Dernière mise à jour le 27 février 2023
Pour la première fois depuis l’apparition du virus Ebola, des survivants ont été suivis pendant 48 mois au sein d’une cohorte, appelée « PostEboGui ». Dans une étude menée par des chercheurs de l’IRD, de l’Inserm, de l’université de Montpellier, du Cerfig et de l’université de Conakry, coordonnée par Eric Delaporte et Abdoulaye Touré, l’équipe de recherche a pu confirmer que, même si les symptômes diminuent significativement dans le temps, de nombreux patients présentent encore des séquelles quatre ans après avoir été déclarés guéris. Ceci démontre qu’après la phase aiguë, la maladie à virus Ebola peut présenter une phase chronique longue, soulignant l’importance d’un suivi régulier et prolongé des survivants. L’analyse met également en lumière une corrélation entre l’âge, les types de symptômes développés pendant la phase aiguë de la maladie et les séquelles à long terme.
Ces travaux ont été publiés dans la revue Clinical Infectious Diseases le 23 février 2021. La cohorte PostEboGui a été financée par la Task Force Ebola France, l’Inserm, REACTing (devenu ANRS | Maladies infectieuses émergentes au 1er janvier 2021) et l’IRD.
Peu après le début de l’épidémie d’Ebola en 2014, l’Inserm a organisé, en partenariat avec l’IRD et le département des maladies infectieuses du CHU de Donka à Conakry, en Guinée, un suivi médical des personnes ayant survécu à l’infection par le virus. La mise en place de cette cohorte nommée « PostEboGui » a permis de suivre un total de 802 survivants d’Ebola. Les résultats de précédents travaux avaient mis en évidence l’existence d’un « syndrome post-Ebola » et l’importance des séquelles de ce virus sur le moyen terme chez 3 survivants sur 4, ainsi que la persistance possible du virus sur le long terme dans le sperme.
Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont analysé l’évolution de ces séquelles jusqu’à quatre ans après la sortie des patients du Centre de Traitement Ebola (CTE). Ils ont pour cela suivi 722 personnes (enfants et adultes) de la cohorte PostEboGui pendant une durée médiane de 35,7 mois. L’âge médian des patients était de 28,7 ans et 44 % étaient des hommes.
Les résultats révèlent que parmi ces patients, différents symptômes étaient présents chez près d’une personne sur 3, quatre ans après avoir été déclarés guéris (c’est-à-dire que le virus n’était plus détecté dans leur sang) :
– 27,68 % présentaient des symptômes neurologiques (maux de tête, vertiges…),
– 25,35 % présentaient des symptômes généraux (fièvre, fatigue, anorexie),
– 17,08 % présentaient des symptômes abdominaux (douleurs ou gastrites),
– 16,82 % présentaient des symptômes musculo-squelettiques (douleurs au cou, au dos, aux articulations…),
– 6,07 % présentaient des symptômes oculaires (conjonctivites, cataracte…).
En comparaison, deux ans après la sortie du CTE, ces pourcentages s’élevaient respectivement à 46,30 %, 50,70 %, 26,77 %, 35,34 % et 9,17 %. « La prévalence des symptômes diminuent au fil des années, mais reste étonnamment élevée, traduisant l’existence de formes que l’on pourrait appeler “Ebola long”, voire “très long”, par analogie avec la dénomination utilisée pour la Covid-19 », précise Éric Delaporte.
L’étude de l’incidence des séquelles montre des différences en fonction du sexe ou de l’âge : les enfants sont moins susceptibles que les adultes de déclarer la survenue de problèmes musculo-squelettiques, mais risquent davantage d’avoir des séquelles abdominales. Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de signaler l’apparition de symptômes abdominaux et de troubles neurologiques.
« Nous nous sommes aussi intéressés à la durée des épisodes symptomatiques des survivants pendant le suivi, indique Abdoulaye Touré, directeur du Cerfig (lire ci-dessous). Si certains survivants rapportent des épisodes brefs mais récurrents, d’autres décrivent des symptômes qui durent longtemps. » La durée médiane des symptômes ressentis entre 2 et 4 ans après la guérison s’étend de 121 jours pour les séquelles abdominales à 204 jours pour celles neurologiques.
