La coqueluche est une infection respiratoire très contagieuse causée par Bordetella pertussis. Malgré une couverture vaccinale élevée, elle reste une préoccupation majeure de santé publique, avec une réémergence récemment observée à l’échelle mondiale. En 2024, un pic épidémique marqué a été constaté en France, avec d’une forte incidence de formes graves chez le nourrisson. Cette reprise épidémique est associée à des modifications génétiques et phénotypiques de B. pertussis ; contrairement aux épidémies précédentes, la majorité des souches circulantes expriment la pertactine (PRN), facteur de virulence et antigène vaccinal. D’autres évolutions comme l’émergence d’isolats porteurs du fimbriae FIM2, de résistance aux macrolides, ainsi que la résurgence du génotype ancestral ptxP1 ont été observées. Ces évolutions pourraient influencer la transmissibilité, la virulence bactérienne, l’efficacité vaccinale. Le spectre clinique de la coqueluche est variable, la coqueluche maligne, forme la plus grave, est associée à une mortalité élevée. Si certains facteurs de risque liés à l’hôte (âge, prématurité, absence de vaccination) sont bien documentés, les déterminants microbiens et immunologiques de la sévérité restent mal compris.
Ce projet doctoral propose une approche innovante basée sur les technologies omiques, afin de caractériser les mécanismes microbiologiques et immunitaires impliqués dans la sévérité de la coqueluche chez l’enfant. Il repose sur trois hypothèses principales : (1) L’évolution récente de B. pertussis, sous pression vaccinale, s’accompagne de modifications d’expression génique contribuant à l’échappement vaccinal ; (2) Ces modifications sont associées à des phénotypes cliniques variés, y compris graves ; (3) La gravité est liée à une réponse immunitaire systémique et muqueuse spécifique chez le nourrisson.
Ses objectifs sont : (1) identifier les profils d’expression génique in situ de B. pertussis au cours de l’infection chez l’enfant ; (2) identifier des gènes dont l’expression est associée aux formes graves, dont prn, et évaluer leur rôle dans la virulence ; (3) caractériser les réponses immunitaires liées à la gravité chez le nourrisson.
Le projet repose sur une biocollection issue d’une étude pédiatrique nationale constituée d’échantillons nasopharyngés et sanguins d’enfants hospitalisés suspects de coqueluche. Une analyse transcriptomique bactérienne « in situ » sera menée via un panel NanoString® de 200 gènes clés. La réponse immunitaire de l’hôte au cours de l’infection sera caractérisée via l’établissement d’un profil transcriptomique (panel Nanostring® ~800 gènes), l’analyse cytokinique (technologies xMAP® et SIMOA®) et le dosage des d’anticorps anti-PT (IgA, IgG) au niveau systémique (sang) et local (nasopharynx). Le phénotype cellulaire immunitaire sera étudié par cytométrie en flux (20 marqueurs cellulaires).
Nous étudierons ensuite le rôle des gènes bactériens d’intérêt, sélectionnés pour leur impact potentiel sur la virulence de B. pertussis et le phénotype clinique, à l’aide de mutants isogéniques générés par recombinaison homologue. Nous utiliserons ces mutants sur des modèles ex vivo d’infection, incluant des cellules épithéliales trachéales humaines et des cellules dérivées du sang de cordon ombilical. Des tests fonctionnels permettront d’évaluer la virulence bactérienne (adhésion, invasion, formation de biofilm, cytotoxicité) ainsi que la modulation de la réponse immunitaire de l’hôte.
La caractérisation des facteurs microbiens et immunitaires impliqués dans la gravité de la coqueluche, en tenant compte de l'évolution récente des souches, aidera à identifier de nouveaux biomarqueurs et à développer des vaccins et traitements innovants.
Ce travail sera mené à l’Institut Pasteur au sein du laboratoire BEBP hébergeant le CNR de la coqueluche, en lien avec les plateformes omiques du site. Les résultats seront diffusés via les réseaux scientifiques existants, et pourront donner lieu à des publications, financements internationaux ou brevets. Cette approche omique translationnelle pourrait également s’appliquer à d'autres infections pédiatriques émergentes.