En 2021, la tuberculose demeure la principale cause de décès, d’origine bactérienne, à l’échelle mondiale. La difficulté à éradiquer la maladie est liée à trois facteurs principaux : la faible efficacité du vaccin BCG, la co-infection avec le virus de l’immunodéficience humaine et l’apparition croissante de souches multi-résistantes aux antibiotiques. En outre, la pandémie de Covid-19 a fortement aggravé la situation en déstabilisant les efforts de lutte contre la tuberculose. Par conséquent, le développement de thérapies innovantes, notamment celles dirigées par l’hôte, reste une priorité majeure. Avant tout, de telles avancées exigent une meilleure compréhension des interactions moléculaires entre l’agent étiologique, Mycobacterium tuberculosis (Mtb), et son hôte.
Mtb est un pathogène intracellulaire qui se multiplie dans l’environnement hostile des macrophages. Au départ, présent dans une vacuole appelée phagosome, Mtb peut ensuite accéder au cytosol du macrophage après avoir endommagé la membrane phagosomale. L’entrée de Mtb, ou ses facteurs, dans le cytosol entraîne la modulation de plusieurs réponses immunitaires innées, notamment la production de cytokines, l’autophagie et la mort cellulaire. A ce jour, les facteurs connus sont essentiellement des protéines et des acides nucléiques qui interagissent avec des protéines cytosoliques afin de moduler les fonctions du macrophage. Etonnamment, le rôle des lipides de Mtb dans ce processus a été largement inexploré. Pourtant, Mtb produit de nombreux lipides, de structure diverses, ayant d’importantes propriétés immunomodulatrices. Pour ce faire, ils interagissent avec des protéines présentes à la surface ou dans la voie endocytique des cellules de l’hôte. Ainsi, nous émettons l’hypothèse que les lipides de Mtb pourraient aussi se lier à des protéines cytosoliques afin de déclencher ou de détourner les réponses du macrophage.
L’objectif de ce projet « Contrat d’Initiation » est d’identifier les protéines cytosoliques des macrophages qui interagissent avec deux glycolipides majeurs, présents à la surface de Mtb, le tréhalose dimycolate (TDM) et le lipoarabinomannane mannosylé (ManLAM). Les objectifs spécifiques sont les suivants :
- Identifier les protéines cytosoliques qui se lient, in vitro, au TDM et au ManLAM purifiés (Mois 1-2). Dans un premier temps, nous réaliserons des expériences de « pull-down » avec des billes recouvertes de ces lipides et un extrait cytosolique de macrophage. Les protéines associées aux billes seront identifiées grâce à une analyse protéomique. Un maximum de six protéines avec un domaine liant les lipides ou les sucres seront sélectionnées pour les objectifs 2 et 3.
- Valider la liaison directe avec des protéines recombinantes (Mois 2-5). Dans un second temps, nous mesurerons la liaison de la protéine recombinante, étiquetée, avec le lipide purifié en utilisant un essai de type ELISA, et ensuite la liaison avec Mtb par Westernblot.
- Evaluer le recrutement des protéines candidates dans les macrophages (Mois 5-12). Enfin, nous quantifierons la colocalisation de la protéine d’intérêt avec les phagosomes endommagés contenant soit une bille recouverte du lipide de Mtb, soit la bactérie entière, dans les macrophages, par microscopie de fluorescence confocale.
Dans son ensemble, le projet CyTuLip permettra de faire la preuve de concept que les lipides immunomodulateurs de Mtb peuvent aussi interagir avec des protéines cytosoliques, in vitro et dans les macrophages. Ces résultats seront le point de départ d’un projet de recherche beaucoup plus vaste dédié à l’étude de ces nouvelles interactions, à la fois leurs bases moléculaires et leurs rôles dans l’infection à Mtb. In fine, ces travaux pourraient aboutir à la découverte de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles pour la lutte contre la tuberculose.