Résultats de l’étude ANRS MIE GANYMEDE
Dernière mise à jour le 29 mai 2024
L’étude GANYMEDE, dont les résultats viennent d’être publiés, offre un éclairage important sur la dynamique de l’infection par le VIH parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) immigrés en France et qui représentent une part croissante dans les nouveaux diagnostics VIH. Ces travaux décrivent finement cette population et son parcours migratoire et portent notamment sur le moment de l’acquisition de l’infection (avant ou après la migration), sur les facteurs de risque d’infection, incluant les circonstances d’immigration, sur les obstacles à l’accès aux soins, dans le but de discuter les implications en matière de prévention et de santé publique.
Romain Palich et ses co-auteurs ont publié dans EUROSURVEILLANCE les résultats de l’étude GANYMEDE (ANRS-MIE 14058).
Menée dans 14 hôpitaux d’Ile-de-France, l’étude a recruté les HSH cisgenres pris en charge pour une infection VIH. Un autoquestionnaire en 6 langues sur leur contexte de départ et d’arrivée en France, ainsi que sur leur vie sexuelle a été proposé à ceux arrivés en France après l’âge de 15 ans et majeurs au jour de l’enquête. Parmi les 1282 hommes approchés ,1159 ont participé à l’enquête (soit 90,4%). Ils avaient 43 ans en médiane, et vivaient en France depuis 15 ans en médiane. Les pays de naissance étaient par ordre d’importance l’Amérique du Sud, l’Europe, l’Afrique du Nord, l’Afrique Sub saharienne et l’Asie-Océanie.
Plus de 6 migrants sur 10 infectés par le VIH ont contracté le VIH en France (61,7 %) et le taux d’infection varie avec l’âge à l’arrivée :
Parmi les hommes infectés avant leur migration, 26 % étaient sans traitement lors de leur arrivée en France, soulignant les défis liés à l’accès aux soins pour cette population vulnérable, étant donné les conséquences délétères des ruptures thérapeutiques chez les PVVIH, en matière de morbi-mortalité individuelle et de risque de transmission du VIH à d’autres personnes.
Les taux d’infection en France varient considérablement en fonction de la zone géographique d’origine ; ils sont le plus élevés parmi les participants originaires d’Afrique du Nord et les plus faibles chez les participants d’Amérique (figure 1).
Les circonstances d’immigration étaient très diverses, avec 35 % des hommes attribuant leur départ à leur orientation sexuelle et plus de la moitié se sentant contraints de partir. De plus, la première année après l’arrivée en France était caractérisée par des difficultés financières pour six hommes sur dix, ce qui souligne les obstacles socio-économiques auxquels ils sont confrontés.
Le délai entre l’arrivée en France et l’acquisition du VIH était de 7,5 ans. 13,1 % des participants ont contracté le VIH au cours de leur première année en France, et cette proportion était plus élevée au cours de la première année qu’au cours des deuxième et troisième années cumulées.
Les facteurs associés à l’infection par le VIH dans la première année en France comprennent l’âge, le sentiment de contrainte à émigrer, l’origine d’un pays d’Afrique subsaharienne ou d’Asie-Océanie, ainsi que les difficultés socio-économiques. Le nombre élevé de partenaires l’année de l’arrivée est aussi associée à cette acquisition précoce de l’infection VIH.
L’étude Ganymède, outre une description fine des HSH immigrés qui manquait jusque là, démontre sur des données solides, le rôle dans la survenue de l’infection VIH au cours des toutes premières années de la vie en France d’un cumul de vulnérabilités sociales et de l’adaptation à une vie sexuelle plus permissive, en particulier pour des hommes, nombreux, qui fuient des pays où l’homosexualité est réprimée ou pénalisée. Par là, ces résultats invitent à apporter des réponses préventives qui conjuguent ces deux dimensions. Les auteurs rappellent aussi l’importance de collecter en routine un petit nombre informations-clés permettant d’ajuster les stratégies de santé publique au contexte toujours mouvant des mouvements migratoires.
La surveillance épidémiologique est limitée dans cette étude au pays de naissance qui est une information d’état-civil et n’étudie pas quantitativement les descendants d’immigrés et plus largement les diasporas installées de longue date. Pour en savoir plus, il est possible de se référer aux travaux de Damien Trawalé sur être Noir et homosexuel en France ou ceux de Cyriac Bouchet Mayer sur les inégalités sociales dans le parcours migratoire.
Des résultats complémentaires devraient également être disponibles dans les prochaines années grâce aux enquêtes Santé, vie affective et sexuelle et Vespa 3 qui documentent avec l’accord de la CNIL, le pays de naissance des individus et de leurs parents et la communauté ethnique d’appartenance.
Bibliographie
Palich R, et al. High proportion of post-migration HIV acquisition in migrant men who have sex with men receiving HIV care in the Paris region, and associations with social disadvantage and sexual behaviours: results of the ANRS-MIE GANYMEDE study, France, 2021 to 2022. Euro Surveill. 2024 Mar;29(11):2300445.