Projets et candidats lauréats

    La réponse immunitaire innée protège les cellules contre les virus en induisant l’expression d’interféron (IFN). La sécrétion des IFN conduit à l’expression de plusieurs centaines de gènes de réponse, appelés ‘interféron-stimulated gènes’ (ISG), capables d’inhiber la réplication virale. Seule une poignée de ces ISG ont été bien caractérisés, principalement par des approches de surexpression.

    Nous avons développé une banque originale de 1156 siRNAs ciblant environ 386 ISG humains (46% de nouveaux). En criblant cette banque dans des cellules infectées par le virus Zika, qui appartient à la famille des flaviviridae, nous avons identifié des nouveaux ISG capables de moduler la réplication virale. Nous proposons d’utiliser la même approche pour identifier les ISG modulant la réplication du virus de l’hépatite C (VHC), qui appartient également à la famille des flaviviridae.

   Notre objectif à long terme est de caractériser le mode d’action de nouveaux effecteurs de la réponse IFN qui présentent des activités antivirales spécifiques au VHC ou qui agissant plus largement contre les membres de la famille des flaviviridae.

   Notre travail va permettre une avancée des connaissances sur la réponse antivirale. De plus, certains de ces inhibiteurs viraux naturels pourraient être utiles au développement de nouvelles thérapies qui activeraient, amplifieraient ou imiteraient leurs actions.

La tuberculose est la 1ère cause de mortalité par maladies infectieuses dans le monde. En 2018, 10 millions de personnes ont contracté cette maladie et 1,5 millions en sont mortes. Cette même année, l’OMS a estimé à 484 000 le nombre de nouveaux cas présentant une résistance à la rifampicine. En République Démocratique du Congo (RDC), les données OMS de 2018 indiquaient une incidence de la tuberculose de 321/100000 habitants avec près de 6000 cas de résistance à la rifampicine. On estime que dans ce pays, seulement 63% des patients infectés de tuberculose ont pu bénéficier d’un traitement grâce au plan national de lutte contre la tuberculose (PNLT).

En Europe, l’approche plus globale de son dépistage intégrant les potentiels réservoirs d’animaux sauvages ou domestiques, a permis de mieux appréhender cette maladie zoonotique. Cette pathologie fait partie dans certains pays africains, des zoonoses prioritaires puisqu’elle représente une menace pour la santé publique humaine et animale. En effet, la tuberculose liée à Mycobacterium tuberculosis a pu être isolée chez des singes en Afrique équatoriale ou à Mycobacterium bovis chez les bovins comme en Afrique du Sud ou au Nigéria. La cohabitation entre population humaine et animaux d’élevage ou sauvages peut ainsi représenter des évènements de transmissions inter espèces de certaines souches responsables de la tuberculose. L’approche « One Health » est particulièrement pertinente dans cette pathologie et reste peu étudiée.

Dans la province du Sud Kivu à l’Est de la RDC, le Parc National Kahuzi Biega (PNKB) est le refuge de nombreuses espèces de primates. Aux abords de ce parc, le village de Lwiro regroupe trois structures : le Centre de Recherche en Sciences Naturelles (CRSN), un hôpital rural (CHL), et le Centre de Réhabilitation des Primates de Lwiro (CRPL). Le CRSN possède un laboratoire de biologie où sont réalisés les examens bactériologiques du CHL et du CRPL. Le CRPL a pour mission de soigner, de protéger et de réhabiliter des primates d’Afrique centrale, victimes de braconnage. Enfin le CHL est la seule structure de soin primaire disponible dans cette zone rurale. De nombreux habitants du village de Lwiro travaillent ainsi dans l’une de ces trois structures ou dans l’élevage bovin. Les interactions humaines et animales y sont donc très importantes. Alors que cette maladie a été diagnostiquée fin 2010 chez deux chimpanzés hébergés au CRPL, aucun programme de surveillance de cette maladie n’a encore été mis en place dans cette région.

Ce projet a pour but d’étudier l’épidémiologie de la tuberculose au niveau zoonotique («One Health») dans cette région de Lwiro. La prévalence de la tuberculose dans cette zone rurale sera évaluée sur la population humaine ainsi que sur différentes populations d’animaux sauvages et domestiques. L’analyse des liens éventuels de contaminations inter-espèces, par analyses génétiques des souches de mycobactéries retrouvées, sera réalisée. Cette étude s’appuyera sur les structures multidisciplinaires du CRSN, du CRPL, du CHL et du PNKB (Equipe B). Le CRSN effectuera la recherche des mycobactéries sur divers prélèvements en fonction des populations (crachats, LBA, selles, lait) par examen direct sur lame après coloration à l’auramine et par PCR. Tous les prélèvements retrouvés positifs à l’un des 2 examens seront envoyés au laboratoire NSB3 de l’hôpital Avicenne (Equipe A) pour une mise en culture des échantillons afin de réaliser le séquençage du génome complet des souches par technique NGS. Ce séquençage permettra de mettre en évidence par analyses phylogénétiques des liens éventuels de transmissions de la maladie entre les différentes espèces étudiées ainsi que la mise en évidence des mutations de résistance aux antituberculeux. Ce projet permettra également d’améliorer et de pérenniser le diagnostic de la tuberculose dans cette région avec le soutien du PNLT. Toutes les données qui seront recueillies au cours de ce projet répondront au besoin urgent d’établir le périmètre de présence de la tuberculose au sein des différentes populations et d’influencer les politiques de lutte et prévention contre la maladie sur un modèle de « One Health ».

