Le VIH-1 doit spécifiquement sélectionner et encapsider son ARN génomique (ARNg) parmi un vaste excès d’ARN cellulaires et d’ARN viraux épissés. Peu de choses sont actuellement connues sur la manière dont le VIH-1 reconnaît son ARNg, cependant l’encapsidation de l’ARNg est une étape clé dans la production de virus infectieux. Ainsi, élucider les mécanismes moléculaires gouvernant l’encapsidation de l’ARNg pourrait permettre le développement de stratégies antivirales novatrices et l’amélioration des vecteurs rétroviraux potentiellement utiles dans le traitement du VIH-1 et d’autres maladies humaines.
Il est généralement admis que la sélection de l’ARNg est assurée par des interactions spécifiques entre le précurseur viral Pr55Gag (Gag) et une région de l’ARNg appelée Psi. Malgré des progrès récents auxquels notre équipe a contribué, les facteurs permettant la reconnaissance spécifique de Psi par Pr55Gag restent encore méconnus. D’une part, la nature exacte de Psi a été l’objet de débats intenses et la région de l’ARNg requise pour la fixation spécifique de Pr55Gag n’a été déterminée que récemment à résolution nucléotidique. D’autre part, tandis qu’il est connu depuis longtemps que le domaine de nucléocapside (NC) du précurseur lie l’ARN et est un déterminant essentiel de l’efficacité et de la spécificité de l’encapsidation de l’ARNg, nous avons récemment montré que le domaine C-terminal p6 est également un facteur clé de la spécificité de fixation de Pr55Gag à l’ARNg. De plus, nous avons démontré que Pr55Gag est capable de discriminer entre l’ARNg et les ARN cellulaires ou les ARN viraux épissés de manière directe, lors de l’étape initiale de fixation, cependant les mécanismes moléculaires gouvernant ce processus restent encore mal compris, principalement à cause de l’absence de structure tridimensionnelle du complexe Pr55Gag/ARN Psi. De plus, l’assemblage de la particule virale à la membrane plasmique (MP) serait régulé par des interactions Pr55Gag-ARNg non-spécifiques. Il reste cependant aussi à clarifier si d’autres facteurs, telles que des protéines cellulaires liant l’ARNg et/ou Pr55Gag parviendraient à moduler la spécificité des interactions Pr55Gag-ARNg de manière à réguler l’encapsidation de l’ARNg.
Le but de ce projet est de disséquer les mécanismes moléculaires orchestrés par le précurseur Pr55Gag qui mènent à la reconnaissance spécifique de l’ARNg du VIH-1 et son encapsidation dans les particules virales par une combinaison d’approches structurales et fonctionnelles. Nos objectifs spécifiques sont :
Objectif 1 : Quelle est la structure tridimensionnelle du complexe Pr55Gag/ARN Psi ?
Objectif 2 : Est-ce que les ligands viraux ou cellulaires du domaine p6 de Pr55Gag régulent la spécificité de fixation du précurseur aux ARN ?
Objectif 3 : L’ARNg ou des protéines cellulaires promeuvent-elles l’assemblage des particules virales ?
Pour atteindre l’Objectif 1, nos deux équipes travaillent conjointement à la première structure du complexe Pr55Gag/ARN Psi par cryo-microscopie électronique et par cristallographie aux rayons X. Une telle structure révèlerait tous les contacts protéine-ARN qui assurent une reconnaissance spécifique de l’ARNg par Pr55Gag.
L’Objectif 2 sera atteint par une étude fonctionnelle en comparant la fixation de Pr55Gag à l’ARNg et à des ARN viraux épissés en absence et en présence de ligands du domaine p6 de Pr55Gag (ALIX, Tsg101, Vpr). Nos tests biochimiques et biophysiques pourraient ainsi révéler pour la première fois, si et dans quelle proportion la spécificité de fixation de Pr55Gagà l’ARNg est modulée par des facteurs cellulaires (ALIX, Tsg101) ou viraux (Vpr).
Pour atteindre l’Objectif 3, nous développerons le premier test quantitatif d’assemblage/encapsidation de manière à déterminer la distribution en taille des particules et leur concentration dans l’échantillon. Cela nous permettra i) de comparer l’efficacité de l’assemblage viral en présence d’ARNg et/ou d’acides nucléiques hétérologues, et ii) d’analyser l’impact des ligands p6 sur l’encapsidation de l’ARNg.