Contexte : Le virus de l’hépatite B-Delta (VHD) constitue la forme la moins fréquente bien que la plus grave d’hépatite virale chronique, car elle est généralement associée à une progression plus rapide de la maladie vers la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire et à un taux de mortalité accru par rapport à la mono-infection par le virus de l’hépatite B (VHB). En Europe, les personnes atteintes par le VHD sont majoritairement des migrants en provenance des zones du monde dans lesquelles l’hépatite B est endémique. Il s’agit souvent d’une population qui cumule de nombreuses vulnérabilités sociales et de santé qui impactent l’observance et l’engagement dans les soins.
Objectifs : Le projet de recherche en sciences sociales « BuleDelta Quali» vise à analyser les perceptions, les besoins et les obstacles vécus par les personnes ayant une infection chronique au VHD et étant sous traitement. Cette étude est nichée dans la cohorte ANRS HD EP01 BuleDelta, et inclut les participants – dont 94 % sont des personnes migrantes – suivant un traitement au Myrcludex (Bulevirtide) associé au Tenofovir.
La recherche s’intéresse d’abord à évaluer de façon qualitative les connaissances et la prise de conscience de la sévérité de l’hépatite B-Delta, la relation médecin-patient et les barrières à l’engagement dans les soins et à l’observance parmi les personnes immigrées incluses dans la cohorte BuleDelta, répondantes ou non aux traitements.
Elle analyse, ensuite, les facteurs de stigmatisation et l’expérience pré- et post-migration qui influencent les priorités de cette population et les perceptions associées à la maladie et à la séropositivité au VHD.
L’étude vise enfin à identifier les interventions capables d’améliorer, d’une part, les connaissances sur la pathologie des personnes immigrées infectées et de renforcer leur observance aux traitements, et d’autre part, les possibles modalités de délivrance des traitements et leur acceptabilité, afin d’améliorer leur prise en charge. Elle explore également les opportunités d’empowerment pouvant faciliter les parcours de soins.
Méthodes : La recherche adopte une méthodologie qualitative et est conduite au niveau national dans les trente-deux centres inclus dans la cohorte BuleDelta. Elle interroge à travers 30 entretiens semi-directifs – dont 10 auprès de participants en échec de traitement – les besoins et les attentes de cette population en termes de soins globaux d’une part et, d’autre part, de difficultés que ces patients doivent affronter pour réaliser leur projet thérapeutique. Grâce à la mobilisation d’interprètes multilingues, le projet inclut la parole et l’expérience des personnes migrantes en tenant compte de leurs difficultés d’expression en français.
De plus, la recherche propose une analyse mixte des données issues des entretiens qualitatifs avec les données issues des auto-questionnaires quantitatifs sur les aspects psychosociaux de ces personnes (données recueillies dans le cadre de la cohorte).
Elle inclut par ailleurs la participation de l’association SOS hépatites qui fait déjà partie des comités de suivis de la cohorte BuleDelta afin d’avoir son avis et implication sur la conception, la réalisation et la restitution de l’enquête.
Résultats attendus : Cette recherche vise à combler le manque de données sur les obstacles et les difficultés structurelles à la prise en charge des personnes migrantes infectées par le VHD (problèmes d’accès aux droits, barrières linguistiques, précarité de logement, dépenses non prévues, détresse sociale, vulnérabilités multiples, formes de stigmatisation « stratifiée »), en abordant également ces dimensions dans une perspective de genre. L’analyse qualitative à partir des perceptions et des expériences directes s’avère nécessaire pour compléter les études cliniques, afin de préparer les professionnels et prévoir des outils de soutien pour mieux atteindre et inclure cette population dans les parcours de traitement et de prise en charge.