Dernière mise à jour le 24 mars 2023
Cette étude, promue et financée par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes en partenariat avec le laboratoire Roche (1), a été menée par une équipe de recherche de l’AP-HP, Université Paris Cité, l’Inserm, Sorbonne Université en collaboration avec AIDES et Coalition PLUS. Elle démontre à la fois l’efficacité d’un vaccin contre le méningocoque B dans la réduction du risque d’infection par le gonocoque et celle de l’utilisation de l’antibiotique doxycycline comme traitement préventif contre les infections sexuellement transmissibles, lorsqu’il est pris dans les 72 h suivant un rapport sexuel. À la suite des premiers cas de mpox en France, le cadre de l’étude a été élargi et a aussi permis de constater l’efficacité du vaccin Modified Vaccinia Ankara (MVA-BN) contre le virus mpox, responsable de l’épidémie apparue en 2022.
Au cours des dernières années, une augmentation des infections sexuellement transmissibles (IST) a été observée en France – notamment des infections bactériennes comme la syphilis, les infections à chlamydia et les infections à gonocoque – qui touchent particulièrement les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH). Ce sont ces derniers qui ont été principalement concernés par l’épidémie de mpox, apparue en France en mai 2022.
L’essai ANRS DOXYVAC a été conçu pour évaluer des interventions visant à prévenir ces infections. Il est conduit depuis janvier 2021 chez des HSH utilisant la PrEP pour prévenir une infection par le VIH et très exposés au risque d’IST et ayant présenté au moins une IST au cours de l’année précédant leur participation à l’étude (2).
Les inclusions ont été interrompues précocement et les deux interventions proposées à tous les participants, à la suite des résultats prometteurs de la doxycycline dans l’étude américaine DOXYPEP et de la recommandation du comité indépendant après une analyse intermédiaire qu’il a demandée.
L’étude évalue l’efficacité de la prophylaxie post-exposition (3) des IST bactériennes combinant la doxycycline, un antibiotique, et la vaccination avec le vaccin Bexsero® contre le méningocoque B (4).
Entre janvier 2021 et juillet 2022, 502 volontaires HSH vivant en région parisienne ont été répartis par tirage au sort en quatre groupes : l’un recevant une prophylaxie post-exposition par la doxycycline à prendre dans les 72 h après un rapport sexuel non protégé par un préservatif, l’autre une vaccination par le Bexsero®, le troisième la combinaison de ces deux interventions et le dernier aucune des deux interventions.
Les volontaires avaient un âge médian de 39 ans, une médiane de dix partenaires sexuels dans les trois derniers mois et ont bénéficié d’un suivi médian de neuf mois. Ils étaient suivis et testés tous les trois mois en cas de symptômes pour les infections à gonocoque et à chlamydia et pour la syphilis.
Les chercheurs ont comparé l’incidence d’un premier épisode d’infection à chlamydia ou de syphilis entre le groupe ayant reçu la doxycycline et celui ne l’ayant pas reçue : elle était respectivement de 5,6 et 35,4 pour 100 personnes-année (réduction du risque d’infection à chlamydia ou de syphilis de 84 %) (5). Quant à l’incidence d’un premier épisode d’infection à gonocoque dans ces mêmes groupes, elle était de 20,5 et de 41,3 pour 100 personnes-année (réduction de 51 %). Après trois mois, l’incidence d’un premier épisode d’infection à gonocoque dans le groupe vacciné avec Bexsero® et celui non vacciné était de 9,8 et 19,7 pour 100 personnes-année (réduction de 51 %). Aucun effet indésirable sévère lié à ces deux interventions n’a été observé.
« L’usage de la doxycycline en prophylaxie post-exposition s’est révélée efficace pour réduire à la fois l’incidence des infections à chlamydia et de la syphilis. Cet antibiotique a aussi eu un impact important, tout comme le vaccin contre le méningocoque B, sur l’incidence des infections à gonocoque. C’est la première fois qu’un vaccin montre un effet sur une infection sexuellement transmissible bactérienne », conclut le Pr Jean-Michel Molina (Université Paris Cité et service de maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Louis et Lariboisière, AP-HP, et Université Paris Cité), investigateur coordonnateur de l’étude.
