Le VHD est un virus à ARN singulier, satellite du VHB car il utilise les protéines d’enveloppe de ce dernier pour sa propagation. La co-infection VHB/VHD, par rapport à VHB seul, est à l’origine des formes les plus agressives d’hépatite virale, pouvant aboutir au développement rapide d’une cirrhose et à une incidence plus élevée du carcinome hépatocellulaire. Le traitement de l’infection chronique par le VHD est actuellement restreint à l’interféron alpha dont l’efficacité et la tolérance sont médiocres. L’utilisation du bulevirtide, un inhibiteur d’entrée, a été récemment approuvée en Europe, mais nécessite une injection sous-cutanée quotidienne. De nouvelles molécules antivirales sont nécessaires pour espérer un traitement plus simple et efficace d’une majorité de patients.
Le VHD ne code que pour une seule protéine, l’antigène delta, existant sous une forme courte (HDAg-S) et longue (HDAg-L). La sécrétion des virions dépend de l’interaction entre l’HDAg-L et la protéine de surface HBs du VHB, cette interaction étant elle-même dépendante de la farnésylation de l’HDAg-L. Le farnésol est un métabolite intermédiaire de la première partie de la voie de synthèse du cholestérol appelée voie du mévalonate. Les inhibiteurs de la farnesyl-transferase (comme le lonafarnib, qui est en phase 3 de R&D) ainsi que les statines (qui inhibent l’HMG-CoA-reductase, une enzyme de la voie du mévalonate) ont montré un effet antiviral sur la sécrétion du VHD. Cependant, l’impact sur le VHD des autres enzymes et métabolites intermédiaires de la voie du mévalonate n’est pas décrit. Par ailleurs, notre équipe a montré que les ligands de FXR, le récepteur nucléaire des acides biliaires, inhibaient fortement la sécrétion et surtout l’infectivité spécifique des particules virales du VHD. De façon intéressante, le farnésol a été le premier ligand identifié de FXR et les acides biliaires sont synthétisés à partir du cholestérol, suggérant des liens étroits entre la voie du mévalonate et des acides biliaires.
Les objectifs de ce projet sont donc 1) d’étudier l’impact de l’ensemble des réactions enzymatiques de la voie du mévalonate, et donc de leur inhibition sur la sécrétion et l’infectivité du VHD, permettant d’identifier de nouvelles cibles ayant un effet antiviral, 2) de mieux comprendre les liens entre les voies du mévalonate et des sels biliaires et de déterminer si le mode d’action des ligands de FXR est lié à une modulation de cette voie, en particulier de la synthèse du farnésol, 3) de tester l’impact sur la réplication et la sécrétion du VHD de combinaisons associant notamment des modulateurs de la voie du mévalonate et des ligands de FXR.
Une lignée cellulaire dérivée de cellules Huh7 exprimant HBs et l’HDAg-L couplé à un tag permettant de quantifier sa sécrétion dans le surnageant des cellules infectées a été établie dans l’équipe. Elle permettra d’étudier de façon simple l’impact sur la sécrétion du VHD de modulateurs chimiques de la voie du mévalonate ainsi que l’impact de l’extinction ou de la surexpression des enzymes. Ce modèle a déjà permis d’identifier une molécule d’intérêt (nommée APY2 dans ce projet) qui inhibe la sécrétion de l’HDAg-L dans le surnageant sans impact sur la sécrétion d’HBs, suggérant une possible inhibition de la farnésylation de l’antigène delta.
Après l’identification de cibles d’intérêt, leur impact sur le virus sera confirmé dans les modèles infectieux in vitro les plus pertinents, i.e. les cellules HepaRG différenciées et les hépatocytes primaires humains. Les combinaisons les plus intéressantes seront testées également sur un modèle de souris à foie humanisé.
Des analyses métabolomiques, notamment ciblées sur la voie du mévalonate, seront réalisées pour analyser l’impact des ligands de FXR, de la molécule candidate APY2 ainsi que d’éventuelles nouvelles cibles d’intérêt.
Ce projet sur 3 ans permettra de mieux comprendre les liens entre la voie du mévalonate, le métabolisme des acides biliaires et le cycle de réplication et de sécrétion du VHD, et d’identifier de nouvelles molécules et combinaisons avec un effet antiviral dans l’infection par le VHD.