La compréhension des mécanismes responsables de la latence du VIH-1 représente actuellement un enjeu majeur. Parmi ces mécanismes, la latence provirale ciblant la transcription contrôlée par le LTR5′ est considérée comme un état viral silencieux. Hors, il est maintenant démontré qu’en plus d’une transcription sens, le VIH-1 possède une transcription antisens. Différentes populations d’ARN antisens (non-épissés et épissés) ont été décrites in vitro, en particulier dans des lymphocytes T infectés de façon latente. Ceci modifie de façon profonde la vision de la latence provirale. En effet, le virus n’est pas « dormant » puisque des produits antisens sont détectés. En outre, des données de différentes équipes montrent que les transcrits antisens pourraient être directement acteurs de la latence en influençant l’activité du LTR5′ ou sa réactivation. Nous faisons l’hypothèse que les transcrits antisens pourraient jouer un rôle important dans la latence in vivo, en particulier chez les sujets infectés contrôlant la réplication virale.
Notablement, l’expression des transcrits antisens a été montrée chez des patients sous thérapie antivirale, mais pour le moment uniquement chez 5 sujets. Il parait donc nécessaire de lancer une étude à large échelle pour confirmer l’expression des transcrits antisens in vivo, en lien avec les différentes situations cliniques. Dans ce cadre, notre objectif global est de mettre en place les outils et méthodes nécessaires à l’étude de la transcription antisens du VIH-1 dans des lymphocytes T de patients. Nous nous appuierons sur nos travaux portant sur le HTLV-1, qui nous ont déjà conduits à développer un protocole de RTqPCR spécifique des ARN antisens. Nous allons travailler sur deux objectifs spécifiques:
1) Mise au point d’un protocole de RTqPCR applicable aux échantillons cliniques
Pour les différentes mises au point, nous allons travailler sur des ARN extraits de lymphocytes T CD4+ Jurkat non infectés ou infectés avec la souche pNL4.3.
Pour les transcrits épissés, nous utiliserons des amorces spécifiques de la jonction d’épissage, assurant une détection spécifique. Pour les transcrits non épissés, nous utiliserons le protocole « RT tag » mis en place pour le HTLV-1, basé sur une amorce de transcription inverse composée d’une séquence neutre (tag) fusionnée à une séquence complémentaire du brin antisens. La PCR est ensuite réalisée en utilisant la séquence tag et une séquence virale comme amorces.
L’application aux patients nécessite de prendre en compte la diversité virale. En nous basant sur les séquences du groupe M disponibles (HIV Sequence Compendium), nous rechercherons dans chaque région d’amplification la zone la plus conservée et introduirons des bases dégénérées pour permette la détection d’un maximum de variants. Nous testerons ensuite les meilleures conditions en termes de concentration de primers, température et durée d’amplification et de méthode de PCR et de normalisation (gènes de ménage, transcrits sens, charge provirale).
2) Caractérisation de l’expression des transcrits antisens dans des lymphocytes T CD4+
Nous quantifierons le niveau d’expression des lymphocytes T dans des Jurkat J1.1 (provirus complet) avant (latence) ou après (productive) réactivation par le TNF.
Nous étudierons également l’expression des différents transcrits dans des cellules Jurkat infectées par la souche pNL4.3 après blocage ou induction de la transcription sens. Nous répéterons ces expériences dans des lymphocytes T CD4+ primaires infectés in vitro soit par la souche pNL4.3 soit par un isolat primaire (91US054 clade B). Nous nous intéresserons aussi à l’étape de réactivation de provirus latents en nous basant sur l’article de Martins et al (PMID:30918072) ayant analysé la réactivation virale dans des lymphocytes T CD4+ primaires mémoires générés et infectés in vitro.
Ce premier travail nous fournira les conditions pour comparer l’expression des transcrits antisens dans différentes cohortes de patients infectés par le VIH-1. Ceci se fera en collaboration avec le groupe de Véronique Avettand-Fènoël, spécialiste du suivi des patients, qui a rejoint notre équipe en 2019.