Variants VIH-1 transmis : avantage sélectif et évolution au cours de l’épidémie

Variants VIH-1 transmis : avantage sélectif et évolution au cours de l’épidémie.

Publié le 13 décembre 2018

 

Le VIH-1 est un virus génétiquement instable qui présente un taux de mutations élevé. Ainsi, chez tout individu infecté, les nombreuses mutations donnent lieu à une population de virus très diversifiée. Malgré cela, les scientifiques ont noté qu’en cas de transmission de l’infection, un nombre très limité de variants du « transmetteur » est retrouvé au stade de la primo-infection chez le sujet nouvellement infecté, le « receveur ». Une équipe de chercheurs soutenue par l’ANRS et coordonnée par Francis Barin (UMR Inserm 1259 – Université de Tours – Centre Hospitalier Régional Universitaire de Tours) a travaillé sur ce thème afin d’en savoir plus sur la sélection de ces variants. Ils ont également étudié l’évolution du VIH-1 et notamment l’augmentation progressive de la résistance aux anticorps développée par le virus au cours de l’épidémie.

Ces travaux de recherche ont donné lieu à deux publications, récentes dans AIDS (journal de l’international AIDS society) et dans Journal of Virology.


Sélection du variant viral transmis


Lors de la phase de primo-infection, les premières semaines après infection par le VIH, la population des virus observés chez les patients est très homogène alors qu’elle présente une grande diversité par la suite. De ce fait, plusieurs études ont suggéré qu’il existait un mécanisme faisant qu’un seul, ou peu, de variants génétiques était transmis lors de l’infection par le VIH. Ce ou ces variants sont appelés variants T/F pour « transmitted/founder ».

Des chercheurs soutenus par l’ANRS ont voulu savoir si la sélection des variants T/F est due au hasard ou à des propriétés spécifiques représentant un avantage sélectif. Pour tenter de répondre à cette question ils ont comparé les propriétés phénotypiques* de l’enveloppe de virus T/F lors de la primo-infection. Cette étude a été menée auprès de 27 patients de la cohorte ANRS PRIMO (cf encadré en fin de texte). Ces derniers ont été infectés par le VIH parfois à plusieurs mois voire plusieurs années d’écart au sein de 8 chaînes de transmission. Les résultats ont montré, au sein de 7 chaines de transmission sur 8, que les virus transmis conservaient les mêmes propriétés phénotypiques. Ainsi, cette étude suggère que lors d’une infection par le VIH, la sélection du variant transmis, issu de la population virale hétérogène du « transmetteur », n’est pas due au hasard mais très probablement à des spécificités biologiques lui conférant un avantage. Des recherches plus poussées sont nécessaires afin de tenter d’identifier le ou les avantages sélectifs en question.

Cette étude a fait l’objet d’une publication dans AIDS (journal de l’international AIDS society).


Des virus de plus en plus résistants


Cette même équipe de recherche avait montré il y a quelques années que la diversification du VIH-1 au cours de l’épidémie était associée à une augmentation progressive de la résistance aux anticorps neutralisants. Cette résistance du VIH-1 avait été identifiée pour le sous-type B** , sous-type majoritaire en France et dans les pays industrialisés et confirmée par la suite pour le sous-type C, prévalent en Afrique australe.

L’équipe de chercheurs s’est penchée sur la sensibilité aux anticorps monoclonaux humains dits largement neutralisants (bNAbs, pour : broadly neutralizing antibodies) des virus T/F des sous-types les plus fréquents dans différentes régions du monde. Les scientifiques ont pour cela évalué la sensibilité aux bNAbs d’un ensemble de 33 virus T/F CRF02-AG (second sous-type en France en matière de prévalence et d’incidence) échantillonné sur une période de 15 ans d’épidémie en France. Ce travail a d’une part, permis d’identifier les bNAbs ainsi que l’association de bNAbs les plus performants sur ce sous-type mais il a également permis, du fait de l’échantillonnage sur une longue période, de confirmer la dérive du VIH-1 vers une plus grande résistance à la neutralisation.

Ainsi, tout comme pour la résistance du VIH-1 aux antirétroviraux, il conviendra probablement d’établir une surveillance prospective de la résistance du VIH-1 à la neutralisation par les bNAbs, si les essais d’immunoprophylaxie en cours ou à venir (voire de futurs essais vaccinaux) utilisant les bNAbs s’avéraient concluants et donc, si des stratégies d’immunoprophylaxie venaient à se généraliser.

Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication dans la revue Journal of Virology.


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pression de selection à l'échemme individuelle

Pression de sélection à l’échelle individuelle se répercutant à l’échelle populationnelle

(1) Transmission d’un variant T/F du VIH lors de l’infection. (2) Mutations du virus menant à une augmentation progressive de la résistance virale face (3) aux anticorps neutralisants. (4) Transmission de cette résistance à l’échelle de la population.

© Karl Stefic et Francis Barin


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La cohorte ANRS PRIMO a été initiée en 1996, elle a inclus à ce jour 2 232 patients vivant avec le VIH-1 depuis moins de trois mois. Son objectif principal est d’améliorer les connaissances physiopathologiques sur la primo-infection VIH. Elle permet désormais d’apporter des informations sur l’impact des traitements précoces, transitoires ou prolongés, dès la primo-infection ; sont ainsi étudiés des marqueurs de l’inflammation et la baisse des réservoirs viraux.

Investigateurs coordonnateurs : Cécile Goujard, Laurence Meyer


* Ensemble des caractères apparents du virus

** Le VIH est un virus présentant une extrême variabilité. Les virus sont classés en 2 types : VIH-1 et VIH-2. Au sein de ces deux types existent plusieurs groupes qui comportent, à leur tour, des sous-types.