Le traitement antirétroviral (ARV) permet de normaliser l’espérance de vie des personnes vivant avec le VIH, mais ce traitement n’est pas curatif en raison de la persistance d’un pool de cellules infectées de manière latente et nécessite une prise à vie. Une toxicité à long terme des ARV, les problèmes d’observance, de résistance, de coût et d’accès ainsi que la stigmatisation sont autant d’arguments en faveur de la recherche d’un traitement curatif. Les stratégies curatives testées jusqu’alors chez des personnes sous ARV depuis plusieurs années n’ont montré aucun succès. A l’inverse, une étude récente a montré qu’un traitement à visée curative administré à l’initiation des ARV, c’est-à-dire lors de l’infection productive, pouvait induire un contrôle virologique à l’arrêt du traitement. Bien que la demi-vie des cellules productivement infectées soit courte, de l’ordre de deux jours, elles sont le support de la réplication virale et responsables de la dissémination du virus à l’échelle de l’organisme. Cependant, ces cellules productivement infectées sont incomplètement caractérisées.
Notamment, leur spécificité antigénique est peu connue alors qu’elle pourrait jouer un rôle central dans la physiopathologie de l’infection à VIH à la fois lors de l’établissement initial et de la persistance sous ARV. D’anciennes études ont montré de manière indirecte l’infection préférentielle, sans différencier l’infection latente de l’infection productive, de cellules d’une spécificité antigénique donnée. Globalement, les cellules spécifiques du VIH et de M. tuberculosis seraient préférentiellement infectées, alors que d’autres sembleraient épargnées (CMV). Cette infection préférentielle pourrait être expliquée par le profil fonctionnel et phénotypique de ces cellules. En effet, l’expression variable de certains facteurs ayant trait à l’entrée du VIH, la restriction et l’immunosénescence selon la spécificité antigénique expliqueraient une infection préférentielle ou une résistance à l’infection. Cependant, (1) les spécificités antigéniques des cellules productivement infectées restent peu documentées, (2) ces spécificités ont été indirectement caractérisées, et (3) les facteurs liés à une infection préférentielle ne sont pas clairement définis.
Objectifs: Le but est de déterminer la spécificité antigénique des cellules productivement infectées et d’identifier les facteurs favorisant/défavorisant l’infection de cellules spécifiques de certains antigènes.
Hypothèses: Les cellules productivement infectées par le VIH sont spécifiques du VIH lui-même, et cette infection préférentielle est liée à l’expression de facteurs favorisant l’infection.
Méthodologie: D’abord, afin d’identifier la spécificité antigénique des cellules productivement infectées, nous avons récemment développé une approche combinant AIM assay (expression de marqueurs d’activation) et HIV-Flow (expression de la protéine de capside p24) par cytométrie en flux. Cette technique sera appliquée à des échantillons de cellules mononucléées du sang périphérique (PBMC) de personnes non traitées. Les spécificités antigéniques testées vont inclure : CMV, VIH, grippe, M. tuberculosis et SARS-CoV-2. Ensuite, le phénotype des cellules spécifiques d’un antigène donné enrichies en infection productive ainsi que celui des cellules productivement infectées sera analysé pour l’expression de facteurs jouant un rôle dans l’entrée du virus (IL-2, CD25, CCR5 et MIP-1β), la restriction (SAMHD1, APOBEC3G et BST-2) et l’immunosénescence (PD-1, PD-L1 et TIGIT).
Éthique: Ce projet requiert le recueil de PBMC de personnes vivant avec le VIH (étude APRIL, autorisation CPP Est I 2022-A02567-36 le 15/1/2023).
Résultats attendus: Ce contrat d’initiation a pour but de montrer la faisabilité de l’approche et son intérêt dans la détermination de la spécificité antigénique de cellules infectées, avant la réalisation d’une étude plus large focalisée cette fois-ci sur les cellules infectées de manière latente chez des personnes sous ARV. En fonction du(des) pathogène(s) identifié(s) et des facteurs associés, des stratégies thérapeutiques pourraient être envisagées pour cibler ces cellules dans un but curatif.