l’hépatite B. « Les millions d’entre nous affectés par l’hépatite B applaudissent les efforts actuels pour éliminer la maladie, mais nous attendons aussi avec impatience de voir un engagement dans la découverte d’un traitement curatif.

 

Nous avons besoin de quelqu’un qui change les règles du jeu. Pendant que l’industrie pharmaceutique développera de nouveaux médicaments et les évaluera au cours des essais cliniques, nous sommes face à l’impératif éthique et scientifique de mettre en œuvre des collaborations avec des scientifiques cliniques en dehors de l’industrie si nous voulons voir aboutir le développement de médicaments, faciliter les études cliniques, définir des corrélats caractéristiques de la « guérison », affiner les critères d’évaluation du traitement et identifier les meilleurs patients pour les essais cliniques en fonction du mode d’action (MdA) des médicaments testés. La Stratégie scientifique globale ICE-HBV peut nous aider à atteindre cet objectif, à nous mettre sur la voie d’un traitement curatif de l’infection par le VHB et à changer la vie de millions de personnes vivant avec la maladie ».

 

Une approche plus universelle de la santé

 

Les récents progrès scientifiques et l’élan créé par la découverte d’un traitement curatif pour l’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) ont soulevé l’espoir de trouver un traitement curatif pour l’infection par le VHB. La Stratégie ICE-HBV demande une augmentation des investissements dans les recherches d’un traitement curatif de l’hépatite B et les mesures préparatoires au traitement curatif, afin de sauver la vie de 257 millions de personnes atteintes d’hépatite B chronique à travers le monde, la plupart d’entre elles n’ayant pas conscience d’être infectées.

Tandis que la Stratégie ICE-HBV soutient activement la stratégie du secteur mondial de la santé de l’OMS sur l’hépatite virale et la campagne « Trouvons les millions manquants » (Find the Missing Millions) de l’Alliance mondiale contre l’hépatite (World Hepatitis Alliance), elle considère comme urgente une approche plus universelle de la santé pour répondre à l’hépatite B.

 

Recommandations

 

La Stratégie ICE-HBV a défini une série de domaines de recherche prioritaires pour combattre le VHB, notamment :

Élimination du VHB

  • Développer des méthodes standardisées pour quantifier l’ADNccc et des mécanismes d’étude de l’homéostasie de l’ADNccc, mais également des processus affectant sa biogenèse, son homéostasie, sa structure, le contrôle transcriptionnel et sa dégradation.
  •  Définir les mécanismes déterminant l’établissement d’une infection par le VHB : caractériser toutes les étapes de l’entrée dans la cellule jusqu’à la formation et le maintien de mini-chromosomes d’ADNccc.
  • Améliorer les méthodologies pour l’étude du traitement de l’ADNccc et des interactions virus-hôte afin de découvrir de nouvelles cibles définissant des approches thérapeutiques permettant d’éliminer l’ADNccc, en appliquant les approches « omiques » les plus récentes (par exemple, génomique, transcriptomique, protéomique, métabolomique, kinomique) pour améliorer la compréhension des interactions entre le VHB et l’hôte au niveau du génome global.
  • Développer et valider de nouveaux marqueurs sériques (par exemple antigènes associés à la capside [core related antigens, HBcrAg]) comme biomarqueurs fiables de l’activité de l’ADNccc dans le foie. Lorsque les marqueurs sont identifiés et caractérisés, assurer leur standardisation.
  • Développer des méthodes pour dégrader spécifiquement l’ADNccc du VHB.
  • Développer des méthodes empêchant la transcription de l’ADNccc et la formation d’ADN du VHB intégré. Continuer à développer les méthodes inhibant les principales étapes du cycle de réplication virale, qui peuvent être incluses dans des stratégies d’association pour guérir l’infection.
  • Développer des systèmes efficaces et pratiques d’ADNccc fonctionnel in vitro
  • Développer des systèmes de modèles in vivo pratiques, en particulier des modèles non humains immunocompétents chez les primates et la souris sensibles à l’infection par le VHB. 

