Maladie à virus Marburg

La maladie à virus Marburg est une fièvre hémorragique causée par le virus Marburg appartenant au genre Filovirus.

Dernière mise à jour le 06 novembre 2025

Épidémiologie

La maladie à virus Marburg est une fièvre hémorragique zoonotique causée par un virus de la famille des Filoviridae du genre Filovirus.1 Le taux de létalité moyen qui lui est associé est d’environ 50 %. Au cours d’épidémies passées, les taux de létalité variaient entre 24 % et 88 %, en fonction de la qualité des soins prodigués.1

Observée pour la première fois en 1967 en Allemagne et en Yougoslavie, elle est apparue chez des employés de laboratoires produisant des vaccins à partir de cultures de cellules rénales de singes.1,2  Ces employés avaient été contaminés par des tissus infectés de singes verts (Cercopithecus aethiops) en provenance d’Ouganda.1,2 La mortalité fut de 33 %.2 Des cas isolés ont été signalés en Afrique du Sud en 1975.1,2 D’autres cas sporadiques et flambées épidémiques ont été rapportés par la suite en Angola, au Ghana, en Guinée, en Guinée équatoriale, au Kenya, en Ouganda, en République démocratique du Congo et en Tanzanie.1

Deux cas indépendants ont été signalés en 2018 en Ouganda : les personnes avaient visité une grotte abritant des colonies de chauves-souris de l’espèce Rousettus aegyptiacus. En septembre 2024, le Rwanda a signalé la première flambée survenant dans le pays. En janvier 2025 une autre flambée était déclarée en Tanzanie.1

Transmission

La maladie à virus Marburg est transmise par les roussettes (Rousettus aegyptiacus), des chauves-souris frugivores.1 L’infection humaine est due à une exposition prolongée dans des mines ou des grottes abritant ces chauves-souris.1 Des séquences du virus Marburg (MARV) ont également été identifiées chez d’autres espèces de chauve-souris, comme Hipposideros Caffe, en Ouganda.3 D’autres animaux comme les primates non humains peuvent également être infectés suite à des contacts avec les sécrétions des chauve-souris frugivores, agissant comme des vecteurs intermédiaires entre la chauve-souris et les humains.3

Une fois introduit dans la population humaine, le virus se propage dans le cadre d’une transmission interhumaine.1

La transmission de MARV d’une personne à l’autre résulte de contacts directs au niveau de lésions de la peau ou des muqueuses avec les fluides biologiques des personnes infectées ou encore avec des surfaces contaminées (par exemple, la literie les vêtements ou les ustensiles médicaux souillés). Le personnel médical et les proches des malades sont particulièrement à risque, notamment au cours de certaines pratiques culturelles, comme les rites funéraires, qui augmentent le risque de transmission.1,3

La transmission verticale du virus n’a pas encore été mise en évidence, mais une étude a montré que le virus pourrait persister dans le sperme jusqu’à deux mois après la résolution de la maladie chez les survivants.3

Les personnes infectées ne peuvent pas transmettre la maladie tant qu’elles n’ont pas développé de symptômes. Elles restent contagieuses tant que leur sang contient le virus.1

Diagnostic et symptômes

L’incubation varie de 2 à 21 jours, avec des symptômes initiaux tels que de la fièvre, des céphalées, des douleurs musculaires, et suivis par des éruptions cutanées le 7e jour. La défaillance multiviscérale entraîne souvent le décès entre le 8ᵉ et le 9ᵉ jour.3

Sur le plan clinique, il peut être difficile de distinguer la maladie à virus Marburg d’autres maladies infectieuses telles que le paludisme, la fièvre typhoïde, la shigellose, la méningite et d’autres fièvres hémorragiques virales dont Ebola.1,3

Le diagnostic doit être confirmé par RT-PCR. La recherche IgG est utilisée pour la confirmation tardive. Les échantillons nécessitent une manipulation en laboratoire de confinement à haute sécurité (niveau 4 de biosécurité).1,3

Traitement et vaccination

Il n’existe ni vaccin ni traitement antiviral spécifique pour la maladie à virus Marburg. La prise en charge est symptomatique.1,3 Des recherches sont en cours, et la désignation de MARV comme pathogènes prioritaires par l’OMS a permis d’accélérer les financements alloués à la recherche pour les contre-mesures et les modèles d’expérimentation pré-cliniques.4

Pistes de recherche

  • Vaccination

Aujourd’hui, 28 candidats sont en développement. En 2022, le consortium MARVAC a priorisé quatre vaccins spécifiques dans le cadre d’une plateforme internationale d’essais cliniques randomisés de vaccination en anneau*. L’OMS a donc rapidement activé ce « CORE protocole vaccinale en anneau » en Tanzanie. Parmi ces candidats vaccins, on trouve :

Candidats rVSV-MARV

Les candidats vaccins issus des plateformes rVSV-MARV sont viables, capables d’induire rapidement une protection après administration d’une seule dose. Ceci les rend particulièrement adaptés au déploiement dans les situations d’urgence. Ce type de vaccin pourrait également offrir une protection partielle dans le cadre d’une prophylaxie post-exposition à MARV et améliorer les chances de survie des patients. Cependant, l’ensemble de ces hypothèses doit être évalué dans des essais cliniques.