Le suivi des participants va se poursuivre jusqu’à la fin de l’année 2023 pour s’assurer de l’efficacité sur le moyen terme de ces stratégies de prévention qui ont été proposées désormais à tous les participants.
Cette étude s’inscrit dans le cadre d’une prévention globale et associe plusieurs mesures de réduction des risques (dépistages répétés du VIH et des IST, vaccination contre les hépatites A et B, distribution de préservatifs et de gels). Les participants peuvent également bénéficier d’un accompagnement communautaire et/ou d’une éducation thérapeutique.
En France, les premiers cas d’infection par le virus mpox sont apparus en mai 2022. Pour la première fois, un risque de transmission inter-humaine de ce virus par contact sexuel a été observé. Il est donc recommandé depuis le 11 juillet 2022 d’avoir recours au vaccin comme mesure de protection pour les HSH multi-partenaires.
Face à ce constat, les équipes de recherche ont jugé nécessaire d’inclure dans l’essai DOXYVAC, un volet dédié à l’étude de l’impact vaccinal sur l’incidence du virus mpox chez les HSH prenant la PrEP, ces volontaires étant à risque de développer le virus mpox.
Parmi les 502 participants de l’essai DOXYVAC, les chercheurs ont analysé, dans ce volet spécifique, les informations de 472 personnes ayant des données disponibles avant et après le 8 mai 2022. Ces participants avaient déclaré avoir une médiane de dix partenaires dans les trois mois précédents et 20 % avaient reçu un vaccin antivariolique durant l’enfance.
Les chercheurs ont comparé les caractéristiques avant la période épidémique (c’est à dire jusqu’au 8 mai 2022) des 77 volontaires ayant contracté le virus mpox aux volontaires « contrôles » n’ayant pas eu le virus. Ils ont constaté que les cas de mpox touchaient des personnes plus jeunes (37 ans contre 40 ans), qui avaient eu plus de partenaires sexuels dans les trois mois précédents (7 contre 5) et qui ont été moins vaccinés contre la variole pendant l’enfance (4 % contre 23 %). Chez les personnes n’ayant pas eu d’infection à mpox, la proportion ayant eu plus de 10 partenaires sur une période de 3 mois a diminué entre la période pré-épidémique et la période épidémique (jusqu’au et après le 8 mai 2022).
L’incidence de l’infection par le virus mpox était de 67,4 pour 1 000 personnes-mois entre le 9 mai et le 10 juillet. Elle est passée à 24,4 pour 1 000 personnes-mois entre le 11 juillet (date à partir de laquelle il était possible de se faire vacciner) et le 20 septembre. L’équipe de recherche a constaté que la seule vaccination contre le virus mpox en 2022 était associée à une réduction du risque de développer la maladie avec une efficacité de 99 %, l’impact du changement de comportement était limité dans cette population très vaccinée (87 %).
« Ce vaccin apporte un haut niveau de protection contre le virus mpox », précise le Pr Jade Ghosn (Université Paris Cité, service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Bichat-Claude-Bernard AP-HP), co-investigateur de l’étude DOXYVAC et à l’initiative de la mise en place du volet « mpox » dans l’étude.
AIDES, qui a développé de nombreux outils de réduction des risques lors de la crise mpox et est impliqué sur l’offre d’accompagnement communautaire dans ces études, s’est réjoui de ces résultats. Pour Camille Spire, présidente de l’association, « l’émergence de nouveaux outils efficaces qui viennent s’ajouter à la palette de prévention déjà existante est à saluer, d’autant que nous avons constaté lors de la crise mpox une forte adhésion des personnes exposées à la vaccination. Nous veillerons à ce que l’accessibilité effective de ces outils soit soutenue par les politiques publiques en matière de lutte contre les IST ».
