Le tissu adipeux (TA) est un tissu largement affecté lors de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) puisqu’il est ciblé simultanément par le virus et les molécules antirétrovirales (ARV). Les perturbations des fonctions métaboliques et sécrétoires du TA ont des répercussions sur l’ensemble de l‘organisme en particulier sur les aspects métaboliques et inflammatoires qui participent au risque cardio-métabolique. Par ailleurs, des données récentes de la littérature suggèrent que le TA pourrait également jouer un rôle anti-infectieux majeur, de par la présence de lymphocytes T (LT) mémoires résidents en son sein. Les perturbations du TA pourraient contribuer à trois aspects majeurs de la physiopathologie de l’infection par le VIH : le risque cardiovasculaire et dysmétabolique, la persistance virale et les perturbations immunitaires.
Nous posons l’hypothèse que les dysfonctions du TA, observées au cours de l’infection par le VIH, conduisent à des atteintes métaboliques, qui seraient responsables de la mise en place des perturbations immunitaires. L’objectif de ce projet est de mieux caractériser la biologie du TA, en étudiant simultanément les versants immunologique et métabolique de ce tissu, et d’identifier les nœuds d’interaction entre les perturbations métaboliques et immunitaires observées chez les patients. Nous avons défini trois objectifs :
(1) Evaluer l’impact synergique de l’infection chronique par le VIH/SIV et des ARV sur les composantes métabolique et sécrétoire du TA. L’originalité de ce travail est de caractériser le contexte de l’infection chronique par le VIH/VIS, en intégrant la toxicité des nouveaux ARV (en particulier les inhibiteurs d’intégrase (dolutégravir et raltégravir)) et la persistance virale au sein du TA. Nous étudierons les modifications morphologiques (fibrose, vascularisation, taille adipocytaire) et fonctionnelles du TA (adipogenèse, insulino-résistance, lipolyse). L’implication de différentes voies, telles que la sénescence, l’inflammation, ou le stress oxydant, sera étudiée.
(2) Evaluer l’impact synergique de l’infection chronique par le VIH/SIV et des ARV sur les capacités immunitaires du TA. L’étude des propriétés fonctionnelles comprendra une analyse des capacités effectrices, des profils d’épuisement et de sénescence des LT mais aussi du potentiel de migration de ces derniers, notamment vers les sites lymphoïdes. Des études de mobilité seront réalisées par microscopie dynamique in vivo et ex vivo sur explants.
(3) Identifier les mécanismes impliqués dans ces interactions entre métabolisme et immunité dans le contexte de l’infection par le VIH. Plusieurs mécanismes peuvent être impliqués dans ce dialogue. Un de nos axes d’étude sera la caractérisation du double rôle des ASC qui, en complément de leur activité pro-adipogénique, présentent des activités immunosuppressives. Un deuxième aspect sera aussi d’évaluer l’impact de la fibrose du TA sur la mobilité des cellules immunitaires. A l’inverse, les modifications immunitaires du TA peuvent impacter sur sa fonction métabolique et jouer un rôle dans l’insulinorésistance et le profil dysmétabolique. Les associations entre ces différents paramètres seront étudiées dans les modèles animaux VIS et confirmées chez les patients.
Ce travail collaboratif vise à démontrer l’impact direct des perturbations métaboliques sur la qualité des réponses immunitaires, non seulement au sein du TA, mais aussi aux sites lymphoïdes de proximité dans le contexte de l’infection par le VIH. Si tel est le cas, nos résultats identifieraient le TA comme un organe central, non seulement pour les équilibres métaboliques, mais aussi pour la qualité des réponses anti-infectieuses. Cette problématique pourrait être d’autant plus importante chez les patients vivant avec le VIH que la population des patients infectés vieillit progressivement et est plus sensibles aux déséquilibres métaboliques et infectieux. Ce travail pourrait permettre de mieux cibler les actions thérapeutiques de restauration de l’homéostasie du TA, et ainsi réduire le risque cardio-métabolique et les perturbations immunitaires chez les patients.