VSV∆G-MARV-GP (souche Musoke) : Une injection intramusculaire unique de ce vaccin développé par l’International AIDS Vaccine Initiative depuis 2005 protège 100 % des primates non humains. Une réponse en anticorps neutralisants et une persistance de la protection jusqu’à 14 mois ont été observées. L’OMS recommande de l’inclure dans des essais cliniques de phase I ou II.5 Un essai de phase I est prévu aux États-Unis avec 120 participants à partir du troisième trimestre 2024.6

rVSV∆G-MARV-GP (souche Angola) ou PHV01 : Conçu par Public Health Vaccines, il induit une protection de 14 mois chez les primates non humains. Des essais ont démontré une protection rapide trois jours après vaccination, permettant une utilisation potentielle en post-exposition. Depuis février 2024, il fait l’objet d’un essai clinique de phase I randomisé. Les premiers résultats intermédiaires rapportent une bonne tolérance du vaccin et une bonne immunogénicité durable après une dose unique (90-100 % de séroconversion entre les jours 29 et 121).7

Candidats ChAdV

ChAd3-Marburg : Ce vaccin, développé par le Sabin Vaccine Institute et qui utilise un vecteur adénoviral de chimpanzé, a montré une protection rapide dès la première semaine chez les macaques cynomolgus. La protection persiste jusqu’à 12 mois et on note l’absence d’effets indésirables graves. Des essais de phase I ont montré une réponse immunitaire solide.8 Il a intégré un essai de phase II pendant l’épidémie de Marburg au Rwanda en 2024. Le Sabin Vaccine Institute a fourni 1 700 doses dans ce pays et la vaccination a été proposée en priorité aux personnels soignants et aux contacts à risque (620 doses ont déjà été administrées).9

ChAdOx1 Marburg : Ce vaccin a été mis au point par l’Oxford Vaccine Group à partir de la plateforme ChAdOx1 largement testée lors de la pandémie de Covid-19. En juillet 2024, l’Université d’Oxford a annoncé le lancement du premier essai clinique de phase I du vaccin ChAdOx1 Marburg. Quarante-six volontaires âgés de 18 à 55 ans seront suivis afin d’évaluer son innocuité et son immunogénicité. Le protocole testera une ou deux doses administrées à trois mois d’intervalle, avec un suivi des effets indésirables sur 28 jours et une évaluation des réponses immunitaires sur 12 mois. Un essai clinique de phase II est également prévu.10

 

* la stratégie de vaccination en anneau consiste « à vacciner tous les individus ayant été en contact avec un sujet présentant une infection confirmée, ainsi que toutes les personnes en contact avec ce premier cercle de sujets contacts »11

  • Traitements

Antiviraux à action directe (AAD)

Le galidesivir et le favipiravir ont montré des résultats prometteurs sur des modèles animaux, offrant une protection complète lorsqu’administrés peu après infection.12,13 Un autre AAD, le remdesivir, a démontré une efficacité de 83 % en traitement précoce chez les macaques, cette efficacité diminuant cependant à mesure que l’infection progressait.14

Malgré des résultats précliniques prometteurs, ces agents antiviraux n’ont encore démontré aucune efficacité clinique contre MARV chez l’humain.

L’obeldesivir, la forme orale du remdesivir intraveineux, présente une activité antivirale in vitro contre les filovirus et apporte une protection significative dans les modèles animaux. Une administration en prise unique, quotidienne, pendant 10 jours, 24 heures après exposition au virus, a apporté une protection de 80 % chez six macaques cynomolgus, après qu’ils aient été infectés par une dose mille fois létale. Le retard dans la réplication virale et dans l’apparition de la maladie souligne l’intérêt potentiel de cet AAD en traitement post -exposition.15

Anticorps monoclonaux

L’anticorps monoclonal MBP091 de Mappbio, conçu pour neutraliser MARV, a conduit à une survie de 100 % dans des modèles de rongeurs et de primates non humains traités dans les cinq jours suivant l’infection. En 2023, un essai de phase I chez l’humain a validé son innocuité.16

À l’issue du « CORC filovirus » du 21 janvier 2025 organisé par l’OMS et l’ANRS MIE, MBP091 et le remdesivir, en mono- et bithérapie, ont été choisis pour être étudiés dans un essai clinique randomisé.17 Cet essai, coordonné par l’OMS et le Pandemic Science Institute de l’université d’Oxford, s’inscrit dans le cadre du programme Solidarity Partners visant à identifier les traitements les plus efficaces contre les infections à filovirus. Mis en place lors de l’épidémie du Rwanda, ce programme va permettre l’inclusion de patients infectés au cours d’épidémies successives dans différents pays.