Introduction des traitements ARV injectables pour les personnes vivant avec VIH au Sénégal – [TIVIH-accès]

• Contexte

Les traitements ARV injectables à longue durée d’action (ARV-LA), associant Cabotégravir et Rilpivirine en injections tous les deux mois, pour des adultes vivant avec le VIH-1 en succès virologique, ont fait la preuve de leur efficacité et ont montré une bonne acceptabilité de la part des usagers dans le cadre d’essais cliniques, dans les pays du Nord, mais nécessitent encore d’être évalués « dans la vie réelle ». Les ARV-LA sont considérés comme une option intéressante pour les PVVIH en Afrique subsaharienne. Le contrat d’initiation ANRS « TIVIH » a montré une forte attente des patients et des acteurs de santé. L’étude « TIVIH-accès » a pour ambition d’accompagner et documenter l’accès à ces traitements innovants au Sénégal, par un processus de recherche multidisciplinaire.

• Objectifs

Analyser par une approche pluridisciplinaire :
– l’acceptabilité et la faisabilité de l’introduction d’un traitement ARV-LA (Phase 1),
– chez les personnes traitées par ARV-LA, l’efficacité et la faisabilité de cette stratégie à 48 semaines (Phase 2).

• Type d’étude

Etude prospective, multicentrique, dans deux sites de prise en charge des PVVIH au CHNU de Fann à Dakar : au CTA (Centre de Traitement Ambulatoire) et au CRCF (Centre régional de Recherche et de formation à la prise en charge Clinique de Fann), associée à une analyse de faisabilité de l’introduction des ARV-LA dans trois sites de prise en charge régionaux et à une analyse du rapport coût-utilité (Qaly).

• Critères d’inclusion

Phase 1 :

– Adultes vivant avec le VIH-1 en succès virologique avec un traitement de première ligne > 12 mois

– Absence de contre-indication médicale aux traitements ARV-LA

– Absence d’historique de résistance aux INNTI et/ou aux INI

Phase 2 :

– Génotype ADN sans présence de mutations de résistance aux médicaments de la combinaison étudiée

– Femmes en âge de procréer : contraception efficace et test de grossesse négatif.

– Accepter des rappels des rendez-vous par téléphone et des visites à domicile ou dans un endroit choisi par le patient pour éviter la survenue de résistances virologiques en cas de difficultés de respect des dates d’injection

• Effectif : 140 personnes inclus dans la Phase 2
• Stratégie

Deux phases :
1/ identification de patients éligibles à qui le traitement sera proposé 
2/ inclusion et suivi d’une cohorte de 140 personnes traités par ARV-LA après une phase orale de 4 semaines pour s’assurer de la tolérance.

Trois volets :

– le volet clinique et virologique portera sur l’éligibilité de la stratégie, les profils de résistance génotypique aux ARV parmi les patients éligibles, l’efficacité clinique et virologique, la tolérance des traitements, la proportion des arrêts ou retards d’injections et leurs causes.

– le volet santé publique s’intéressera à : l’impact de l’introduction des ARV-LA sur l’organisation des soins dans les structures de santé et les conditions de pérennisation des ARV injectables sur le plan national ; l’analyse du rapport coût/utilité du passage aux ARV-LA.

– le volet socio-anthropologique étudiera les dimensions socio-culturelles de l’usage des médicaments ARV-LA, l’expérience et les perceptions des PVVIH, des acteurs de santé et associatifs ; et réalisera une ethnographie de l’introduction des ARV-LA dans une approche intégrant le niveau local (Sénégal) et global (international) dans la perspective d’une diffusion des ARV-LA sur le continent africain.

• Echéancier

Phase préparatoire : 4 mois

Phase 1 : 4 mois

Inclusion dans la Phase 2 : 2 mois

Participation par sujet dans la Phase 2 : 12 mois

Analyses : 2 mois

Durée totale du projet : 24 mois

• Résultats attendus

Produire les connaissances indispensables pour accompagner l’introduction de cette innovation thérapeutique au Sénégal. Elles bénéficieront à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Cette étude fournira les premières données probantes permettant aux autorités sanitaires sénégalaises d’envisager le déploiement éventuel de cette stratégie à plus large échelle.

