La tuberculose (TB) demeure l’une des maladies infectieuses les plus meurtrières au monde, responsable de plus d’un million de décès chaque année. Malgré d’importants efforts de contrôle, l’émergence de souches multirésistantes (MDR-TB) et ultrarésistantes (XDR-TB) représente toujours une menace majeure pour la santé publique. L’agent pathogène responsable, Mycobacterium tuberculosis (Mtb), a développé des mécanismes sophistiqués lui permettant de persister dans l’hôte, d’échapper aux réponses immunitaires et de résister aux traitements antibiotiques.
L’éthionamide est une prodrogue nécessitant une activation enzymatique par la bactérie pour exercer son effet bactéricide. L’enzyme EthA, principalement responsable de cette activation, est étroitement régulée par le répresseur transcriptionnel EthR. Un aspect notable est que l’opéron mymA, impliqué dans le métabolisme lipidique et la réponse au stress, est également associé à l’activation de l’éthionamide. Des études récentes ont identifié le répresseur transcriptionnel VirS comme un régulateur clé de l’expression de mymA. L’Alpibectir, premier médicament approuvé ciblant un régulateur transcriptionnel bactérien, inhibe VirS, modulant ainsi la sensibilité bactérienne aux antibiotiques. Cependant, les mécanismes moléculaires régissant l’interaction de VirS avec l’ADN et son rôle plus large dans la physiologie bactérienne restent mal compris. Ce projet vise à élucider les mécanismes de régulation de VirS, à évaluer son impact sur l’adaptation et la survie de Mtb, et à approfondir notre compréhension du mode d’action de l’Alpibectir.
Nous émettons l’hypothèse que VirS fonctionne à la fois comme un répresseur et un activateur, à l’image d’AraC chez E. coli, et que cette dualité est modulée par phosphorylation et/ou liaison de ligands. Pour tester ces hypothèses, nous proposons : (1) de caractériser le mode de liaison à l’ADN et les états oligomériques de VirS, (2) d’étudier la modulation de son activité par phosphorylation et par interaction avec des effecteurs moléculaires, (3) de résoudre son organisation structurale, (4) d’identifier les signaux environnementaux influençant son activité, et (5) d’examiner l’effet bactériostatique induit par VirS observé chez Mtb.
Pour atteindre ces objectifs, nous adopterons une approche multidisciplinaire combinant des techniques biochimiques, biophysiques, structurales et génétiques. Les propriétés de liaison à l’ADN seront évaluées par électrophorèse de retard sur gel (EMSA), essais de stabilité thermique (TSA) et titrage calorimétrique isotherme (ITC). L’oligomérisation et les changements conformationnels de VirS seront étudiés par diffusion dynamique de la lumière (DLS) et diffusion des rayons X aux petits angles (SAXS). L’organisation structurale de VirS sera déterminée par cryo-microscopie électronique (cryo-EM), offrant une résolution détaillée de ses mécanismes de régulation. Parallèlement, des essais avec rapporteurs géniques et des analyses transcriptomiques permettront d’identifier les signaux environnementaux modulant l’expression de mymA. De plus, un criblage par CRISPR interférence sera utilisé pour identifier les partenaires génétiques impliqués dans l’effet bactériostatique médié par VirS.
Les résultats attendus incluent une compréhension détaillée du mode de régulation de l’opéron mymA par VirS, l’identification des principaux signaux environnementaux modulant son activité, ainsi que la découverte de nouvelles interactions régulatrices chez Mtb. Ces avancées permettront d’affiner notre compréhension du mécanisme d’action de l’Alpibectir dans la réponse au stress bactérien et pourraient révéler de nouvelles cibles moléculaires pour le développement de thérapies anti-tuberculeuses.