Thérapies combinées et autres molécules

Des combinaisons d’AADs et d’anticorps (par exemple, MR186-YTE) ont prolongé la fenêtre thérapeutique, protégeant 80 % des animaux même en traitement tardif, six jours après l’infection.15

Par ailleurs, des oligomères antisens (AVI-7288 et AVI-6003) ciblant l’ARN viral ont démontré une haute efficacité préclinique chez des primates non humains, ouvrant la voie à de nouvelles options contre MARV et les autres infections à filovirus.18 Les études précliniques ont montré une survie élevée (80-100 %) et une réduction des symptômes à des doses optimales (30 mg/kg). Les essais cliniques de phase I ont démontré une bonne tolérance chez l’homme, sans effets indésirables graves, et une dose protectrice estimée à 9,6 mg/kg/j pendant 14 jours pour l’AVI-7288.

Ces résultats suggèrent que ces thérapies sont des candidats prometteurs contre MARV et mettent en avant le potentiel des petites molécules pour traiter les infections à filovirus.

Actions de recherche de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes sur la maladie à virus Marburg

CORC sur les filovirus

Dans le contexte épidémique actuel, une réunion du CORC sur les filovirus, axée sur les priorités en matière de recherche et développement sur le virus de Marburg et les filovirus, s’est tenue le 24 janvier 2025 pour informer des priorités immédiates en matière de recherche sur la maladie à virus Marburg et souligner l’importance d’une réponse coordonnée et collaborative à l’échelle mondiale. Cette réunion comprenait les membres et partenaires du réseau OMS et le réseau intérimaire de contre-mesures médicales (i-MCM)*.

Les premières priorités identifiées ont été les suivantes :

  • Accroître les efforts de recherche pour identifier les réservoirs naturels et les mécanismes de transmission zoonotique (par exemple en essayant de localiser les gîtes des chauves-souris et les cartographier). L’ANRS MIE soutient ainsi le projet MARCAM, un programme de surveillance séro-épidémiologique caractérisant la circulation du MARV dans les populations humaines et les espèces réservoirs dont les chauves-souris Rousetta Aegypticus en Guinée Equatoriale ;
  • Développer les capacités de diagnostic pour tous les filovirus pathogènes pour l’homme ;
  • Mieux comprendre l’épidémiologie et renforcer la surveillance des filovirus dans les pays endémique et en Tanzanie ;
  • Soutenir la recherche fondamentale sur les biomarqueurs de la maladie et les déterminants physiopathologiques ;
  • Faire progresser la recherche sur les modèles animaux ;
  • Prioriser les ressources consacrées à la mise au point de contre-mesures médicales (MCM) contre le MARV et l’ensemble de la famille des Filoviridae;
  • Définir des soins de soutien clinique optimisés et soutenir la formation ;
  • La recherche menée pendant les épidémies constitue un élément essentiel de la réponse, notamment à travers la mise en place rapide d’essais cliniques précoces visant à recueillir des données cruciales sur l’efficacité et la sécurité des interventions. Cela a été réalisé en 2024 pendant l’épidémie de Marburg au Rwanda, puis en 2025, lors des épidémies du virus Marburg en Tanzanie et du virus Soudan en Ouganda.;
  • Il est essentiel de poursuivre l’évaluation des candidats MCM en utilisant les protocoles CORE** panfilovirus. Lors de l’épidémie récente de MARV en Tanzanie, l’OMS a très rapidement mis en place les deux protocoles CORE MARVAC concernant les vaccins et les traitements via l’essai de la plateforme Partners;
  • Soutenir la recherche en sciences sociales et adapter les outils de bonnes pratiques participatives aux réalités et au contexte locaux ;
  • Favoriser la collaboration et la coordination.

* Le réseau i-MCM fédère des partenaires du monde entier, y compris des institutions des Nations Unies et d’autres organismes internationaux, des organisations œuvrant dans le domaine de la santé, des organisations de la société civile, des entreprises et d’autres entités du secteur privé, afin de créer un écosystème efficace pour mettre au point, fabriquer, allouer et utiliser les contre-mesures médicales

** protocole global

Activation d’une cellule émergence

En mars 2025, le pôle « Veille et Réponse aux épidémies » de l’ANRS MIE a activé une cellule émergence de niveau 1 sur les filovirus. Cette cellule pérenne comprend une veille scientifique dont les premières éditions porteront sur le virus Marburg circulant actuellement en Tanzanie et sur le virus Ebola Soudan à l’origine d’une épidémie en cours actuellement en Ouganda.

