Vers une stratégie de dépistage optimisée du VIH en Afrique de l’Ouest

Publié le 06 décembre 2017

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Are strategies of screening for HIV infection in Ivory Coast effective enough to stop the AIDS epidemic? ANRS study DOD-CI is examining HIV screening strategies in Ivory Coast by means of a national survey among 4000 members of the general population as well as observations of medical consultations. This study’s first results reveal that carers report reluctance and difficulty in offering HIV tests at medical appointments, in a country where one in two people have never done such a test in their lives. The results also show that more than one-third of those surveyed could have been screened at an appropriate medical visit or on their own initiative. The study is coordinated by Mariatou Koné (Institut d’Ethnosociologie de l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan) and Joseph Larmarange (Institut de recherche pour le développement, IRD) in partnership with the ANRS Ivory Coast site (PACCI program) and the École Nationale Supérieure de Statistique et d’Économie Appliquée d’Abidjan. The first study findings will be presented at the 19th International Conference on AIDS and STIs in Africa (ICASA 2017), which will be held on December 4-9, 2017 in Abidjan, Ivory Coast.

Les stratégies de dépistage de l’infection par le VIH sont-elles optimales en Côte d’Ivoire pour enrayer l’épidémie de Sida ? C’est dans le cadre de cette interrogation que l’étude ANRS DOD-CI a exploré les stratégies de dépistage du VIH en Côte d’Ivoire via une large enquête nationale auprès de 4 000 personnes en population générale et des observations de consultations médicales. Les premiers résultats de cette étude montrent des réticences et des difficultés de la part des soignants à proposer un test en consultation médicale, dans ce pays où une personne sur deux n’a jamais fait de test de dépistage au cours de sa vie. Ils mettent également en évidence que plus d’un tiers de ces personnes auraient pu être dépistées lors d’une consultation qui s’y prêtait ou en allant au bout d’une démarche personnelle. Les résultats de cette étude coordonnée par Mariatou Koné (Institut d’Ethnosociologie de l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan) et Joseph Larmarange (Institut de recherche pour le développement, IRD) en partenariat avec le site ANRS de Côte d’Ivoire (programme PACCI) et l’École Nationale Supérieure de Statistique et d’Économie Appliquée d’Abidjan sont présentés à la 19e édition de la conférence de l’ICASA qui se tient du 4 au 9 décembre 2017 à Abidjan en Côte d’Ivoire.


 

Le dépistage est le premier maillon de l’objectif 90-90-901 fixé par l’OMS pour aider à mettre fin à l’épidémie de Sida. Pour améliorer son accès, la Côte d’Ivoire a, décidé en 2009, en suivant les recommandations de l’OMS, de proposer un test de dépistage de l’infection par le VIH à tous les patients se présentant en consultation médicale et ce, quel que soit le motif de cette consultation. Depuis 2013, des stratégies de dépistage plus ciblées tendent à se mettre en place. C’est dans ce contexte qu’a été menée en Côte d’Ivoire l’étude ANRS DOD-CI, coordonnée par Mariatou Koné (Institut d’Ethnosociologie de l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan) et Joseph Larmarange (Institut de recherche pour le développement, IRD) en partenariat avec le site ANRS Côte d’Ivoire (programme PACCI) et l’École Nationale Supérieure de Statistique et d’Économie Appliquée d’Abidjan. Cette étude a réuni une équipe de recherche pluridisciplinaire pour réaliser six enquêtes complémentaires visant à explorer les différentes stratégies de dépistage en place dans le pays. Les premiers résultats de ces travaux sont présentés à la 19e édition de la conférence de l’ICASA qui se tient du 4 au 9 décembre 2017 à Abidjan en Côte d’Ivoire.