L’équipe de recherche a également mis en évidence une corrélation entre certains symptômes apparus pendant la phase aiguë de la maladie, l’âge et des séquelles à long terme : par exemple, l’âge et les symptômes hémorragiques, neurologiques et généraux ressentis pendant l’infection sont associés de façon significative à l’apparition ultérieure de séquelles oculaires, tandis que les symptômes hémorragiques et abdominaux s’associent à des séquelles musculo-squelettiques.
En améliorant les connaissances sur les conséquences au long cours de l’infection par le virus Ebola, cette étude apporte de nouvelles informations sur la maladie et contribue à l’optimisation de la prise en charge des patients en prenant en compte leurs antécédents et les risques associés à l’apparition de séquelles. « Les séquelles à long terme peuvent avoir un impact négatif majeur sur la santé, la qualité de vie des survivants et leur aptitude au travail. Nos résultats montrent qu’il est important de continuer à suivre les survivants sur le long terme non seulement pour améliorer leur prise en charge mais aussi pour prévenir d’éventuelles résurgences de virus comme l’illustre actuellement le redémarrage de l’épidémie à partir d’un survivant en République Démocratique du Congo », conclut Eric Delaporte.
Le suivi de la cohorte PostEboGui est réalisé au sein du Cerfig (Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée), structure intégrée de recherche et de prise en charge médicale dans le domaine des maladies infectieuses située à Conakry. Ce centre a été financé par la Task Force Ebola France, l’IRD, l’Université de Montpellier et l’Inserm / REACTing (devenu depuis le 1er janvier 2021 ANRS | Maladies infectieuses émergentes), dans une démarche de renforcement des capacités nationales et de préparation au risque d’une nouvelle épidémie. Inauguré en 2019, le Cerfig est aujourd’hui pleinement opérationnel. La réapparition récente du virus Ebola en Guinée a pu être confirmée rapidement par l’équipe du laboratoire du Dr Alpha Keita, avant d’être déclarée par l’OMS comme une nouvelle épidémie le 14 février 2021.
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Pour en savoir plus
Référence : Understanding the long-term evolution and predictors of sequelae of Ebola virus disease survivors in Guinea: A 48-month prospective, longitudinal cohort study (PostEboGui), Clinical Infectious Diseases, 23 février 2021
https://doi.org/10.1093/cid/ciab168
Mamadou Saliou Kalifa Diallo (1,2), Abdoulaye Toure (2,3), Mamadou Saliou Sow (4), Cécé Kpamou (2), Alpha Kabinet Keita (1,2), Bernard Taverne (1), Martine Peeters (1), Philippe Msellati (1), Thierno Alimou Barry (2), Jean-Francois Etard (1), René Ecochard (5,6,7,8), Eric Delaporte (1) for the PostEboGui Study Group
1 IRD / INSERM / Université de Montpellier, France
2 Centre de Recherche et de Formation en Infectiologie de Guinée, Université Gamal Abdel Nasser de Conakry, Conakry, Guinée
3 Institut National de Santé Publique, Conakry, Guinée
4 Donka National Hospital, Conakry, Guinée
5 Hospices Civils de Lyon, Service de Biostatistique, France
6 CNRS UMR 5558 Laboratoire de Biométrie et Biologie Évolutive, Équipe Biostatistique-Santé, Villeurbanne, France
7 Université de Lyon, France
8 Université Lyon 1, Villeurbanne, France
Contacts chercheurs :
Eric Delaporte
eric.delaporte@umontpellier.fr
Abdoulaye Touré
abdoulaye.toure@insp-guinee.org
Contacts presse :
ANRS | Maladies Infectieuses Emergentes
Département communication et information scientifique – information@anrs.fr
Inserm
Service presse – presse@inserm.fr
IRD
Cristelle Duos, service de presse IRD – cristelle.duos@ird.fr
Université de Montpellier
Service communication – communication@umontpellier.fr