Les contrôleurs naturels du VIH-1 et les contrôleurs post-traitement (PTCs) sont des exemples rares de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) qui parviennent à un contrôle de la réplication du VIH sans avoir besoin d’un traitement antirétroviral (ARV). La mise au point de stratégies susceptibles d’induire un tel phénotype est donc un objectif clé dans la recherche d'une rémission de l'infection VIH.
JAK1/JAK2 et mTORC1 sont des kinases impliquées dans la régulation de la transcription des provirus et la réplication virale, le recrutement et la susceptibilité à l’infection des cellules cibles, et l’état fonctionnel et métabolique des cellules immunitaires effectrices, en particulier les lymphocytes T CD8 mémoires. Des immunothérapies basées sur un inhibiteur de JAK1/JAK2 (ruxolitinib) et un inhibiteur de mTORC1 (sirolimus/rapamycine), seuls ou en combinaison pour obtenir une synergie, sont donc des candidats prometteurs pour induire un phénotype de PTC. Ces traitements sont couramment utilisés pour le traitement de maladies hématologiques, inflammatoires, ou en prévention du rejet de greffe du rein. Leur tolérance s’est avérée satisfaisante chez des PVVIH dans des essais préliminaires.
Nous proposons d'évaluer l'efficacité et la tolérance de trois interventions immunothérapeutiques (ruxolitinib seul, sirolimus seul ou leur combinaison) sur le contrôle virologique après une interruption analytique du traitement (ATI) ARV.
Le design proposé est un essai clinique adaptatif de phase II, multicentrique, randomisé, en double aveugle, contrôlé contre placebo. Il suivra un schéma multi-bras /multi-étapes (MAMS) et sera divisé en 3 étapes, avec 2 étapes intermédiaires et une étape finale évaluant l’innocuité et l’efficacité du traitement sur le rebond virologique, avec des critères statistiques progressivement plus exigeants. Ce schéma adaptatif permet d'interrompre précocement un bras si la tolérance ou l’efficacité est jugée insuffisante lors des analyses intermédiaires.
Les participants devront avoir initié un traitement ARV lors de la primo-infection et maintenu un succès virologique pendant au moins un an avant l’inclusion. Le ruxolitinib et/ou le sirolimus seront débutés 2 semaines avant l'interruption du traitement ARV et poursuivis pendant 8 semaines, période pendant laquelle la plupart des rebonds viraux surviennent après arrêt du traitement ARV. Ils seront randomisés 1:1:1:1 dans l'un des quatre bras: bras 1: ruxolitinib + placebo de sirolimus; bras 2: sirolimus + placebo de ruxolitinib; bras 3: ruxolitinib + sirolimus; bras 4: placebo de ruxolitinib + placebo de sirolimus. La charge virale et le taux de CD4, ainsi que la tolérance du traitement, seront étroitement surveillés pendant l'interruption thérapeutique.
Le critère principal d'évaluation sera le temps écoulé jusqu’à la reprise d’un traitement ARV, en raison d’un rebond viral, d'une baisse des CD4 ou pour toute autre raison clinique. Des analyses intermédiaires seront réalisées, au cours desquelles le comité indépendant de surveillance de l’étude pourra recommander que le recrutement dans un ou plusieurs bras de l'étude soit poursuivi ou arrêté. Ce design adaptatif a pour intérêt de permettre éventuellement d’engager moins de participants, et d’écourter l’essai, en se concentrant sur les stratégies qui donnent les résultats précoces les plus prometteurs.
Des analyses virologiques détaillées (réservoir ADN VIH-1 total et intact, évolution des quasi-espèces, charge virale plasmatique résiduelle, transcription résiduelle d'ARN VIH-1 associés aux cellules), immunologiques (réponses T et NK, analyse des cellules myéloïdes, en particulier signature interféron), pharmacologiques (concentrations de sirolimus) et sociales (éléments rapportés par les patients, réactions des médecins) seront également effectuées.
Cet essai adaptatif innovant devrait fournir des informations importantes sur l’efficacité et la tolérance des inhibiteurs de JAK1/JAK2, des inhibiteurs de mTORC1, ou de leur combinaison, à inhiber la réactivation du VIH-1 après interruption du traitement ARV, pendant la période d'immunothérapie, mais aussi sur la durabilité du contrôle virologique au décours.