Les difficultés des soignants à proposer un test de dépistage à tous les patients

Une étude qualitative a été réalisée entre juin 2015 et avril 2016 dans trois services de médecine générale de Côte d’Ivoire. Plus de 200 consultations ont été observées. Des entretiens sur l’expérience du dépistage ont été réalisés auprès de 37 professionnels de santé. Seul un patient sur cinq s’est vu proposer un test de dépistage lors de sa consultation. Ce peu de proposition s’explique par la crainte des soignants de voir les patients refuser le test, se méfier de leur médecin ou fuir la consultation. Le dépistage du VIH fait l’objet de procédures très spécifiques (registres dédiés, ordonnances séparées, conseil pré- et post-test, recueil du consentement, …). C’est pourquoi il est vécu comme une surcharge de travail. Cette surcharge est perçue comme n’étant ni reconnue ni valorisée. Enfin, le test VIH est perçu par les soignants comme non prioritaire et ne se justifiant pas en consultation de médecine générale hormis en cas de suspicion clinique. Au final, quand il est réalisé, le test est plus souvent prescrit sans information préalable que proposé explicitement aux patients.

    

Des opportunités manquées et des démarches inabouties

Le projet ANRS DOD-CI comprenait également une vaste étude quantitative présentée sous forme d’enquête téléphonique qui a été menée sur un échantillon représentatif de la population ivoirienne. 3 882 personnes ont été interrogées entre février et novembre 2017. La moitié d’entre elles avait réalisé de test de dépistage pour le VIH au cours des 5 dernières années. L’initiation du test par un professionnel de santé reste sous-optimale dans certaines situations qui devraient davantage inciter à proposer un dépistage. Ainsi, seul un quart des hommes et des femmes ayant déclaré avoir consulté pour une infection sexuellement transmissible ont reçu une proposition de test VIH. Aussi, seules 74 % des femmes en consultation prénatale et 34 % des hommes les accompagnant se sont vu proposer un test. Cette étude a également montré que 15 % des personnes enquêtées avait déjà, au cours de leur vie, entamé une démarche volontaire de dépistage qui n’a pas abouti. Ces démarches non abouties étaient principalement liées à une peur du résultat mais également parfois à un manque de temps ou une file d’attente trop longue. Ainsi, plus d’un tiers des personnes de cette étude n’ayant jamais été dépistées auraient pu l’être lors d’une consultation qui s’y prêtait ou en allant au bout d’une démarche personnelle.

Les résultats de l’étude ANRS DOD-CI mettent en évidence que les obstacles au dépistage se situent à plusieurs niveaux, tant sociaux et politiques que structurels et organisationnels. Selon le Pr François Dabis, directeur de l’ANRS « Ces résultats montrent qu’en dépit d’un effort certain de mettre en place une stratégie de dépistage optimale pour mettre fin à l’épidémie de SIDA, des obstacles subsistent dans de nombreux pays notamment en Afrique Sub-Saharienne. Ces données doivent inciter à poursuivre et intensifier des actions d’information et de sensibilisation à destination des professionnels de santé ainsi qu’à simplifier les conditions de réalisation du dépistage de l’infection par le VIH. » Pour Joseph Larmarange « Il est également nécessaire de s’assurer du fait que lorsque des personnes entrent dans une démarche de test elles puissent aller jusqu’au bout, afin d’être prises en charge médicalement ou bénéficier de conseils sur la prévention. »

L’ANRS a été créée en 1988. Elle mobilise les chercheurs du Nord et du Sud, de toutes les disciplines, et quelles que soient leurs appartenances, autour de questions scientifiques sur le VIH/sida ou sur les hépatites virales. L’ANRS finance les projets de recherche après qu’ils aient été évalués par des comités d’experts internationaux. Elle accompagne les projets de leur conception à leur réalisation et valorise leurs résultats afin qu’ils soient utiles aux populations. Son budget annuel d’environ 45 millions d’euros, lui est attribué par les ministères en charge de la Recherche ainsi que de la Santé sur des projets ponctuels. Depuis 2012, elle est une agence autonome de l’Inserm.