Le complexe ribonucléoprotéique 7SK (7SKsnRNP) composé du petit ARN nucléaire non-codant 7SK et de protéines nucléaires, régule l’activité du facteur positif d’élongation de la transcription (P-TEFb), hétérodimère constitué d’une cycline T et de la kinase cycline-dépendante CDK9. P-TEFb est essentiel pour la transcription des ARN messagers par l’ARN polymérase chez les eucaryotes. L’assemblage 7SKsnRNP capture P-TEFb, inhibant ainsi son activité kinase indispensable à la levée des pauses de la transcription par l’ARN polymérase II (ARNpol II). Lorsque P-TEFb est libéré du complexe 7SKsnRNP, CDK9 phosphoryle le domaine C-terminal de l’ARNpol II ainsi que les répresseurs de transcription NELF et DSIF, restaurant ainsi la transcription par l’ARNpol II.

P-TEFb est un facteur cellulaire indispensable pour la régulation de la réplication du virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Il joue un rôle essentiel dans l’initiation de la transcription chez le VIH-1. P-TEFb est recruté par la protéine virale Tat qui interagit avec la cycline T1 via son domaine d’activation, tandis que son domaine de liaison à l’ARN s’associe à l’ARN TAR (« trans-activating responsive ») localisé dans la région 5’ non traduite du génome viral. Des études biochimiques révèlent également que P-TEFb peut être présent dans trois complexes distincts. Le premier complexe est composé de P-TEFb et de la protéine Brd4 qui contient deux bromo-domaines se liant aux résidus lysines acétylés dans la chromatine. P-TEFb a également été trouvé associé au « Super Complexe d’Elongation » (SEC). Le troisième complexe contient P-TEFb et l’assemblage 7SKsnRNP. Tat peut capturer P-TEFb dans chacun de ces complexes.

Le complexe 7SKsnRNP contient trois protéines nucléaires dont HEXIM1 avec laquelle P-TEFb interagit de manière réversible. Tat est capable de déplacer la protéine HEXIM1 de l’ARN 7SK, provoquant ainsi la libération de P-TEFb. L’ARN 7SK régule ainsi indirectement la transcription de l’ARN du VIH en contrôlant la disponibilité de P-TEFb.

Dans le cadre du projet présenté, nous nous intéressons tout particulièrement au mécanisme fin d’interaction de l’ARN non codant 7SK avec Tat et HEXIM1. Ces deux protéines contiennent des motifs de liaison à l’ARN similaires (ARM : « Arginine Rich Motif »). Elles ciblent la même région de l’ARN 7SK mais avec des mécanismes d’interaction différents. Ceci est particulièrement intrigant : comment deux protéines comportant des domaines de liaison à l’ARN aussi similaires, peuvent-elles cibler le même ARN de manières distinctes ?

Afin de mieux comprendre les facteurs régissant ces interactions, nous proposons d’étudier les interactions HEXIM1/7SK et Tat/7SK en combinant des méthodes biophysiques et biochimiques. Nos objectifs sont de: (i) mesurer des données cinétiques et thermodynamiques pour comparer les interactions de 7SK avec Tat et HEXIM1 ; (ii) mesurer des données cinétiques et thermodynamiques du déplacement de HEXIM1 par Tat, (iii) analyser les changements conformationnels globaux de 7SK sous l’effet de l’interaction avec ses deux partenaires protéiques et (iv) élucider les structures des complexes par Cristallographie. Pour réaliser les mesures cinétiques et thermodynamiques, nous utiliserons la technologie « switchSENSE », ainsi que la titration calorimétrique isotherme (ITC). L’ITC est une technique utilisée pour mesurer les paramètres d’affinité (KD), et thermodynamiques d’interaction entre biomolécules (enthalpie et entropie), ainsi que la stoechiométrie (n). La technique « switchSENSE », nouvelle en France, permet l’analyse d’interactions entre molécules en temps réel et d’accéder à la mesure de constantes cinétiques d’association (kon), de dissociation (koff) et de la constante d’affinité KD, donc complémentaire de l’ITC. L’utilisation combinée de ces méthodes peut fournir une vue détaillée du mécanisme d’interaction entre biomolécules et ainsi, des données fondamentales sur la régulation l’activité de P-TEFb par l’ARN 7SK.

Une meilleure compréhension des facteurs régissant les interactions entre l’ARN 7SK et ses partenaires pourrait contribuer à obtenir des informations supplémentaires sur la réplication du VIH.