L’évolution des inégalités socio-économiques dans le recours au dépistage du VIH en Afrique subsaharienne

Publié le 22 mai 2020

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Alors que le dépistage du VIH progresse depuis une quinzaine d’années en Afrique subsaharienne, il reste essentiel de surveiller l’évolution des inégalités socio-économiques associée à ce dépistage.

Sur la base d’enquêtes transversales répétées et conduites en populations générales (les Enquêtes Démographiques de Santé, EDS) auprès de plus de 500 000 participants dans 16 pays d’Afrique subsaharienne, Kévin Jean, maître de conférence au Cnam Paris (Laboratoire MESuRS) et son équipe ont réalisé l’évaluation la plus poussée à ce jour de ces inégalités et de leurs évolutions entre 2003 et 2016. Dans cette étude soutenue par l’ANRS et publiée dans The Lancet Global Health, les chercheurs pointent en particulier d’importantes inégalités en défaveur des plus pauvres. Une version intégrale de l’article est disponible en français en cliquant ici.

 


Depuis une quinzaine d’années, le recours au dépistage du VIH a progressé de manière importante en Afrique subsaharienne, même si l’objectif de l’Onusida de 90 % des personnes vivant avec le VIH connaissant leur statut ne sera vraisemblablement pas atteint en 2020. Dans la poursuite de ces objectifs, il est essentiel de veiller à ce qu’aucun sous-groupe de la population ne soit laissé pour compte. Or, de nombreuses études documentent un moindre recours au dépistage parmi les populations les plus pauvres ou les moins éduquées. Globalement, dans tous les pays étudiés, le recours au dépistage du VIH a augmenté entre les enquêtes conduites avant 2008 et celles conduites après 2008. Avant 2008, le recours au dépistage était relativement similaire entre les femmes et les hommes. Cependant, après 2008, les femmes rapportaient des niveaux de dépistages récents plus élevés que les hommes dans 14 pays sur les 16 étudiés. Ce résultat reflète très vraisemblablement la généralisation du dépistage prénatal pour les femmes.

Dans cette étude, les chercheurs, qui ont relevé les caractéristiques (accès à l’eau, sol en dur) et équipements des foyers (réfrigérateur, télévision) comme un indicateur de richesses, observent d’importantes inégalités en défaveur des plus pauvres. Sur une échelle relative, après 2008, les femmes les plus riches étaient en moyenne 2,77 (IC 95 % : 1,42-5,40) fois plus susceptibles de rapporter un dépistage récent que les plus pauvres ; ce ratio était de 3,55 (1,85-6,81) chez les hommes. Ces inégalités relatives tendaient à être plus marquées en Afrique de l’Ouest et Centrale par rapport à l’Afrique de l’Est et Australe. Sur une échelle absolue, la différence moyenne dans le dépistage récent entre les plus riches et les plus pauvres était de 11,1 (4,6-17,5) points de pourcentage chez les femmes et de 15,1 (9,6-20,6) points de pourcentage chez les hommes. Au cours du temps, le recours au dépistage VIH a progressé à un rythme similaire entre les femmes les plus riches et les plus pauvres, de façon à ce que cet écart absolu a peu varié. En revanche, chez les hommes, même si le dépistage a progressé chez les plus pauvres, cette progression a été moins rapide que chez les plus riches. En conséquence, l’écart absolu entre pauvres et riches s’est creusé. Ces résultats étaient très similaires lorsque les inégalités étaient mesurées en lien avec le niveau d’éducation au lieu de la richesse.

En conclusion, cette étude montre que l’augmentation globale de l’utilisation du dépistage du VIH sur les dernières décennies a masqué des progressions différentes entre groupes socio-économiques définis par le sexe, la richesse ou l’éducation. 

Pour Pearl Anne Ante-Testard, première auteure de cette étude, « sans un accent particulier mis sur l’équité, il est peu probable que les programmes de lutte contre le VIH touchent toutes les couches de la population, en particulier les plus pauvres et les moins instruits ». 

« Nos résultats soulignent donc la nécessité de surveiller et de s’attaquer aux inégalités socio-économiques parmi les autres formes d’inégalités observées dans les programmes de lutte contre le VIH, comme celles liées au genre et à l’âge », insistent les auteurs.

Cette étude a été financée grâce au contrat d’initiation ANRS-12377. 

Pour en savoir plus

Source

«Temporal trends in socioeconomic inequalities in HIV testing: an analysis of cross-sectional surveys from 16 sub-Saharan African countries»

Pearl Anne Ante-Testard MPH 1, Tarik Benmarhnia PhD 2, Anne Bekelynck PhD 3,4, Rachel Baggaley MBBS 5, Eric Ouattara PhD 6, Laura Temime PhD 1, Kévin Jean PhD 1,7

 

1 Laboratoire MESuRS and Unité PACRI, Institut Pasteur, Conservatoire National des Arts et Métiers, Paris, France

2 Department of Family Medicine and Public Health, University of California, San Diego, San Diego, CA, USA

3 Programme PAC-CI, Abidjan, Côte d’Ivoire

4 Centre Population et Développement, Paris, France

5 Department of HIV and Global Hepatitis Programme, WHO, Geneva, Switzerland

6 Department of Infectious and Tropical Diseases and Medical Information Unit, Department of Public Health, Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux, Bordeaux, France

7 Medical Research Council Centre for Global Infectious Disease Analysis, Department of Infectious Disease Epidemiology, Imperial College London, London, UK 

The Lancet Global health

https://doi.org/10.1016/S2214-109X(20)30108-X

Contact chercheur

Kévin Jean

kevin.jean@lecnam.net

Contact presse

Séverine Ciancia

information@anrs.fr


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