Remise des prix de thèse "Virus émergents" 2023 à Emma Partiot et Antoine Rebendenne

Lors des Journées Francophones de Virologie (JFV) qui ont eu lieu du 10 au 12 avril 2024 à Bruxelles, l'ANRS MIE et la Société française de virologie (SFV) ont décerné deux prix de thèse pour la recherche fondamentale sur les virus émergents et ré-émergents.

Publié le 12 avril 2024

L’essentiel

L’ANRS Maladies infectieuses émergentes (ANRS MIE) et la Société française de virologie (SFV) s’associent pour l’attribution de prix de thèse décernés chaque année à de jeunes scientifiques dont les travaux de recherche ont marqué le domaine par leur grande qualité, leur originalité et leur caractère innovant.

En 2024, pour le prix « Virus émergents » récompensant une thèse terminée en 2023, les lauréats sélectionnés conjointement par l’ANRS MIE et la SFV sont Emma Partiot (Institut de Recherche en Infectiologie de Montpellier (IRIM), sous la direction de Raphaël Gaudin) et Antoine Rebendenne (Institut de Recherche en Infectiologie de Montpellier (IRIM), sous la direction du Dr. Caroline Goujon). Ils ont chacun reçu un prix de 1000€.

Ils répondent à nos questions :

Quel est votre parcours ? Pourquoi vous êtes-vous orientés vers la recherche ?

Emma Partiot : J’ai réalisé ma licence de Biologie à l’université de Montpellier avec une spécialisation en microbiologie. Au cours de ma 3eme année, j’ai découvert l’univers des virus et cela m’a donné envie de poursuivre ma carrière sur ce sujet passionnant. C’est donc dans cette optique que je suis partie à Paris pour mon Master 1 à l’université Paris Diderot, pour finalement intégrer les cours Pasteur en Master 2. Les différents stages que j’ai réalisés m’ont confortée dans mon choix de carrière de par les thématiques abordées mais également en découvrant le monde de la recherche académique. J’ai finalement réalisé ma thèse dans l’équipe de Raphaël Gaudin à l’Institut de Recherche en Infectiologie de Montpellier (IRIM).

Antoine Rebendenne : Durant mon cursus à l’Ecole Normale Supérieure Paris-Saclay et mon master 2 recherche en virologie fondamentale à Sorbonne Université/Institut Pasteur, j’ai réalisé plusieurs stages en recherche dans le domaine de la virologie, qui ont conforté mon intérêt pour cette discipline et m’ont motivé à effectuer mon doctorat à l’Institut de Recherche en Infectiologie de Montpellier (IRIM), dans le laboratoire du Dr. Caroline Goujon et en co-direction avec le Dr. Mélanie Wencker au Centre International de Recherche en Infectiologie à Lyon.

J’ai découvert le domaine de la virologie par un premier stage réalisé en 2016 à l’IRIM dans l’équipe du Dr. Caroline Goujon et dont le sujet portait sur l’identification de nouveaux facteurs de l’hôte modulant la réplication du VIH-1 par la technologie CRISPR/Cas9, alors nouvelle. Un deuxième stage réalisé en 2017 à l’Imperial College London à Londres (UK) sous la direction du Pr. Wendy Barclay a consolidé mon attrait pour les nouvelles technologies appliquées à l’étude des virus, en développant un nouvel outil de cartographie protéomique en cellules vivantes basé sur l’enzyme APEX2, afin d’identifier des protéines cellulaires à proximité des complexes de réplication de virus influenza A aviaires ou humains.

Ces deux stages m’ont permis d’étudier les interactions hôtes/virus et la course perpétuelle à l’armement qui s’instaure entre l’organisme et le pathogène. Souhaitant me spécialiser dans ce domaine, j’ai réalisé un stage de recherche pré-doctoral de 10 mois à Rockefeller University (New York, USA) dans l’équipe du Pr. Paul Bieniasz. Ce stage a porté sur l’étude du mode d’action d’une protéine à activité antivirale, ZAP, contre le VIH-1. Toutes ces expériences de recherche ont conforté mon intérêt pour la virologie alliant de nouvelles technologies afin de mieux de comprendre le paysage des facteurs de l’hôte modulant la réplication des virus respiratoires.

Sur quel sujet porte votre travail de thèse ?

Emma Partiot : Mon travail de thèse porte sur l’étude des mécanismes moléculaires associés aux infections virales du système nerveux central, allant de la neuro-invasion jusqu’aux désordres neuronaux. En effet ma thèse s’est articulée autour de différents axes, notamment avec la caractérisation des mécanismes moléculaires associées au neuroCOVID, le développement de modèles cérébraux à partir de tissus humains post-mortem pour l’étude des infections virales neurotropiques et enfin l’étude des mécanismes moléculaires associés à l’augmentation de la transmigration des monocytes infectés participant au franchissement de la barrière hématoencéphalique par le virus ZIKA.