 

1 Objectif 90 90 90 fixé par l’OMS pour mettre fin à l’épidémie de Sida d’ici 2030 : A l’horizon 2020, 90% des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique. A l’horizon 2020, 90% de toutes les personnes infectées par le VIH dépistées reçoivent un traitement antirétroviral durable. A l’horizon 2020, 90% des personnes recevant un traitement antirétroviral ont une charge virale durablement supprimée.

Sources:

« Il y a des Conseillers Communautaires Payés pour ça ! ».

Les Réticences des Soignants à la Proposition Systématique d’un test VIH en Consultation de Médecine Générale. Le Cas de la Côte d’Ivoire

Communication Poster jeudi 7 décembre lors de la conférence ICASA à Abidjan

Carillon Séverine1, Bekelynck Anne2, Kouadio Alexis3, Assoumou Nelly3, Danel Christine4, Ouantchi Honoré3, Larmarange Joseph1, DOD-CI ANRS 12323

1Ceped UMR 196 (Paris Descartes-IRD) SageSud ERL INSERM 1244, IRD, Paris, France, 2Programme PACCI, Site ANRS, Abidjan, Côte d’Ivoire, 3Institut d’Ethno Sociologie (IES), Abidjan, Côte d’Ivoire, 4INSERM, 1219, Bordeaux, France

Comment améliorer le dépistage du VIH en population générale dans un contexte d’épidémie mixte? Résultats préliminaires de l’étude DOD-CI (ANRS 12323) en Côte d’Ivoire.

Communication orale Mercredi 6 décembre 2017 lors de la conférence ICASA à Abidjan

Maxime INGHELS1, Arsène Kra KOUASSI2, Anne BEKELYNCK3, Séverine CARILLON1, Lazare SIKA2, Christine DANEL3, Joseph LARMARANGE1.

1Ceped UMR 196 (Paris Descartes-IRD) SageSud ERL INSERM 1244, IRD, Paris, France, 2 École Nationale Supérieure de Statistique et d’Économie Appliquée d’Abidjan, ENSEA, Abidjan, Côte d’Ivoire, 3Programme PACCI, Site ANRS, Abidjan, Côte d’Ivoire

 

 

Screening is the first link in the chain of the 90-90-90 treatment target1 set by UNAIDS to help put an end to the AIDS epidemic. To improve access to HIV testing, Ivory Coast decided in 2009, in line with WHO guidelines, to offer screening for HIV infection to all patients consulting a doctor, for whatever reason. Since 2013, more targeted screening strategies have been implemented and against this backdrop ANRS study DOD-CI has been coordinated by Mariatou Koné (Institut d’Ethnosociologie de l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan) and Joseph Larmarange (Institut de recherche pour le développement, IRD), in partnership with ANRS Ivory Coast site (PACCI program) and the École Nationale Supérieure de Statistique et d’Économie Appliquée d’Abidjan. This study has brought together a multidisciplinary research team to conduct six complementary surveys designed to examine the different screening strategies in place in Ivory Coast. The first findings will be presented at the 19th International Conference on AIDS and STIs in Africa (ICASA 2017), which will be held on December 4-9, 2017 in Abidjan, Ivory Coast.

Difficulties encountered by carers in offering HIV tests to all patients

Over 200 medical appointments were observed in a qualitative study conducted between June 2015 and April 2016 in three general medicine departments in Ivory Coast, and 37 health care professionals were interviewed regarding their experience with HIV screening. Only one in five patients was offered a screening test during his or her appointment. This low rate is explained by the carers’ fear that patients will refuse the test, mistrust their doctor, or walk out. HIV screening involves very specific procedures (dedicated registries, separate prescriptions, pre- and post-test counseling, obtaining informed consent, etc.). This is why health care professionals see HIV testing as extra work that is neither acknowledged nor valued, do not consider it a priority, and think it is unjustified in general medicine appointments, unless infection is clinically suspected. Lastly, when an HIV test is done, more often than not it is prescribed without first providing patients with explicit information.

