où en est la recherche sur la prévention du VIH chez les HSH en France

Publié le 28 juin 2018

 

 

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A un mois de l’ouverture de la 22ème conférence internationale AIDS 2018 (22-27 juillet, Amsterdam)

Où en est la recherche sur la prévention du VIH chez les homosexuels masculins en France en France ?


Trente ans de recherches en sciences sociales sur les homosexuels et la prévention du VIH/sida en France


À l’heure de la Prophylaxie pré-exposition (PrEP) et la médicalisation croissante de la gestion des risques, quel est l’apport des recherches françaises en sciences sociales sur la prévention du VIH chez les homosexuels masculins ? Les travaux financés en France se distinguent-t-ils des recherches menées à l’étranger ? Tel est le double point de départ des travaux de Gabriel Girard et Véronique Doré, auteurs d’un article publié dans la revue Archives of Sexual Behavior.

Ces travaux s’appuient sur une vaste recension des publications (livres, articles, chapitres, rapports) issues des recherches financées par l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) de 1988 à 2016. La spécificité française des recherches dans le domaine tient moins aux thématiques abordées – les questions liées à la prévention du VIH/sida chez les gays ont été très tôt internationalisées – qu’au contexte scientifique et politique dans lequel se déroulent ces recherches. Au fil de l’article, les deux co-auteurs tracent les contours des différentes séquences historiques qui jalonnent cette histoire collective.

Pour les auteurs, la période 1985-1991 est marquée par les travaux pionniers menés par Michael Pollak et Marie-Ange Schiltz. Avant même la création de l’ANRS, leurs « Enquêtes presse gay » fournissent des données quantitatives précieuses. L’analyse des comportements à risque (plutôt que des « groupes à risque ») et du recours au préservatif marque durablement la manière d’envisager la prévention du VIH. Après 1988, les appels d’offre de l’Agence vont permettre de financer des travaux explorant plus avant différentes thématiques.

La période 1991-2000 voit l’émergence d’une multitude de travaux centrés sur les cultures de la sexualité : « La mesure des comportements sexuels ne suffit plus à comprendre les logiques de prévention, d’autant qu’on a constaté sur le terrain une stagnation, voire un recul de l’utilisation du préservatif. Des recherches qualitatives sont alors nécessaires pour mieux cerner les pratiques et les représentations, mais aussi pour saisir les enjeux de la vie avec le VIH. », estiment les auteurs.

La période 2000-2007 est caractérisée par des préoccupations croissantes autour du retour de comportements à risque. Dans la foulée de l’introduction des trithérapies (en 1996), le recul de l’utilisation du préservatif parmi les gays est manifeste. De nombreux travaux s’intéressent alors au phénomène de « barebacking » (la revendication de pratiques sexuelles sans préservatif), mais aussi plus largement aux nouveaux aménagements préventifs qui combinent l’utilisation du préservatif et des stratégies de réduction du risque. Dans un contexte controversé, les recherches financées par l’ANRS cherchent à documenter ce nouveau rapport au risque.

La dernière période, depuis 2007, est marquée par l’émergence et le succès des approches biomédicales de prévention, alternatives ou complémentaires au préservatif. Les recherches sur le dépistage rapide, mais aussi sur le « traitement comme prévention » transforment le paysage de la prévention du VIH. Au cœur de ces travaux, de nouvelles alliances se créent entre chercheurs, acteurs associatifs et de santé publique. L’essai ANRS IPERGAY sur la PrEP en est un symbole.

Au terme de l’article, il apparait que les recherches françaises sur la prévention du VIH ont permis de développer un vaste champ de recherche sur les sexualités minoritaires et les mobilisations sociales liées au sida. Au cours des dernières années, la prédominance des approches biomédicales de prévention questionne cependant l’utilité des sciences sociales dans ce domaine.

Or, « les stratégies biomédicales comme la PrEP ou l’indétectabilité de la charge virale soulèvent indissociablement des questions sociales et politiques, estiment les auteurs. De l’observance des traitements, à la question des conditions d’accès à la prévention, en passant par la transformation des normes du safer sex dans la communauté gaie, le regard des sciences sociales demeure incontournable ». concluent-ils.

 


La recherche sur la prévention du VIH chez les HSH en France aujourd’hui


Enjeux, perspectives et contexte international

 

Parmi les cinq priorités de recherche de l’ANRS (France Recherche Nord & Sud Sida-hiv Hépatites) fixées pour 2018-2020 par François Dabis, Directeur de l’ANRS, figure l’optimisation du contrôle les épidémies de VIH, VHB et VHC .

Dans cette optique, l’ANRS soutient des actions de recherche en prévention biomédicale (VIH, VHB), en matière de dépistage et de suivi (VIH, VHB, VHC, IST) et des études observationnelles permettant de mesurer et qualifier les caractéristiques des épidémies et leur évolution, les impacts positifs et négatifs (ex : résistance VIH, VHC) (1).

Les cinq principes directeurs suivants guident l’ensemble de la stratégie de recherche de l’Agence :

– Le rapprochement entre objectifs français et Internationaux

– La multidisciplinarité et la transversalité

– La mobilisation communautaire

– Le co-financement

– La simplification et la lisibilité des dispositifs de recherche

 

Quelques exemples de projets soutenus par l’ANRS sur la prévention (Nord & sud)

 

Prévention du VIH en Ile de France (Enquête ANRS PREVENIR)

Le projet a pour objectif principal d’évaluer pendant 3 ans une stratégie globale de prevention de l’infection par le VIH, des personnes séronégatives à haut risque d’infection par le VIH en Ile de France. Cette stratégie comprend un renforcement du dépistage, une offre d’accompagnement, un traitement précoce des infections VIH et un traitement Pré-exposition (PrEP). Lancée en mai 2017, cette étude est placée sous la responsabilité conjointe du Pr Jean- Michel Molina (Hôpital Saint-Louis, AP-HP), du Dr Jade Ghosn (Hôpital Hotel-Dieu, AP-HP), et de Mme Daniela Rojas-Castro (Association AIDES). ANRS PREVENIR prévoit l’inclusion de 3 000 volontaires.