Antoine Rebendenne : Mon travail de thèse, portant sur l’étude des interactions hôtes/virus respiratoires (Influenza A virus (IAV) et SARS-CoV-2), s’est articulé autour de trois projets. Tout d’abord, j’ai étudié la détection immunitaire du virus SARS-CoV-2 et mis en évidence le rôle du senseur MDA-5 dans la production d’interférons de type I et III par les cellules épithéliales pulmonaires infectées par SARS-CoV-2. Nous avons notamment montré que, malgré une production importante d’interférons suite à l’infection par SARS-CoV-2, cette dernière arrivait trop tardivement pour permettre le contrôle de la réplication du virus. Ensuite, j’ai identifié et caractérisé des facteurs de l’hôte modulant positivement ou négativement la réplication de SARS-CoV-2 par des cribles CRISPR bidirectionnels, à la fois CRISPR knock-out et CRISPR activation, à l’échelle du génome. Nous avons en particulier identifié les mucines membranaires (MUC1, MUC4 et MUC21) comme facteurs antiviraux puissants inhibant l’entrée de SARS-CoV-2 ainsi que les adaptines (AP1G1, AP1B1 et AAGAB) comme gènes proviraux régulant le priming de Spike à la membrane plasmique. Enfin, je me suis intéressé au mécanisme antiviral de la protéine humaine NCOA7-AS contre le virus de la grippe et le rôle de nouveaux partenaires dans cette activité antivirale.

Quel est le résultat de votre travail de thèse le plus marquant selon vous ?

Emma Partiot : Selon moi, le résultat le plus marquant de mon travail de thèse est l’impact qu’une particule virale de SARS-CoV-2 peut avoir sur l’homéostasie synaptique en agissant comme un obstacle physique. En effet, ces résultats ont mis en avant qu’une faible quantité de virus peut participer à une altération de la plasticité synaptique et induire des désordres neuronaux sans être associée à une réponse immunitaire exacerbée. Ce concept pourrait également être appliqué à d’autres virus.

Antoine Rebendenne : De manière importante, notre étude a permis de montrer l’importance de la complémentarité des modalités de perturbation (CRISPR knock-out et CRISPR activation) pour identifier le panorama des facteurs de l’hôte modulant la réplication de SARS-CoV-2. De plus, par la réalisation d’une méta-analyse des cribles CRISPR déjà publiés dans la littérature contre SARS-CoV-2, suivie de cribles CRISPR secondaires dans 4 lignées cellulaires humaines différentes, nous avons mis en évidence une forte spécificité des gènes identifiés suivant la lignée cellulaire, soulevant le problème de la pertinence physiologique des modèles utilisés dans ces approches haut-débit.

Que proposeriez-vous pour poursuivre vos travaux ? Quels sont les grands défis à relever selon vous dans ce domaine ?

Emma Partiot : Pour la suite de ces travaux, il serait intéressant de déterminer les effets à long terme de ces réarrangements synaptiques suite à l’infection, et d’étudier l’impact de ces particules virales sur le cerveau lorsque celles-ci ne sont plus présentes dans le tissu. Dans cette étude, nous nous sommes particulièrement intéressés aux mécanismes moléculaires associés à un virus qui n’infecte que pas ou peu le cerveau, avec des symptômes neuronaux légers mais présents sur le long terme. Il serait intéressant d’étudier des mécanismes similaires avec d’autres virus n’étant pas connus pour avoir un impact neurologique.

Antoine Rebendenne : Une priorité serait de développer de nouveaux outils pour éditer le génome des épithélia respiratoires primaires humains ainsi que de valider les cibles issues de nos cribles dans ces modèles pertinents physiologiquement. Cela permettrait d’ouvrir la voie au développement d’antiviraux ciblant l’hôte.

Après la thèse, quelle est la suite de votre projet professionnel ?

Emma Partiot : Après la thèse, je souhaite rejoindre un laboratoire à l’étranger pour y réaliser un post doctorat et continuer à étudier les réarrangements synaptiques altérés par les virus. Ensuite je voudrais passer les concours de chercheur.

Antoine Rebendenne : Après l’obtention de mon doctorat, j’ai décidé de continuer en post-doctorat dans le laboratoire du Dr. Caroline Goujon afin de terminer certains projets entamés pendant la thèse. J’aimerais par la suite passer les concours de chargé de recherche afin de poursuivre ma carrière dans la recherche académique.

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