    

Missed opportunities and failed procedures

ANRS study DOD-CI also comprised a vast quantitative study in the form of a telephone survey in a representative sample of the Ivorian population comprising 3882 people interviewed between February and November 2017. Half of those questioned had been tested for HIV in the last 5 years. Initiation of testing by a health care professional remains suboptimal in certain situations that lend themselves to an offer of HIV screening. For example, only one-quarter of men and women who reported seeing a doctor because of a sexually transmitted disease were offered an HIV test. Also, only 74% of women at a prenatal visit and 34% of the men accompanying them were offered an HIV test. The study also showed that 15% of those surveyed had, on their own initiative, already sought screening at some point in their lives, but it came to nothing. These initiatives largely failed because of fear of the test results, but also sometimes because of a lack of time or too long a wait. Therefore, over one-third of the people in this study who had never undergone screening could have done so at an appropriate medical visit or by taking the initiative themselves.

The findings of ANRS study DOD-CI show that there are obstacles to HIV testing at several levels, social and political as well as institutional and organizational. ANRS Director Professor François Dabis considers that “These results show that despite an effort to put in place an optimal screening strategy to end the AIDS epidemic, there are still obstacles in many countries, notably in sub-Saharan Africa. These findings should encourage the continuation and intensification of information campaigns and of awareness raising among health care professionals, as well as the simplification of the conditions in which screening for HIV infection is done.” Joseph Larmarange adds that “lt is also necessary to ensure that when people decide to seek testing, they are able see it through to completion, so as to be treated medically if needed or to receive advice on prevention.”

 

Founded in 1988, the French Research Agency ANRS brings together researchers from different fields and institutions in the developed world and resource-limited countries to work on scientific questions regarding HIV/AIDS or viral hepatitis. The ANRS funds research projects approved by international expert committees. It oversees projects from conception to completion and ensures that the results are used for the benefit of the populations concerned. Its annual budget of around 45 million euros is provided by the ministries in charge of Research and Health. Since 2012 it has been an autonomous agency of Inserm (French National Institute of Health and Medical Research).

1 UNAIDS has set the target that, by 2020, 90% of all people living with HIV will know their HIV status, 90% of all people with diagnosed HIV infection will receive sustained antiretroviral therapy, and 90% of all people receiving antiretroviral therapy will have viral suppression.

Sources:

Il y a des Conseillers Communautaires Payés pour ça ! Les Réticences des Soignants à la Proposition Systématique d’un test VIH en Consultation de Médecine Générale. Le Cas de la Côte d’Ivoire

Poster presented on 7 December at ICASA in Abidjan

Carillon Séverine1, Bekelynck Anne2, Kouadio Alexis3, Assoumou Nelly3, Danel Christine4, Ouantchi Honoré3, Larmarange Joseph1, DOD-CI ANRS 12323

1Ceped UMR 196 (Paris Descartes-IRD) SageSud ERL INSERM 1244, IRD, Paris, France, 2Programme PACCI, Site ANRS, Abidjan, Côte d’Ivoire, 3Institut d’Ethno Sociologie (IES), Abidjan, Côte d’Ivoire, 4INSERM, 1219, Bordeaux, France

Comment améliorer le dépistage du VIH en population générale dans un contexte d’épidémie mixte? Résultats préliminaires de l’étude DOD-CI (ANRS 12323) en Côte d’Ivoire.

Oral communication given on Wednesday 6 December 2017 at ICASA in Abidjan

Maxime INGHELS1, Arsène Kra KOUASSI2, Anne BEKELYNCK3, Séverine CARILLON1, Lazare SIKA2, Christine DANEL3, Joseph LARMARANGE1.

1Ceped UMR 196 (Paris Descartes-IRD) SageSud ERL INSERM 1244, IRD, Paris, France, 2 École Nationale Supérieure de Statistique et d’Économie Appliquée d’Abidjan, ENSEA, Abidjan, Côte d’Ivoire, 3Programme PACCI, Site ANRS, Abidjan, Côte d’Ivoire

 

 


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