Vincent Leclercq, directeur général de Coalition PLUS complète : « ces outils de prévention pour accéder à leur meilleur potentiel doivent atteindre toutes les populations à qui ils s’adressent. Or l’accès aux vaccins et aux médicaments est trop souvent restreint aux pays les plus riches. L’épidémie de mpox nous l’a montrée : seuls les pays du Nord ont pu mettre en place des campagnes de vaccination ».
Roche Molecular System et Roche Diagnostics France ont fourni – à titre gracieux – les kits, consommables et réactifs nécessaires à la détection de Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoeae et Mycoplasma genitamium.
Ces hommes font partie de la cohorte de prévention de l’infection par le VIH ANRS PREVENIR.
La prophylaxie post-exposition consiste à recourir à un traitement préventif chez des personnes récemment exposées à un risque de transmission d’une maladie pour éviter qu’elles ne la développent.
Le méningocoque B (Neisseria meningitidis) est une bactérie qui peut être à l’origine de méningites. Il est proche du gonocoque (Neisseria gonorrhoeae).
X pour 100 personnes-année : cela signifie que sur 100 patients suivis une année, il existe une probabilité d’observer X événements (ici une IST).
Jean-Michel Molina (1), Béatrice Bercot (2), Lambert Assoumou (3), Michèle Algarte-Genin (3), Emma Rubenstein (1), Gilles Pialoux (4), Christine Katlama (5), Laure Surgers (6), Cécile Bébéar (7), Nicolas Dupin (8), Jean-Paul Viard (9), Juliette Pavis (10), Claudine Duvivier (11), Jade Ghosn (12), Dominique Costagliola (3)
Jade Ghosn (12), Lambert Assoumou (3), Moussa Ouattara (3), Michèle Algarte-Genin (3), Emma Rubenstein (1), Gilles Pialoux (4), Christine Katlama (5), Laure Surgers (6), Claudine Duvivier (11), Juliette Pavis (10), Jean-Paul Viard (9), Séverine Gibowski (13), Manon Ollivier (13), Dominique Costagliola (3), Jean-Michel Molina (1)
1. Université Paris Cité, hôpital Saint-Louis (AP-HP), service des maladies infectieuses et tropicales, Paris
2. Université Paris Cité, IAME, unité fonctionnelle de bactériologie, CNR des IST bactériennes, hôpital Saint-Louis (AP-HP), Paris
3. Sorbonne université, Inserm, Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique, Paris
4. Sorbonne université, hôpital Tenon (AP-HP), service des maladies infectieuses et tropicales, Paris
5. Sorbonne université, hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), service des maladies infectieuses et tropicales, Paris
6. Sorbonne université, Inserm UMR S1136, Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique, hôpital Saint-Antoine (AP-HP), service des maladies infectieuses et tropicales, Paris
7. Université de Bordeaux, service de bactériologie, CNR des IST bactérienne, CHU de Bordeaux, Bordeaux
8. Université Paris Cité, hôpital Cochin-Port-Royal (AP-HP), service de dermatologie, Paris
9. Université Paris Cité, hôpital Hôtel-Dieu (AP-HP), service d’immunologie et de maladies infectieuses, Paris
10. Université Paris Cité, hôpital Hôtel-Dieu (AP-HP), service d’immunologie clinique, Paris
11. Université Paris Cité, hôpital Necker-Enfants-malades (AP-HP), service des maladies infectieuses et tropicales, Paris
12. Université Paris Cité, hôpital Bichat-Claude-Bernard (AP-HP), service des maladies infectieuses et tropicales, Paris
13. ANRS | Maladies infectieuses émergentes, Paris
ANRS | Maladies infectieuses émergentes : information@anrs.fr
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Sorbonne Université : claire.de_thoisy-mechin@sorbonne-universite.fr
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