Evaluation des expériences et perspectives des personnes co-infectées par le VIH-VHC (HSH et UDI), après la guérison, par antiviraux à action directe, en France. L’objectif de cette étude, actuellement en cours est d’évaluer le vécu et les perceptions des usagers de drogues par injection et des HSH, co-infectés par le VIH et le VHC concernant les nouveaux traitements pour l’hépatite C en France. Cette étude est coordonnée par Patricia Carrieri (Inserm).

Evaluation de l’efficacité, du coût et du coût-efficacité du dépistage et du traitement précoce de l’hépatite C chez les HSH infectés par le VIH en France.

Cette étude lancée en 2018 et coordonné par Sylvie Deuffic Burban (Inserm). Elle vise à évaluer l’impact d’un dépistage et d’un traitement précoce de l’hépatite C chez les HSH infectés par le VIH en France. L’impact des interventions est évalué en termes d’efficacité, de coût et de coût-efficacité. Cette étude se basant sur une modélisation économique se déroulera sur 2 ans.

#AIDS Analyse Information Dangers Sexualité : détecter les conduites à risque d’exposition au VIH dans les médias sociaux.

Ce projet mené en 2017 a réuni des chercheurs en sciences de l’information et de la communication et en informatique, ainsi que des acteurs de la santé et de la prévention (Corevih Languedoc-Roussillon et Sida Info Service Montpellier) Il visait à analyser les contenus échangés sur les médias sociaux (forums de discussions, réseaux sociaux numériques, plateformes de microblogging) consacrés au VIH de manière à identifier les discours relatifs aux questions de sexualité, de consommation de produits illicites et d’addictions, et à faire émerger les comportements à risque ainsi que les facteurs liés à la prise de risque. A terme, ce projet coordonné par Céline Paganelli (Université Paul-Valéry, Montpellier) vise à proposer une plateforme pour la mise à disposition des résultats de ces analyses auprès des professionnels prenant en charge des personnes vivant avec le VIH ou ayant une mission de prévention.

Etude ANRS V3T (VIH Teste-Toi Toi-même) : L’impact de l’autotest de dépistage du VIH sur les pratiques de dépistage de deux populations à haute prévalence de l’infection au VIH, les HSH et les personnes originaires d’Afrique sub-saharienne. L’étude avait pour objectif d’évaluer l’impact de l’autotest sur le recours au dépistage chez les populations dans lesquelles l’incidence est la plus élevée (HSH, migrants, usagers de drogues, travailleuses du sexe). Elle s’est basée sur la mise à disposition d’autotests suivie d’un entretien permettant à ces personnes de décrire leur vécu et l’impact de l’autotest dans leur vie personnelle, leur rapport à la santé et à l’accès aux soins. L’étude ANRS V3T a été coordonnée par Tim Greacen (Etablissement public de santé, Maison Blanche, Paris). Des résultats de cette étude seront présentés lors de la conférence AIDS 2018 (document à télécharger en bas de l’écran).

Cohorte ANRS CohMSM conduite depuis juin 2015, co-financée par l’ANRS et Expertise France. Elle se déroule dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest (le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali et le Togo) auprès de la population des HSH. Coordonnée par le Dr Christian Laurent (IRD) et par le Dr Bintou Dembélé Keita (ARCAD-SIDA, Mali), elle inclut des HSH séronégatifs ou venant de découvrir leur séropositivité pour le VIH afin d’évaluer la faisabilité et l’intérêt d’une prise en charge globale à visée préventive et de contribuer à réduire l’incidence du VIH dans cette population clé. En 2016, les premiers résultats de l’étude ont été présentés lors de la conférence de l’IAS de Durban. Ils suggéraient que les HSH d’Afrique de l’Ouest se révélaient éligibles à la PrEP en accord avec les critères de l’OMS

Remind (2)  : une intervention pour promouvoir le dépistage répété du VIH et des IST chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes en France.

L’étude Remind, démarrée en 2018, a pour but d’évaluer l’efficacité d’un programme d’incitation au dépistage trimestriel du VIH chez des HSH multipartenaires. Cette promotion se fera via une solution personnalisée, adaptable dans le temps et s’appuyant sur l’ensemble de l’offre de dépistage existant en France (auto-prélèvement, autotest, TROD, consultation en CeGIDD…). Cette étude qui doit s’étendre sur 2 ans devrait inclure 6 500 volontaires. Elle est coordonnée par Nathalie Lydie (Santé publique France).

Prevagay 2015(3) : Enquête de séroprévalence VIH et hépatites B et C auprès des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes fréquentant des lieux de convivialité gay. L’enquête a porté sur 3000 HSH fréquentant des lieux de convivialité gay dans plusieurs villes de France. Cette étude coordonnée par Annie Velter (Santé publique France) fait suite à une première étude du même nom menée en 2009, exclusivement dans des établissements parisiens.

 

1) Les autres priorités de l’ANRS sont : Prévenir la transmission du VIH par un vaccin/ Lutter contre le VHB : du traitement à la guérison/ Optimiser la vie avec le VIH/ La maladie à VHC à l’ère de la guérison thérapeutique.

2, 3)  Les études Remind et Prévagay sont des études Santé Publique France co financées par l’ANRS


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