Migrants d’Afrique Sub-saharienne en France : un accès rapide à l’assurance maladie mais des barrières persistantes dans l’accès aux soins

Publié le 21 février 2018

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De nouveaux résultats de l’enquête ANRS PARCOURS permettent de mettre en évidence l’accès rapide à l’assurance maladie pour la population migrante d’Afrique sub-saharienne, mais également la persistance de barrières administratives ou sociales dans leur accès aux soins. Ce travail mené par le Dr Nicolas Vignier (Inserm, Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique & Groupe Hospitalier Sud Ile-de-France) a fait récemment l’objet d’une publication dans la revue PLoS ONE.


La France a une ambition d’universalité d’accès aux soins pour sa population reposant sur l’Assurance maladie mise en place dans l’après-guerre et sur la Couverture Maladie Universelle (CMU) implémentée en 1999. Ce principe d’universalité a été étendu en 2000 aux étrangers sans titre de séjour au travers d’une couverture maladie spécifique, l’Aide Médicale d’Etat (AME).

L’enquête ANRS PARCOURS réalisée auprès des immigrés d’Afrique Subsaharienne a permis d’étudier la temporalité de l’accès aux différents dispositifs d’assurance maladie et les facteurs auxquels il est associé. Les résultats de cette étude de Nicolas Vignier et ses collaborateurs montrent que ce système de protection sociale permet un accès rapide à une couverture maladie aux personnes originaires d’Afrique subsaharienne après leur arrivée en France (dès l’année d’arrivée en France pour 55% des hommes et 63% des femmes). Cet accès est facilité dans le cas d’un diagnostic d’infection par le VIH, d’une hépatite B chronique ou, pour les femmes, lors d’une grossesse.

Malgré l’AME, l’accès à la couverture maladie reste à l’inverse difficile les années sans titre de séjour ou, pour les hommes, quand ils sont sans ou avec très peu de ressources. Trois ans après leur arrivée, 14% des hommes et 19% des femmes participants n’avaient toujours pas de couverture maladie. Le recours à la CMU et dans une moindre mesure à l’AME concerne une part importante de la population d’étude, soulignant la place de ces couvertures maladie dans l’accès aux soins.

L’enquête ANRS PARCOURS met aussi en évidence des barrières dans l’accès aux soins. En effet, plus d’un participant sur cinq rapporte avoir déjà renoncé aux soins, le plus souvent pour raisons financières ou administratives. Ces renoncements sont moins nombreux pour les personnes vivant avec le VIH, mais ils sont majorés pour les personnes ayant migré pour raisons économiques et pour ceux ayant eu une période sans titre de séjour depuis leur arrivée en France.


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L’enquête ANRS PARCOURS a été menée entre 2012 et 2013 dans 74 services de santé d’Ile de France. Elle a étudié les parcours de vie et l’infection par le VIH et/ou le VHB auprès d’un échantillon aléatoire de près de 2 500 immigrés d’Afrique subsaharienne vivant en France. Ces recherches ont été coordonnées par Annabel Desgrées du loû (CEPED, IRD-Université Paris Descartes). Cette étude a permis de mettre en avant le fait que de nombreux migrants d’Afrique subsaharienne vivant en France avec le VIH avaient été infectés après leur arrivée et notamment les femmes pour qui ce taux atteint 30%.

Ouvrage « Parcours de vie et de santé des Africains immigrés en France » paru en Juillet 2017


Ces résultats complètent des données d’une lettre de recherche publiée par la même équipe en début d’année dans le Lancet Public Health. En effet, les mêmes auteurs montrent que les immigrés africains rapportent des refus de soins, plus nombreux en médecine générale qu’à l’hôpital ou lors de la délivrance de médicaments en pharmacie. Ces refus sont plus fréquents parmi les personnes vivant avec le VIH (12%) que parmi les répondants non atteints par le VIH (6%). En dehors des discriminations liées à la séropositivité, les refus de soins sont principalement attribués par les répondants à leur affiliation à la CMU ou à l’AME.

L’instauration au tournant des années 2000 de nouveaux modes de couverture maladie concrétisant le principe d’universalité de l’accès aux soins permet effectivement aux étrangers d’être protégés. Il persiste cependant des obstacles administratifs ou sociaux du côté des populations et des attitudes discriminatoires des praticiens du fait des modes de gestion de ces régimes particuliers qui doivent interpeller les pouvoirs publics et vont dans le sens d’une unification de la couverture maladie.


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L’ANRS est une agence de moyens et de coordination de la recherche sur le VIH/sida et les hépatites. L’ANRS a pour objet l’animation, l’évaluation, la coordination et le financement des programmes de recherche, quel que soit le domaine scientifique concerné (recherches fondamentale, clinique, en santé publique, sur le vaccin). L’ANRS fédère en France comme à l’Etranger des chercheurs et des médecins de toutes disciplines. Son budget annuel, environ 50 millions d’euros, lui est attribué par les ministères en charge de la Recherche ainsi que de la Santé sur des projets ponctuels. Depuis 2012, l’ANRS est une agence autonome de l’Inserm. En 2017, l’ANRS a soutenu plus de 500 projets de recherches et allocations.


Sources:

Access to health insurance coverage among sub-Saharan African migrants living in France: Results of the ANRS-PARCOURS study

Nicolas Vignier1,2*, Annabel Desgrées du Loû 3, Julie Pannetier3, Andrainolo Ravalihasy3, Anne Gosselin3, France Lert4, Nathalie Lydié 5, Olivier Bouchaud6, Rosemary Dray Spira1, the PARCOURS Study Group

1 INSERM, Sorbonne Université , Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de Santé Publique (IPLESP), Department of Social Epidemiology, Paris, France, 2 Groupe hospitalier Sud Ile-de-France, Department of Infectious and Tropical Diseases, Melun, France, 3 Sorbonne Paris Cité , IRD, CEPED, ERL INSERM 1244 SAGESUD, Paris, France, 4 INSERM, Centre for Research in Epidemiology and Population Health (CESP-U 1018), Villejuif, France, 5 Santé Publique France, French National Agency of Public Health, Saint-Maurice, France, 6 Paris 13 University, Avicenne Hospital, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Department of Infectious and Tropical diseases, and Laboratoire Educations et Pratiques de Santé (LEPS EA3412), Bobigny, France


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