Action coordonnée sur les fièvres hémorragiques virales

En 2024, l’ANRS MIE a mis en place une action coordonnée sur les fièvres hémorragiques virales présidée par Sylvain Baize, Marie Jaspard et Abdoulaye Touré. Ce groupe d’échange et de réflexion stratégique est consacré notamment à la recherche scientifique sur les filovirus et a pour objectif, à travers ses groupes de travail (thérapeutique, faune sauvage, vaccins), de faire émerger des projets de recherche dans le cadre de collaborations internationales, principalement avec nos partenaires en Afrique.

Références

  1. OMS : Maladie à virus Marburg. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/marburg-virus-disease (consulté le 12/08/2025)
  2. Vachon F. Fièvres hémorragiques virales. 1ère partie : Maladies historiques, maladies nouvelles émergentes. Réan Urg 1998 ; 7 : 389-402
  3. Srivastava S, et al. Emergence of Marburg virus: a global perspective on fatal outbreaks and clinical challenges. Front Microbiol 2023:14:1239079. doi: 10.3389/fmicb.2023.1239079
  4. OMS : Ebola and Marburg disease outbreaks: infection prevention and control research priorities in health care settings, 2024. https://www.who.int/publications/i/item/9789240098381 (consulté le 12/08/2025)
  5. Mire CE, et al. Durability of a vesicular stomatitis virus-based marburg virus vaccine in nonhuman primates. PLoS One 2014;9(4):e94355. doi: 10.1371/journal.pone.0094355
  6. gov. Study to Evaluate the Recombinant Vesicular Stomatitis Virus (rVSV)-Marburg Virus Vaccine Candidate (PHV01) in Healthy Adult Subjects (PHV01). https://clinicaltrials.gov/study/NCT06265012?cond=marburg&rank=4 (consulté le 12/08/2025)
  7. Marzi A, et al. Single dose of a VSV-based vaccine rapidly protects Macaques from Marburg virus disease. Front Immunol 2021:12:774026. doi: 10.3389/fimmu.2021.774026
  8. Hamer MJ, et al. Safety, tolerability, and immunogenicity of the chimpanzee adenovirus type 3-vectored Marburg virus (cAd3-Marburg) vaccine in healthy adults in the USA: a first-in-human, phase 1, open-label, dose-escalation trial. Lancet 2023;401:294–302
  9. Sabin Vaccine Institute : Marburg virus response: Sabin Vaccine Institute supplies Rwanda with more vaccines. https://www.moh.gov.rw/news-detail/marburg-virus-response-sabin-vaccine-institute-supplies-rwanda-with-more-vaccines (consulté le 12/08/2025)
  10. Oxford Vaccine Group : MAGIC-01: A study of a new vaccine against Marburg virus in adults aged 18 – 55 years. https://trials.ovg.ox.ac.uk/trials/magic-01-study-new-vaccine-against-marburg-virus-adults-aged-18-%E2%80%93-55-years (consulté le 12/08/2025)
  11. Dictionnaire médical de l’Académie de Médecine : https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=vaccination%20en%20anneau (consulté le 12/08/2025)
  12. Warren TK, et al. Protection against filovirus diseases by a novel broad-spectrum nucleoside analogue BCX4430. Nature 2014;508:402–405
  13. Zhu W, et al. Successful treatment of Marburg virus with orally administrated T-705 (Favipiravir) in a mouse model. Antiviral Res 2018;151:39–49
  14. Porter DP, et al. Remdesivir (GS-5734) is efficacious in Cynomolgus Macaques infected with Marburg virus. J Infect Dis 2020:222:1894–1901
  15. Cross RW, et al. Oral obeldesivir provides postexposure protection against Marburg virus in nonhuman primates. Nat Med 2025;31(4):1303-1311
  16. OMS : MBP091 Update- WHO. https://cdn.who.int/media/docs/default-source/blue-print/tara-nyhuis_session-4_mappbio_marvac-consultation_10-march-2023.pdf?sfvrsn=c987d645_3 (consulté le 12/08/2025)
  17. OMS & ANRS MIE : Filoviridae CORC Marburg building research readiness for a future filovirus outbreak. Priorities for research, 22 January 2025. https://cdn.who.int/media/docs/default-source/blue-print/marburg-response–building-research-readiness-for-a-future-filovirus-outbreak/meeting-outcomes-top-10-priorities-for-research-to-develop-marburg-medical-countermeasures.pdf?sfvrsn=d1ec535f_4 (consulté le 12/08/2025)
  18. Heald AE, et al. AVI-7288 for Marburg virus in nonhuman primates and humans. N Engl J Med 2015;373:339–348