ANRS MONOD : Simplification thérapeutique précoce en Afrique de l'Ouest

Stratégie de simplification du traitement antirétroviral précoce du nourrisson en Afrique de l'Ouest

Publié le 21 juillet 2017

Traitement de l’infection par le VIH chez les enfants de moins de 3 ans en Afrique


En 2016, l’OMS recommande que tous les enfants de moins de 3 ans commencent un traitement antirétroviral à base d’inhibiteur de protéase avec du lopinavir/ritonavir (LPV/r)

Ce traitement à l’avantage de présenter une barrière génétique élevée permettant d’obtenir un succès virologique, malgré des oublis de prise qui sont fréquent lors de l’initiation du traitement antirétroviral. Cependant, le LPV/r présente un coût élevé. De plus, il n’est actuellement disponible que sous la forme d’un sirop peu pratique, au goût amer et qui doit être conservé au froid, rendant difficile sa mise en œuvre opérationnelle dans les pays à ressources limitées. Enfin, il pose des problèmes d’interactions thérapeutiques avec les traitements anti-tuberculeux.


Une stratégie de simplification thérapeutique


C’est à partir de ce constat que s’est mis en place l’essai MONOD ANRS 12206 coordonné par le Dr Valériane Leroy (Inserm U1027, Toulouse, et site ANRS PACCI Abidjan) et dont des résultats sont présentés à la 9e édition de l’International Workshop on HIV Pediatrics qui se tient à Paris du 21 au 22 juillet 2017. Cette étude est co-financée par European Developing Countries and Clinical trial Partnership (EDCTP), le Fonds National pour la Recherche du Luxembourg et l’ANRS en France.

L’objectif principal de cet essai clinique multicentrique international était d’évaluer la faisabilité, et l’efficacité d’une simplification thérapeutique après 12 mois de traitement antirétroviral précoce basé sur le LPV/r chez le nourrisson ayant initié une trithérapie antirétrovirale avant l’âge de 2 ans.

Equipe MONOD De gauche à droite : 1er plan : Pr Marguerite Timité-Konan

(co-investigatrice Abidjan, CHU Yopougon) et

Madeleine Amorissani Folquet (CHU Cocody) ; 2ème plan :

Dr Véronique Méa et Evelyne Dainguy.

 

 

 

 

 

Cette simplification thérapeutique est basée sur la substitution du LPV/r par un traitement à base d’efavirenz (EFV), une fois la suppression virologique obtenue avec le traitement initial (soit environ un an après l’initiation du traitement).

 

Molécule efavirenz L’efavirenz est un traitement plus facilement acceptable chez l’enfant, en une seule prise par jour. Il ne pose pas de questions d’interactions médicamenteuses avec les antituberculeux et est plus accessible dans les pays aux ressources limitées que le lopinavir. Cependant, il n’est pour l’heure pas recommandé pour les enfants de moins de 3 ans, cela, particulièrement à cause de la méconnaissance de sa pharmacocinétique chez l’enfant de moins de trois ans ou de moins de 10 kg.

 

 


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L’essai répond donc à la question suivante :

 » Est-il possible de simplifier le traitement antirétroviral à base de LPV chez des enfants en succès virologique après 12 à 15 mois d’un traitement à base d’EFV en une prise par jour ? « 

Cette substitution, si elle était acceptable, faisable et efficace permettrait de réduire le cout du traitement antirétroviral et d’épargner le Lopinavir qui pourrait ainsi être envisagé ensuite en cas d’échec virologique.


MONOD ANRS 12206


MONOD ANRS 12206 est un essai clinique multicentrique ouvert, de phase III, de non-infériorité, menée à Ouagadougou au Burkina Faso et Abidjan en Côte d’Ivoire.


Entre mai 2011 et janvier 2013, des nourrissons de moins de 2 ans avec un diagnostic confirmé d’infection par le VIH ont initié un traitement antirétroviral à base de LPV/r. Après 12 mois, 106 d’entre eux ont été randomisés en deux groupes (âge médian de 27 mois) :

  • le premier qui a continué le traitement à base de LPV/r pris 2x/jour (bras LPV)
  • l’autre qui a initié un traitement basé sur efavirenz pris 1x/jour (bras EFV) à la place du LPV/r.

Douze mois après la randomisation, une suppression virale (charge virale < 500 copies/mL) a été observée chez 85.2% des enfants du bras LPV et 82.7% du bras EFV, soit une différence de -2.5% (95% CI: -16.5; 11.5) ne permettant pas de conclure à une non infériorité. Cependant, le taux d’échec virologique était de 13% pour le bras LPV et 13.5% pour le bras EFV permettant de conclure à la non-infériorité de l’EFV par rapport au LPV.

L’EFV a été bien toléré et il n’y a pas eu de différence significative concernant la survenue d’évènements indésirables. Cependant les chercheurs ont pu observer l’apparition de mutation de résistance dans les deux bras de l’étude, ce qui doit inciter à assurer un suivi virologique régulier des enfants ayant changé de traitement.


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  • Ces résultats ne permettent pas de conclure de la non-infériorité du traitement EFV sur la suppression virale en raison du faible pouvoir statistique de l’étude. Cependant, on peut conclure de la non-infériorité en se basant sur un critère d’échec virologique.
  • L’analyse des mutations a révélé l’apparition de certaines résistances. Cette simplification thérapeutique pourrait donc être effectuée sous condition d’un suivi virologique strict et d’une remise sous LPV/r des enfants en situation d’échappement virologique.


Simplification du traitement de première ligne chez les enfants en Afrique


Il y n’y a eu que deux études se concentrant sur la simplification thérapeutique de première ligne chez les enfants de moins de 2 ans en Afrique. L’essai MONOD et l’essai NEVEREST. Ce dernier a été mené en Afrique du Sud et a évalué également le passage à une thérapie EFV chez des enfants en suppression virale après un traitement de base LPV/r alors qu’ils avaient quatre ans en médiane lors du changement, et avaient été en suppression virologique plus longtemps avant le changement.

Essai NEVEREST : Coovadia A, Abrams EJ, Strehlau R, Shiau S, Pinillos F, Martens L, et al. Efavirenz-Based Antiretroviral Therapy Among Nevirapine-Exposed HIV-Infected Children in South Africa: A Randomized Clinical Trial. Jama. 2015;314(17):1808-17

Ces deux études ont permis de faire évoluer les recommandations de l’OMS en 2016.