Immunité contre le VHB

  • Études cliniques sur des interventions immunitaires existantes.
  • Contribution relative des différents composants du système immunitaire à la clairance virale vs la persistance virale, immunopathologie et réponse au traitement chez les nouveau-nés, les enfants, les adolescents et les adultes.
  • Mécanismes d’épuisement des lymphocytes T et mesure selon laquelle une restauration des lymphocytes T est réversible, durable et nécessaire pour le contrôle viral.
  • Rôle des lymphocytes B dans l’historique naturel de la maladie, et mécanismes par lesquels ils peuvent être efficacement contrôlés pendant les recherches et les essais cliniques.
  • Impact du microenvironnement hépatique sur la composition et la fonction des cellules immunitaires innées et adaptatives et identification des biomarqueurs sanguins qui reflètent au mieux la réponse immunitaire intrahépatique.
  • Nombre d’hépatocytes infectés dans chacune des catégories de patients et degré de destruction par médiation immunitaire nécessitant une clairance, mais pouvant être encore tolérée avant qu’une décompensation hépatique survienne.
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Mise en œuvre

  • Augmentation du financement pour des projets de recherche individuels et collaboratifs de traitements curatifs par des agences gouvernementales et de financement privé et des bienfaiteurs philanthropiques. Envisager la mise en œuvre de consortiums de recherche internationaux, similaires à la Martin Delaney Collaboration for HIV research gérée par les Instituts nationaux de la santé (National Institutes of Health, NIH) aux États-Unis. Les stratégies d’investissement dans des recherches d’un traitement curatif de l’infection par le VHB doivent être priorisées dans les plans nationaux de lutte contre le VHB à l’échelle mondiale.
  • La stratégie d’élimination de l’hépatite par l’OMS doit être intégralement financée, avec un accent particulier sur la délivrance de doses de vaccins à la naissance, et une augmentation substantielle des investissements dans la recherche sur le VHB et l’amélioration des diagnostics sur le lieu d’intervention pour la mise en œuvre du traitement et l’obtention de la guérison.
  • Se concentrer sur la découverte de stratégies interventionnelles qui réduiront de manière permanente le nombre de cellules infectées productives ou rendront l’ADNccc silencieux de manière permanente dans ces cellules, mais également stimuler les lymphocytes T anti-VHB spécifiques et la production d’anticorps neutralisants qui empêcheront la diffusion du virus dans des cellules non infectées, et mimeront la résolution spontanée d’une infection aiguë par le VHB
  • Établir des entrepôts de réactifs standardisés pour le VHB et des protocoles, et en faciliter l’accès à tous les chercheurs à travers le monde et favoriser le développement de modèles in vivo de l’infection par le VHB


Source:

A global scientific strategy to cure hepatitis B

Prof Peter A Revill, PhD, Prof Francis V Chisari, MD, Joan M Block, BSN, Maura Dandri, PhD, Adam J Gehring, MD, Haitao Guo, PhD, Prof Jianming Hu, PhD, Prof Anna Kramvis, PhD, Prof Pietro Lampertico, MD, Harry L A Janssen, MD, Prof Massimo Levrero, PhD, Wenhui Li, PhD, T Jake Liang, MD, Prof Seng-Gee Lim, PhD, Prof Fengmin Lu, PhD, M Capucine Penicaud, LLM, Prof John E Tavis, PhD, Prof Robert Thimme, PhD, Members of the ICE-HBV Working Groups, ICE-HBV Stakeholders Group Chairs, ICE-HBV Senior Advisors, Prof Fabien Zoulim, MD PhD

https://www.thelancet.com/journals/langas/article/PIIS2468-1253(19)30119-0/fulltext

 

 

 

Contact scientifique :

Pr. Fabien Zoulim

Téléphone – fabien.zoulim@inserm.fr

 

 

Contact presse ANRS :

Séverine Ciancia

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